L’assureur d’obsèques Dela définit lui-même sa propre allocation d’actifs. « Ce sont des connaissances dont on souhaite disposer en interne. Il me paraît risqué de devoir faire appel à l’extérieur pour cela », affirme le CIO Frank Eizinga, responsable d’un portefeuille d’environ 8,5 milliards d’euros. Il s’agit ensuite de trouver les bons gestionnaires externes pour l’exécution. « La cohérence est ici le maître‑mot. »
« Si vous promettez des obsèques aux gens, l’inflation devient votre problème. » Frank Eizinga, CIO de la coopérative Dela depuis 2014, ne pourrait décrire plus simplement le problème de la politique d’investissement de l’assureur d’obsèques. Si Dela propose encore quelques autres produits, il réalise environ 80 % de son chiffre d’affaires grâce aux assurances obsèques, qui garantissent au preneur des obsèques à valeur constante.
« Ce positionnement implique une politique d’investissement ambitieuse. Notre objectif consiste donc à obtenir un taux d’intérêt actuariel fixe tout en compensant l’inflation. » Si l’assureur y parvient, cette compensation de l’inflation est ajoutée aux polices à titre de participation aux bénéfices. « Il aurait été plus facile d’assurer un montant donné, mais la durée moyenne d’une police est de 42 ans. Le montant qui, au terme de cette période, sera suffisant pour financer des obsèques dépend en grande partie de l’inflation pendant toutes ces années. »
Comment investir si l’objectif principal consiste à compenser l’inflation ? En 2011, lorsque Frank Eizinga a commencé à travailler chez Dela comme gestionnaire de portefeuille actions et revenu fixe, la société investissait beaucoup dans les magasins néerlandais. « Les magasins aux Pays-Bas représentaient alors la moitié du portefeuille – environ 3 milliards d’euros à l’époque –et cette moitié était gérée par une équipe d’environ 25 spécialistes. L’autre moitié du portefeuille se composait d’actions – européennes à 90 % - et d’obligations d’entreprises, elles aussi majoritairement européennes. »
Pour Frank Eizinga, c’était là la principale difficulté pour une diversification du portefeuille. « Pour les actions, cela signifiait également des investissements aux États-Unis, au Japon et dans les économies émergentes. Nous avons ajouté du haut rendement dans la composante hypothécaire et nous sommes lancés dans les hypothèques néerlandaises. » Après sa prise de fonction comme CIO de Dela, en 2014, il s’est davantage focalisé sur la diversification du portefeuille immobilier.
Actifs réels
La plus importante transformation a concerné les investissements illiquides. « Cette part du portefeuille, plus de 40 % du total, comprend à présent un large spectre d’actifs réels. L’immobilier représente toujours 22 % et est réparti sur des fonds immobiliers externes. Nous avons également investi 14 % du portefeuille dans l’infrastructure, et visons 5 % dans l’agriculture et la sylviculture. »
Les différentes sortes de revenus issus de ces différentes sortes d’actifs réels sont toutes, d’une manière ou d’une autre, corrélées aux chiffres de l’inflation et doivent par conséquent générer la compensation de l’inflation souhaitée.
Yarden
Frank Eizinga a élaboré dès 2015 le plan de cette allocation d’actifs souhaitée, et les premières mesures ont alors immédiatement été prises. Dela a délibérément choisi d’élaborer elle-même sa propre stratégie d’investissement. « Ces connaissances stratégiques sont une chose dont on souhaite disposer en interne. Il me paraît risqué de faire appel à l’extérieur. »
La réalisation intégrale de cette stratégie est, en revanche, un enjeu de longue haleine, comme il a pu le constater. « Dela a connu une croissance considérable ces dernières années, notamment grâce aux rachats. En 2021, nous avions un portefeuille de 6,5 milliards d’euros, auxquels se sont ajoutés, d’un seul coup, 1,5 milliard d’euros avec le rachat de Yarden. Il s’agissait essentiellement d’obligations d’État. Nous les avons vendues, mais on ne peut pas simplement réinjecter ensuite cet argent dans des investissements illiquides. Il s’est donc retrouvé dans les classes d’actifs liquides, et nous œuvrons, aujourd’hui encore, à rétablir le bon équilibre entre les volets liquide et illiquide du portefeuille. »
Deux recherches par an
Rome ne s’est pas construite en un jour… d’autant plus que Dela exploite largement la sélection de gestionnaires externes. « Nous sommes 9 personnes, et nos mandats sont généralement compris entre cent et quatre cents millions d’euros », précise Frank Eizinga. « Cela signifie que nous pouvons généralement faire en moyenne deux nouvelles recherches de gestionnaires par an, car nous savons d’expérience qu’une recherche réussie prend à peu près neuf mois au total. »
Frank Eizinga cherche des gestionnaires externes qui correspondent « parfaitement» à Dela. « Ouverts, transparents et doués pour les investissements durables, aussi parce que c’est important pour nos membres. Il faut également que les approches coïncident en termes de volume : nous ne voulons pas investir cent millions dans un fonds de deux millions, mais si nous participons à un fonds de grande envergure, nous tenons tout de même à siéger au conseil consultatif. Nous voulons assister aux délibérations. »
Comparer ce qui est comparable
En définitive cependant, la principale exigence est peut-être bien la transparence, Frank Eizinga précisant qu’il tient à tout vérifier avec son équipe. « Nous voulons pouvoir comparer ce qui est comparable. On peut se baser les TRI, mais lorsqu’on les recalcule, on obtient généralement des rendements très différents pour les investisseurs. Nous préférons donc que le gestionnaire nous fournisse ses données périodiques, après quoi nous faisons nous-mêmes le travail. Cependant, un certain nombre de parties refusent de nous fournir ces données et se retrouvent alors exclues. »
Mais Dela persiste et signe. « Selon moi, un manque de transparence est mauvais signe. C’est dépassé, au même titre que les structures tarifaires désuètes. Je m’entretiens encore parfois avec ces parties qui demandent une structure tarifaire « 2+20 », mais ce n’est pas la peine de venir vers nous dans ce cas. Ces parties ne le comprennent pas. »
Les cinq P
Bien entendu, la sélection ne se fait pas uniquement sur les critères financiers et quantitatifs bien connus. Les investissements durables sont très importants pour Dela, qui s’appuie sur cinq P : philosophy, process, portfolio, performance & people. « Nous nous concentrons avant tout sur la corrélation entre ces différentes caractéristiques. Le processus s’inscrit-il bien dans notre philosophie d’investissement ? La performance sur une période donnée correspond-elle à ce que l’on peut attendre sur la base du portefeuille ? Un certain changement dans le portefeuille correspond‑il à la logique du processus ? Nous cherchons ainsi la corrélation, la cohérence chez un gestionnaire externe. Je veux pouvoir comprendre comment il travaille. Si nous ne le comprenons pas, si je ne peux pas l’expliquer moi-même à notre direction ou à nos membres, nous ne pourrons pas non plus justifier le choix de ce gestionnaire. »