« La plus grande échéance de l’histoire financière de notre pays », c’est ainsi que Peter Adams, CEO d’ING Belgique, qualifie l’échéance très attendue du bon d’État d’un an arrivée aujourd’hui, le 4 septembre.
Nous y sommes : l’Agence fédérale de la dette rembourse le capital assorti des intérêts sur les comptes des quelque 634 000 détenteurs du bon d’État. Ce sont donc environ 22,5 milliards d’euros d’épargne qui cherchent soudain une nouvelle affectation.
Banques et compagnies d’assurances lorgnent sur cet argent et ont lancé ces dernières semaines toute une série de produits allant des comptes à terme aux bons de caisse, en passant par les assurances branche 21 et branche 23. Le gouvernement belge s’est également engagé dans la course en émettant un nouveau bon d’État, mais sans le régime fiscal favorable du précédent. Au grand dam des banques, le bon d’État arrivant à échéance bénéficiait d’un précompte réduit à 15 %, contre les 30 % habituels.
« L’agitation règne depuis déjà une semaine. Les banquiers doivent déployer les grands moyens. »
Albert Verlinden, président de BZB-Fedafin
Le jour J entraîne-t-il une affluence exceptionnelle dans les agences bancaires ? « En réalité, l’agitation règne chez les agents bancaires et autres intermédiaires financiers depuis déjà une semaine. Les banquiers doivent déployer les grands moyens, tout le personnel a été mobilisé et les téléphones n’arrêtent pas de sonner », déclare Albert Verlinden, président de l’organisation professionnelle BZB-Fedafin. « Tout tourne autour des souscriptions à de nouveaux produits d’épargne ou d’investissement, principalement des offres promotionnelles temporaires. Les rendez-vous avec les clients sont limités à 45 minutes, afin que le banquier puisse en enchaîner dix par jour. Je m’attends à ce que cette frénésie dure encore une semaine ou deux. »
Pour certaines petites banques, l’enjeu est de taille. Il y a quelques années, elles avaient vu une part importante de leurs dépôts d’épargne se diriger vers le bon d’État, ce qui avait affaibli leur position de liquidité. Toutes les banques sont terrifiées à l’idée que l’épargne de leurs clients ne revienne pas et parte vers d’autres horizons.
« Heureusement, cette fois-ci, il n’y a pas de concurrence fiscale déloyale liée au nouveau bon d’État. Je m’attends donc à ce que la majeure partie des 22 milliards d’euros revienne dans le giron des banques et des compagnies d’assurance », déclare Albert Verlinden.
Réveil forcé
Gert De Mesure, analyste boursier indépendant, loue l’initiative du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), à l’origine du bon d’État lancé l’année dernière. Cette mesure entendait répondre au refus des grandes banques d’ajuster leurs taux d’intérêt à la hausse des taux directeurs de la BCE, malgré les nombreuses pressions exercées par le gouvernement et les régulateurs. Selon Gert De Mesure, le résultat est sans appel : le secteur financier belge s’est bel et bien réveillé, comme en témoigne la pléthore d’offres promotionnelles en matière d’épargne et d’investissement.
« Vincent Van Peteghem voulait secouer les banques ; il a réussi. Le secteur bancaire se réveille et l’investisseur en profite. On pourrait dire qu’après avoir offert des taux d’intérêt trop bas l’année dernière, les banques risquent cette fois-ci de verser trop aux épargnants et aux investisseurs. »
Albert Verlinden voit les choses différemment. « Ce n’est pas Vincent Van Peteghem qui a réveillé les banques. Après tout, les taux des comptes d’épargne ont-ils vraiment tant augmenté ? Cela reste assez limité. Alors, qui était-ce ? ING Belgique. »
Début juillet, la filiale belge de la grande banque néerlandaise avait lancé un « préenregistrement » pour un compte à terme exceptionnel d’un an. Fin août, la banque a annoncé un rendement brut de 3,8 % (ou 2,66 % net après précompte mobilier). Les personnes qui se sont préinscrites bénéficient d’un bonus de 0,20 % brut.
Pousser le secteur à réagir
« Récupérer les milliards du bon d’État constitue pour nous une priorité absolue », a déclaré le CEO Peter Adams lors de la présentation des résultats semestriels d’ING Belgique en août.
Pour Albert Verlinden, « ING a poussé tout le secteur à réagir. Leurs rendements ont servi de référence pour les comptes à terme concurrents dans les autres banques. »
Les prochains jours montreront dans quelle mesure les épargnants-investisseurs belges restent fidèles à leurs choix. Alors que l’attention se concentre principalement sur les produits à taux fixe, Benoît van den Hove, CEO d’Euronext Bruxelles, espère qu’une partie de cet argent se dirigera vers la Bourse, notamment vers des petites capitalisations belges. « Le 4 septembre 2024 représente une opportunité exceptionnelle pour un changement culturel qui dépasse le cadre du bon d’État et encourage les investisseurs à rechercher un meilleur rendement pour leur épargne », a-t-il écrit dans une tribune.
Albert Verlinden partage cet avis. « J’espère que dans les agences bancaires, des discussions plus larges auront lieu avec les clients, abordant également des produits liés à la Bourse et des horizons d’investissement plus longs qu’un an. Évitons cette fois-ci l’effet FOMO d’il y a un an, où une quasi-hystérie collective s’était déclenchée autour du bon d’État d’un an. Et ce, alors même que son rendement (3,3 % brut, 2,81 % net) était inférieur à l’inflation attendue. »
Chaîne annuelle
Il est intéressant de constater que les banques jouent sur les échéances dans leurs offres promotionnelles. KBC, par exemple, lance un compte à terme assorti d’une échéance de 13 mois au lieu des 12 habituels. « Une astuce sournoise pour briser la chaîne annuelle, empêchant ainsi les clients de souscrire aux offres d’autres banques l’année suivante », critique Ive Rosseel, conseiller fiscal de la confédération syndicale CSC, sur LinkedIn.
Cependant, Albert Verlinden estime qu’il est tout à fait logique que les banques cherchent à étaler les échéances. « Sinon, nous serions confrontés chaque année à une super échéance comme celle du 4 septembre. Si les dates sont mieux réparties, cela permettra au moins d’avoir une certaine concurrence tout au long de l’année, et non uniquement début septembre. »