Une combinaison inédite de chocs externes, et en premier lieu la pandémie de Covid-19, mais aussi la chute des cours pétroliers et la hausse de l’aversion pour le risque à l’échelle planétaire, a entraîné des dégagements généralisés sur les actions et obligations des marchés émergents. Le top 5 établi par Morningstar sur les fonds obligataires des marchés émergents libellés en devises fortes montre que H2O est le plus touché de la catégorie, mais Goldman Sachs et Candriam ne sont pas épargnés non plus.
Dans le top 5 de cette semaine, Jeroen Siecker, analyste chez Morningstar, se penche sur la performance depuis le début d’année des obligations des marchés émergents libellées en devises fortes, une sous-catégorie de l’univers de la dette émergente plus sensible à l’évolution des taux américains à 10 ans que les titres libellés en devises locales.
L’indice phare, le JPM EMBI Global Diversified, a cédé 12,78 % entre le 20 février, à l’apparition du Covid-19, et le 14 avril. L’analyste souligne aussi la différence en termes de prime de risque entre la dette émergente notée investment grade (55 % des 773 émetteurs) et celle classée comme haut rendement (45 % de l’univers). « Le spread a atteint 607 points de base, soit 100 points de base de plus que le record précédent, en octobre 2008. »
En termes géographiques aussi, les divergences sont flagrantes : pour certaines économies fragiles, le virus a généré un « choc considérable », explique Jeroen Siecker. « Le nombre d’émetteurs souverains en difficulté, dont les spreads dépassent 1000 points de base, a atteint un niveau record. On compte parmi eux par exemple l’Argentine, le Surinam et l’Équateur ».
Les économies important du pétrole, telles que la Turquie et l’Indonésie, font globalement mieux que celles qui en exportent. Ce dernier groupe, qui compte notamment l’Angola et le Mexique, avec sa compagnie pétrolière nationale, Pemex, a en effet été très affecté par le dévissage des cours pétroliers.
Les obligations des marchés émergents affichent une note de crédit inférieure à celle des marchés développés du fait du risque économique et politique accru que présentent ces pays. Mais leur rendement (la rémunération du risque) est aussi plus élevé que celui des emprunts plus stables des marchés développés.
Et le niveau de risque se déduit des notations de crédit : 45 % des 773 émetteurs repris dans l’indice JPM EMBI Global Diversified affichent une notation inférieure à investment grade et 20 % sont originaires de petits pays, moins accessibles – les marchés frontières.
L’indice est composé pour quelque 80 % de dette souveraine émise en devises fortes, et principalement en dollar américain. Les 20 % restants sont composés de titres quasi-souverains, soit des emprunts émis par des entreprises totalement ou partiellement nationalisées, comme Pemex (entreprise nationalisée mexicaine) ou encore Petrobras (multinationale brésilienne semi-publique), toutes deux actives dans le secteur pétrolier.
Le top 5 de cette semaine présente les fonds d’investissement affichant les moins bonnes performances de la catégorie des obligations internationales des marchés émergents, sur la base de leur rendement en euros depuis le début de l’année (de janvier à fin mars 2020).
Goldman Sachs Emerging Markets Debt Portfolio :
L’un des cancres de la catégorie est le fonds Goldman Sachs Emerging Markets Debt Portfolio (la version duration hedged), assorti d’une notation Morningstar Analyst Rating Neutral. Jeroen Siecker explique que « fin février, le fonds était très exposé à la dette émergente au sein du segment du haut rendement. Il affichait donc un bêta plus élevé que l’indice de référence, si bien qu’il a été fortement touché.
Certains paris de change ont aussi pesé. C’est notamment le cas de l’exposition au zloty polonais, au peso mexicain et au rouble russe. La surexposition à l’Argentine a aussi bridé le rendement, car le pays pourrait bientôt connaître son neuvième défaut depuis la création de la République d’Argentine. »
Samuel Finkelstein est le principal gérant de portefeuille depuis plus de quinze ans déjà ; il est épaulé par trois économistes spécialistes de la dette souveraine, neuf traders et onze analystes de crédit. Dans le cadre de la stratégie, l’approche adoptée pour le choix des obligations d’État et d’entreprises est assez simple, selon Jeroen Siecker.
« Les analystes spécialistes de la dette souveraine proposent leur vision des différents pays et facteurs de risque sur la base de leur analyste fondamentale de la situation budgétaire, commerciale et monétaire des soixante pays couverts ». Les traders et les analystes d’entreprises mettent l’accent sur la sélection des titres et les opérations de valeur relative, tandis que le gérant principal du portefeuille est en charge de la surveillance des risques de marché. »
Candriam Bonds Emerging Markets :
La quatrième place de ce top 5 revient au fonds Candriam Bonds Emerging Markets, également noté Neutral par les analystes de Morningstar. Le fonds est géré par Diliana Deltcheva, nommée en juin 2015 gérante principale de portefeuille et responsable de l’équipe en charge de la dette émergente chez Candriam. Le fonds investit surtout en emprunts souverains et quasi-souverains émis par des pays émergents et libellés en dollars américains, ou dans une moindre mesure, en euros.
Le processus vise à identifier les inefficacités du marché en appliquant des stratégies de valeur relative. Jeroen Siecker explique que « Diliana Deltcheva n’adopte pas de vision top-down dominante, le positionnement global du fonds dépendant en grande partie de choix bottom-up de pays. » Cette approche de valeur relative ciblant les obligations d’État ou d’entreprises sous-valorisées a coûté beaucoup de points. Alors que les marchés monétaires et des capitaux sont confrontés à un risque systématique, les spreads de l’ensemble des catégories d’actifs augmentent. Le fonds était sous-exposé aux pays axés sur les exportations, mais surexposé à ceux affichant un fort bêta, avec notamment des positions en Angola et en Équateur. »
Selon Jeroen Siecker, d’autres paris de valeur relative ont été pris sur des pays désormais en difficulté, comme l’Argentine et le Surinam. « Le segment des emprunts émergents à haut rendement était aussi surreprésenté. La hausse des spreads a également mis sous pression la performance. L’exposition aux obligations en devises locales n’était pas significative en termes d’impact sur le rendement. »