Steven Magill, gérant de l’UBS European Value Opportunity Fund, estime que les banques européennes sont dans une bien meilleure position que ne le pensent la plupart des investisseurs. La morosité du marché offre également un point d’entrée idéal pour les entreprises cycliques. « Les valorisations de certaines entreprises impliquent qu’une récession est imminente. »
En raison de la correction du marché dans la seconde moitié de 2018, les entreprises cycliques sont maintenant tellement bon marché que, selon Magill, elles offrent un certain tampon contre les mauvaises nouvelles. « Certaines des banques que nous avons en portefeuille se négocient aujourd’hui à près de la moitié de leur valeur comptable, et bien en dessous de la moyenne à long terme », explique le Britannique, qui gère des actions européennes chez UBS depuis 2017.
Magill était auparavant gestionnaire de portefeuille pour les actions britanniques, un secteur de valeur par excellence. Un style de placement qu’il a importé dans son nouveau fonds.
« Les risques de récession sont surestimés »
Magill est donc un investisseur qui attache une grande importance aux valorisations. À cet égard, il estime que les entreprises cycliques sont désormais particulièrement attrayantes, en particulier après la correction des marchés aux troisième et quatrième trimestres de l’année dernière. Magill pense que les marchés surestiment la probabilité d’une récession parce qu’ils ont été trop influencés par l’aplatissement de la courbe de rendement américaine. « De nombreux investisseurs y voient un signe qu’une récession est imminente et ont donc réduit le risque. Mais la courbe de rendement n’est pas un indicateur aussi fiable qu’ils le pensent souvent. »
Magill n’a donc que légèrement intensifié sa surpondération des entreprises cycliques. « Nous avons pris nos bénéfices sur les actions du secteur de la santé et avons à la place augmenté nos positions dans les banques, les médias et les entreprises chimiques. »
Grâce au ‘tampon’ que lui procurent les faibles valorisations, Magill s’attend à ce qu’à long terme, les entreprises cycliques surperforment l’indice de référence. « Si l’économie performe raisonnablement bien ou bien, je m’attends à ce que nous réalisions un rendement fantastique. Mais si l’évolution économique s’avère décevante, nous ferons probablement pire que le marché, tout comme au second semestre de l’année dernière. »
Un tel revers ne signifierait pas que Magill réaliserait sa perte, car il achète généralement des actions pour le long terme. « Nous détenons nos actions plus de cinq ans en moyenne. »
Mais pourquoi cet optimisme à l’égard des banques est-il toujours d’actualité ? Son fonds a une allocation de près de 30 % aux services financiers, sa plus grande surpondération sectorielle.
Toutefois, la persistance des faibles taux d’intérêt et la stagnation l’investment banking (jusqu’à la crise financière, un moteur de croissance et de bénéfice majeur pour les banques) font que les grandes banques ont de plus en plus de mal à réaliser des bénéfices, sont confrontées à la concurrence de sociétés technologiques telles que Google et de petites ‘challenger banks’, et manquent de compliance, encore trop souvent considérée comme un simple poste de coût. Il en résulte des amendes élevées de la part de l’organisme de réglementation, comme ce fut le cas l’an dernier pour ING et Danske Bank.
Mais selon Magill, cette vague d’amendes pour les banques a maintenant ‘dépassé son pic’. En raison des règles plus strictes, les banques se comportent tout simplement mieux qu’il y a quelques années.
Les banques à faible bénéfice ont un avantage
L’inconvénient de ces règles supplémentaires et des exigences de fonds propres plus élevées est que les banques peuvent désormais réaliser moins de bénéfices. Mais tout inconvénient a son avantage, estime Magill : « Le bénéfice possible est certes maintenant plus faible parce que les banques peuvent prendre moins de risques, mais les bénéfices qui restent sont plus stables. Cela devrait justement être une raison d’opter pour des valorisations plus élevées. »
Mais les banques peuvent bien sûr être aussi des ‘value traps’ : l’essor d’Internet et l’influence de la technologie financière ont considérablement ébranlé le secteur bancaire, reconnaît également Magill. « La concurrence est plus vive dans les domaines initialement les plus rentables pour les banques, comme les cartes de crédit et les devises étrangères. »
C’est au Royaume-Uni que la concurrence des ‘challenger banks’ qui proposent leurs services à moindre coût et uniquement sur Internet est la plus forte. « Mais la pénétration de ces banques [comme Monzo et Revolut] est encore assez limitée. Je pense que nous nous dirigeons vers un modèle selon lequel la plupart des consommateurs continueront à utiliser leur banque actuelle pour la plupart des opérations, et utiliseront les nouvelles venues pour des services complémentaires. »