Ces derniers mois, le coronavirus a bouleversé le monde. Nous avons demandé à Jack Neele, gérant du fonds Robeco Global Consumer Trends Equities, quels changements il a remarqués et quelles en sont les conséquences pour son portefeuille. Depuis le début de l’année, le fonds se situe à +12 % et offre un rendement annualisé sur 3 ans de +17,2 %.
Quelles sont les tendances structurelles sur lesquelles vous jouez et le coronavirus a-t-il eu un impact sur celles-ci ?
Jack Neele : « Les grandes tendances structurelles n’ont pas changé à cause de la crise. La digitalisation, par exemple, que nous exploitons énormément avec le fonds, a même bénéficié d’un important élan supplémentaire. Certaines entreprises du secteur ont même récemment indiqué que des changements qui auraient normalement pris 2 à 3 ans se sont produits pendant la crise du coronavirus. Le deuxième grand thème, l’essor de la classe moyenne dans les pays émergents, se poursuit également sans relâche, même si les économies de la Chine et de l’Inde se portent un peu moins bien aujourd’hui. À cet égard, le fonds est un peu plus dépendant du marché. Et troisièmement, nous avons une importante pondération dans les marques fortes, qui sont par nature des entreprises plus défensives. Elles ont tenu bon dans le mouvement baissier. »
Dans quels sous-segments avez-vous constaté les plus grands changements ces derniers mois ?
Jack Neele : « Plusieurs tendances sous-jacentes se sont accélérées, comme la livraison de repas, les paiements numériques ainsi que la santé et l’hygiène personnelle. Fin 2019, nous avons renforcé nos positions dans le domaine de la livraison de repas, car nous avons constaté que l’objectif n’était plus de gagner des parts de marché, mais de réaliser des bénéfices. Toutefois, la crise du coronavirus a accéléré la mise en œuvre : l’afflux de nombreux nouveaux consommateurs et restaurants ne fait qu’accroître la force d’une telle plate-forme. Nous observons également une accélération dans le domaine des paiements numériques et sans contact. L’essor du commerce électronique n’y est pas étranger, bien sûr. Nous pensons que ces deux tendances vont se poursuivre. En outre, la crise du coronavirus a démontré l’importance de l’hygiène personnelle. Et la croissance que nous avons connue ces derniers mois persistera également à long terme et de manière structurelle. Les entreprises axées sur ce domaine ont clairement bénéficié de la crise. Elles ont une position forte et sont en première ligne pour bénéficier de cette croissance. »
Y a-t-il des sous-segments qui ont été moins performants ?
Jack Neele : « Nos positions dans les producteurs de biens de luxe et les entreprises liées aux voyages étaient sous forte pression au début de la crise. Nous ne sommes pas vraiment intervenus dans le domaine des biens de luxe, parce que nous croyons en la force de ces marques et parce que leur compétitivité n’est pas vraiment menacée. En effet, il faut beaucoup de temps pour construire une marque. Par contre, nous sommes intervenus rapidement pour des entreprises qui ressentiront plus longtemps les effets de la crise, comme un organisateur de concerts que nous avions dans notre portefeuille. »
Comment êtes-vous positionné en Asie ?
Jack Neele : « Ces derniers mois, nous sommes passés de la Chine à l’Inde. En termes de consommation ou de PIB par habitant, nous sommes aujourd’hui en Inde au même niveau qu’en Chine il y a dix ans. La Chine a connu une croissance phénoménale et le pays devient un peu plus mature. Bien sûr, nous voyons encore des opportunités de croissance en Chine, car ce pays est encore à la traîne par rapport à l’Occident, mais c’est en Inde que se trouve le plus grand potentiel. Pour les 5 à 10 prochaines années, nous y voyons de meilleures opportunités de croissance qu’en Chine. Nous y répondons en incluant dans notre portefeuille des producteurs de biens de première nécessité ou des supermarchés. »
Comment les grandes marques ont-elles traversé la crise ?
Jack Neele : « Les grandes marques consommateurs sont assez défensives et ont baissé moins vite que le marché au début de la crise. Cependant, dans le cadre de la reprise actuelle, elles ont pris un certain retard, en particulier les producteurs de boissons, car les bars et les restaurants n’étaient pas encore ouverts. Et il y a également eu un déplacement vers le commerce électronique chez les grandes marques, par exemple chez les producteurs d’articles de sport tels que Nike et Adidas. Les grandes marques ont finalement bien résisté à la crise car elles peuvent accélérer la chaîne de valeur et répondre plus rapidement à l’évolution des besoins des consommateurs. Ce qui était nécessaire, car presque tous les magasins ferment en même temps et presque partout dans le monde. Une autre conséquence de la crise est qu’elles ont renforcé leur bilan et vont adopter une position financière plus conservatrice et constituer des tampons plus importants. Pour la première fois de leur histoire, de nombreuses entreprises ont été confrontées à une baisse temporaire de leur chiffre d’affaires pouvant atteindre 80 %, ce qui est beaucoup plus que ce à quoi on pourrait s’attendre dans une récession ordinaire. »
Comment sélectionnez-vous ces entreprises ?
Jack Neele : « Nous nous concentrons sur les entreprises de qualité, que nous appelons aussi les gagnants structurels. Dans le cadre des tendances structurelles, nous examinons par segment les entreprises qui se distinguent de la concurrence. Il se peut qu’elles aient une marque forte, qu’elles puissent produire à bas prix ou qu’elles aient un pouvoir de fixation des prix, comme les producteurs de biens de luxe qui peuvent augmenter leurs prix chaque année, etc. Il doit également s’agir d’entreprises qui sont numéro 1 ou numéro 2 sur leur marché final. Les actions de ces entreprises ont bien résisté à la crise et ont surpassé la moyenne du marché. La preuve que notre méthode fonctionne. »
Quelle est pour vous l’importance des millenials ?
Jack Neele : « Nous suivons de près l’évolution des besoins des millenials, ou génération Z, car ce sont souvent eux qui donnent le ton. De plus, ils gèrent plus facilement la digitalisation et la technologie moderne. Pour ce groupe, il est important d’avoir un mode de vie sain. Beaucoup portent des smartwatches, utilisent des fitness trackers et sont plus sensibles à une alimentation saine : ils consomment davantage d’aliments naturels, bio et végétariens et veillent à ne pas consommer trop de sucre, de sel et de graisse. Nous essayons d’y répondre autant que possible. »
Pour finir, à quoi ressemblera votre fonds dans deux ans ?
Jack Neele : « Comme indiqué précédemment, nous n’attendons aucun changement dans les grandes tendances structurelles. Nous guettons continuellement les évolutions numériques et la façon dont les consommateurs modifient leurs habitudes de dépenses, et essayons de suivre constamment cette évolution avec notre portefeuille. Il ne fait aucun doute que la digitalisation va se poursuivre. Seule la façon d’y réagir en tant que gestionnaire va changer. Il y a quelques années, nous nous concentrions sur les smartphones et les grandes entreprises technologiques FAANG. Aujourd’hui, nous sommes davantage axés sur les acteurs actifs dans le domaine des paiements numériques, des jeux vidéo, du streaming musical (l’industrie musicale se développe à nouveau pour la première fois depuis 20 ans), de la livraison de repas, des soins de santé et de l’hygiène personnelle. Ces sous-segments continueront à montrer la tendance dans les années à venir et seront encore pleinement présents dans notre portefeuille d’ici 2 ans. »