Dans le secteur financier, le pan-European Personal Pension Product (PEPP) figure en tête de l’agenda de nombreux acteurs. Ce produit pourrait ouvrir et révolutionner le marché de l’épargne-pension. Autrement dit, un moment bien choisi pour aller frapper chez Jacqueline Lommen, European pension strategist chez State Street Global Advisors.
Que signifie exactement PEPP ?
Jacqueline Lommen : « Le PEPP est un produit d’épargne-pension du troisième pilier déductible fiscalement, qui peut être proposé de manière transfrontalière en Europe. L’Europe veut ainsi stimuler l’épargne pour les vieux jours par le biais du lancement de produits d’épargne réglementés et standardisés. En effet, l’épargne-pension n’est pas correctement réglementée dans tous les pays. L’Europe argumente également que le fait de pouvoir proposer ce type de produits d’épargne à plus grande échelle permettra de réduire les coûts et d’améliorer la qualité. En outre, ces produits pourraient mieux protéger les consommateurs car des règles claires seront d’application. Enfin, de plus en plus d’Européens travaillent au-delà de leurs frontières nationales. Il est dès lors plus facile de pouvoir emporter ses économies avec soi et continuer les alimenter. »
Quand ces premiers produits PEPP feront-ils leur apparition sur le marché ?
Jacqueline Lommen : « Ce sera fin 2021 ou début 2022. La législation européenne PEPP a été adoptée en 2019. Toutefois, certains détails techniques doivent encore être réglés, tels que le coût (qu’est-ce qui relève du plafond des coûts maximum légal ?), la manière de communiquer aux consommateurs (claire, numérique) et l’utilisation par tous des mêmes paramètres de calcul (par exemple, les rendements attendus), un processus qui devrait être achevé d’ici la fin de cette année. Le cycle de consultation s’est achevé le lundi 2 mars et tous les pays européens ont fait part de leurs réactions à l’AEAPP (Autorité européenne des assurances et pensions professionnelles). Cette entité basée à Francfort s’occupe de questions techniques et n’a cessé de gagner en importance ces dernières années. »
Que se passe-t-il en coulisses aujourd’hui pour préparer ce PEPP ?
Jacqueline Lommen : « Tout le monde se parle, explore le terrain et évalue si le business case est rentable. En tout cas, toutes sortes de consortiums sont créés, parce qu’un seul acteur ne pourra pas tout faire. Les grands gestionnaires d’actifs sont en contact avec des sociétés de technologie informatique à même de s’occuper de l’administration, notamment, ainsi qu’avec des distributeurs disposant de réseaux de bureaux locaux ou d’un site Web solide. Le développement technique sera achevé d’ici la fin de cette année et ce n’est qu’alors que le lancement des produits pourra commencer. Les consortiums seront alors définitivement alignés. Ce sera un véritable game changer ! »
À quoi ressembleront ces produits PEPP ?
Jacqueline Lommen : « Les fournisseurs sont en pleine réflexion sur la façon dont les produits devront se présenter, et les possibilités sont infinies. Pour l’instant, l’accent est cependant mis sur le Basic PEPP, la ‘default option’ ou offre standard. L’expérience a montré que les titulaires d’une épargne-pension ne veulent pas faire grand-chose eux-mêmes et préfèrent opter pour un bon produit standard. Il existe deux types de produits de base. Le premier aura une garantie de capital. Il va sans dire que cela réduira le montant du résultat d’épargne potentiel. Un autre type est un PEPP basé sur l’investissement ‘life cycle’, ou à cycle de vie. En résumé, plus l’épargnant vieillit, plus la stratégie d’investissement devient conservatrice. Et chaque année, à l’anniversaire du titulaire, le portefeuille est automatiquement rééquilibré. Cela se fait déjà souvent dans le cas d’investissements du deuxième pilier des pensions. »
Quelles seront les conséquences de l’arrivée des PEPP sur le marché local belge ?
Jacqueline Lommen : « Il est difficile de se prononcer à ce sujet car les questions techniques doivent encore être résolues et les pays eux-mêmes auront encore leur mot à dire à la fin du processus. Mais étant donné que quatre grands groupes d’acteurs - les banques, les compagnies d’assurance, les gestionnaires d’actifs et les fonds de pension - sont autorisés à proposer ces produits, cela pourrait créer une nouvelle dynamique (de marché). Quant à savoir quel sera l’impact sur les produits d’épargne-pension belges existants, cela relève de la boule de cristal. Sera-t-il possible de passer d’un produit d’épargne existant à un PEPP ? Les produits existants devront-ils être modifiés sur une base volontaire ou obligatoire ? Recevront-ils automatiquement un label PEPP ? Cela reste à voir. Cependant, il est important de noter que, contrairement aux produits d’épargne-pension belges, le PEPP ne sera soumis à aucune restriction d’investissement. »
Quel est le rôle des State Street Global Advisors dans toute cette histoire ?
Jacqueline Lommen : « Nous nous considérons comme faisant partie d’un consortium plus large. Nous sommes spécialisés dans les placements de pension, et plus particulièrement dans l’investissement à cycle de vie. Pour les pensions d’employeur, nous le faisons déjà au niveau mondial. Nous prenons donc en charge une partie limitée et spécialisée de l’ensemble du produit. Nous n’allons pas vendre le PEPP nous-mêmes, mais plutôt collaborer avec une banque, une compagnie d’assurance ou un fonds de pension. »