Suite au Green Deal européen, la banque durable Triodos se trouve confrontée à une réglementation européenne de plus en plus stricte autour de son thème clé. La question est de savoir si la banque peut conserver son rôle de pionnier si l’ensemble du système financier est poussé vers le développement durable.
Thomas Van Craen (photo), CEO de Triodos Belgique, se montre critique vis‑à‑vis des effets des nouvelles règles européennes résultant du Green Deal européen. La SFDR, le CSDR, les PAI et la taxonomie ont entraîné une augmentation des coûts potentiels pour les investisseurs désireux d’avoir un impact positif sur le monde.
« Il est assez contradictoire que ceux qui veulent avoir le plus d’impact soient les plus durement touchés par la réglementation, qui implique donc potentiellement des coûts plus élevés pour l’investisseur. Les impacts négatifs devraient être communiqués de façon plus transparente, ou bien les exigences en matière de capital pour les investissements à impact négatif devraient être plus élevées. La charge de la preuve et les coûts du capital devraient essentiellement reposer sur cet impact négatif. Au niveau européen, nous essayons de peser dans ce débat auprès de l’autorité de régulation », déclare Van Craen.
La Banque Triodos commercialise sept fonds d’investissement dans notre pays. Il y a cinq fonds plutôt classiques, qui investissent dans des actions, obligations ou une combinaison des deux, dans le monde entier et en fonction du profil de risque de l’investisseur. La Banque Triodos commercialise également deux fonds thématiques pour les particuliers. Outre le fonds Triodos Pioneer Impact, établi de longue date, la banque a lancé en mars 2022 le Future Generations Fund, un fonds axé sur le bien‑être et le développement des enfants. À noter qu’elle reverse chaque année 0,10 pour cent de la valeur liquidative du fonds à l’Unicef pour contribuer à un projet en Côte d’Ivoire. Bricks for the Future vise la construction de salles de classe à l’aide de ‘briques’ faites de déchets plastiques.
Un rôle de pionnier
Van Craen ne s’inquiète pas le moins du monde pour ce qui concerne le rôle de pionnier de la Banque Triodos. « Une différence fondamentale nous distingue des autres banques : nous optons pour une approche positive et cherchons comment avoir un impact positif sur chaque défi social », explique‑t‑il. « Pour tous ses prêts et investissements, la banque s’appuie sur cinq thèmes de transition : l’alimentation, l’énergie, les matières premières et le bien‑être individuel et collectif. Nous renversons donc la méthodologie de l’exclusion. »
Triodos va ainsi bien plus loin que d’autres gestionnaires de fonds et s’est par exemple montrée, par le passé, critique vis‑à‑vis du label Towards Sustainability, par exemple, qui n’allait pas assez loin selon elle. Aujourd’hui, en plus de tous les rapports financiers, un investisseur du Pioneer of Global Equity Fund reçoit également trois autres paramètres. Les émissions de CO2, la consommation d’eau et les déchets résiduels produits sont mesurés par rapport à la moyenne de l’indice de référence. Cette façon de calculer une empreinte écologique est recommandée par le Partnership for Carbon Accounting Financials, un groupe de plus de 50 établissements financiers du monde entier qui communiquent l’impact climatique de leurs investissements à l’aide de méthodes qu’ils élaborent ensemble.
Selon Van Craen, l’attention croissante portée au développement durable ne finira pas par rendre Triodos superflue. « Aujourd’hui, les investisseurs veulent se prémunir contre le greenwashing. Les 40 ans de transparence à notre actif jouent en notre faveur. Le défi actuel consiste à rester à la pointe, en particulier en matière de transparence et de concrétisation de notre impact. »
Les fonds article 9
Notons que, bien qu’ils atteignent à peine un pour cent en termes de part de marché, les fonds de Triodos représentent quelque 5 pour cent des actifs sous gestion des fonds article 9 de notre pays. Après une première vague au cours de laquelle les fonds d’investissement ont littéralement dû annoncer la couleur, de nombreux fonds article 9 ont fait le choix d’être reclassés article 8.
« Nous n’envisageons absolument pas de faire de même. Le nombre de fonds article 9 sur le marché belge est somme toute assez limité. Ces fonds étant auto‑déclarés, Nous voulons contribuer à élaborer et objectiver une méthodologie à cet égard. Nous avons ainsi contribué au lancement de l’initiative PCAF pour la comptabilité carbone. »