Après avoir été délaissés pendant de nombreuses années, les investissements axés sur la valeur sont de nouveau sous les feux de la rampe. L’année qui vient de s’écouler a été peu ordinaire en Bourse, avec des pertes considérables tant pour les actions que pour les obligations. Seules les stratégies axées sur la valeur ont encore pu offrir une certaine protection aux investisseurs.
L’indice Morningstar Developed Markets Value n’a perdu qu’un peu moins de 1 % en 2022, devançant de près de 11 points de pourcentage le marché dans son ensemble. Ce résultat relativement bon est dans une large mesure imputable aux performances exceptionnelles des actions du secteur de l’énergie. Le retard accumulé dans les investissements visant à développer les capacités sectorielles ainsi que la guerre en Ukraine ont fait bondir les cours sur les marchés des matières premières, et les compagnies pétrolières ont généré des bénéfices inégalés. La défense, la santé, le tabac et les prestataires de services financiers ont également été en verve.
Mais les belles performances des fleurons ne sauraient masquer les pertes de certains acteurs axés sur la valeur. Notons toutefois que les principales lanternes rouges incluent des entreprises qui comptaient jusqu’ici parmi les entreprises affichant la croissance la plus rapide ou les innovations ou disruptions les plus impressionnantes. Au rang des titres ayant le plus dévissé figure ainsi la plateforme de négociations de cryptodevises Coinbase, intégrée dans l’indice mi-2022 et qui a vu fondre 85 % de sa valeur sur l’année. Parmi les autres cas d’école, l’on compte Meta et Delivery Hero, qui ont aussi fait leur entrée dans l’indice en juin. Roblox et PayPal, autrefois classés dans les titres de croissance, ont été requalifiés en actions axées sur la valeur fin 2022.
Les investisseurs axés sur la valeur tombent parfois dans les « pièges de valeur », un terme qui caractérise les actions semblant peu onéreuses sur la base de critères de valorisation, mais qui n’ont pas de potentiel de redressement pour rattraper cette sous-valorisation apparente. Dans le cas de figure le plus extrême, ces titres perdent toute leur valeur. Un facteur spécifique peut en effet entraîner une dévalorisation considérable de l’entreprise, dont l’avenir peut sembler menacé. SVB Financial, Credit Suisse et Signature Bank faisaient ainsi partie de l’indice axé sur la valeur jusqu’à ce que leur viabilité se retrouve compromise.
Si l’investisseur axé sur la valeur doit donc rester sur ses gardes, il a tout de même eu de quoi se réjouir au cours de l’année écoulée. Et l’optimisme dont ont bénéficié les titres axés sur la valeur se reflète aussi dans les flux vers les fonds de grandes capitalisations internationales axées sur la valeur. Après quatre années consécutives de sorties de plus en plus importantes, un revirement s’est opéré en 2021 et ces fonds ont profité d’une collecte de près de 3 milliards d’euros, soit juste un peu moins que le record de 2016, lorsque les flux nets avaient atteint 3,2 milliards d’euros sur fond d’agitation politique, la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine ayant donné des ailes aux titres axés sur la valeur, en premier lieu aux actions bancaires. En 2022, les investisseurs axés sur la valeur ont également été très généreux, avec une collecte nette de 2,5 milliards d’euros. C’est le fonds Schroder Global Sustainable Value Equity, noté Bronze par les analystes de Morningstar, ainsi que le Robeco BP Global Premium Equity, noté Silver, qui ont été les plus convoités.
Le top 5
Le top 5 de cette semaine est établi sur la base de la performance totale entre le 1er mars 2022 et le 28 février 2023, et porte sur les fonds de la catégorie Morningstar des actions internationales de grandes capitalisations valeur.
La première place revient au fonds Schroder ISF Global Recovery, noté Bronze par les analystes de Morningstar. L’un des principaux atouts de ce fonds est l’application rigoureuse du processus d’investissement, qui identifie les entreprises affichant une décote importante par rapport à leur valeur intrinsèque. La mise en œuvre constante et disciplinée de la philosophie d’investissement contrarienne basée sur une sélection ascendante des actions selon les fondamentaux a permis de constituer un portefeuille ayant un style valeur bien marqué. L’équipe, constituée de Nick Kirrage, Simon Adler et Liam Nunn, a recours à plusieurs filtres de valorisation pour identifier les candidats potentiels. Les titres ayant dévissé ou ceux qui ont vu leurs bénéfices plonger sont évalués à l’aune de leur potentiel de redressement. Une analyse fondamentale permet d’éviter les pièges de valeur et l’équipe met l’accent sur l’analyse du bénéfice normalisé et de la solidité du bilan. Les résultats sont ensuite discutés en détail et les gérants élaborent ainsi un portefeuille ciblé comptant 30 à 70 positions. L’équipe investit dans des entreprises de diverses capitalisations boursières ; par rapport à celui des concurrents, le portefeuille surpondère largement les petites et moyennes capitalisations. Le style contrarien a été porteur ces dernières années, même s’il convient de préciser que les investisseurs doivent faire preuve de patience pour récolter les fruits de cette approche, et comme les gérants, persévérer même si le marché n’est pas favorable à ce style d’investissement.
Jeffrey Schumacher est director manager research chez Morningstar.