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Ces derniers mois, le marché du haut rendement s’est bien remis du revers assené par le coronavirus, mais de nouvelles hausses de cours deviennent de plus en plus improbables. C’est ce qu’affirme Ulrich Gerhard, gérant du BNY Mellon Global Short-Dated High Yield Bond Fund, lors d’un entretien avec Fondsnieuws.

« La hausse des cours des obligations est de plus en plus difficile à réaliser dans cet environnement de marché », déclare Gerhard, réaliste. Au contraire, les tensions croissantes autour du Brexit, surtout, augmentent les risques d’une correction du marché. « Maintenant que le Royaume-Uni tente de revenir sur l’accord de sortie avec l’UE, les risques de volatilité augmentent. Je ne m’attends pas à un nouveau sell-off, mais une correction d’environ 5% est tout à fait possible », déclare Gerhard depuis Londres.

Le fonds de Gerhard y est d’ores et déjà préparé : faute d’opportunités d’investissement attractives, la position de trésorerie est passée de 3,4 % fin juillet à 6,2 % fin août. « Ainsi, dès que le marché se repliera, nous pourrons utiliser ces liquidités pour entrer à moindre coût. »

Casinos

D’autres gérants haut rendement sont plus optimistes quant au court terme. Mike Della Vedova, de T. Rowe Price, écrivait par exemple la semaine dernière dans une vision de marché qu’il voit un grand potentiel dans les recovery trades, notamment dans le secteur automobile et les casinos, deux secteurs qui ont été durement touchés ces derniers mois. 

Gerhard est cependant sceptique. « C’est vrai qu’il y a une reprise en V, ce qui améliore les perspectives de nombreuses entreprises. Mais la branche droite du V est plus basse que la gauche, et le restera pendant un certain temps encore. Tant qu’il n’y aura pas de vaccin fiable, l’activité économique n’atteindra pas le niveau d’avant la crise. » 

Certains crédits peuvent sembler bon marché parce que les spreads sont plus élevés qu’avant la crise, mais ils ne sont tout de même pas suffisamment bon marché pour corriger le risque accru, estime Gerhard. « Prenez Europcar. L’entreprise a fait faillite la semaine dernière, mais les obligations se négocient toujours à 40 cents par rapport au dollar. Est-ce suffisamment bon marché ? Je pense que les prix des investissements dans des entreprises largement dépendantes du tourisme sont très difficiles à justifier à l’heure actuelle. » 

La misère économique ruisselle de plus en plus loin dans la chaîne. Les petits fournisseurs souvent non cotés des grandes multinationales, une catégorie importante dans le secteur du haut rendement, connaissent également des difficultés. « Je viens de m’entretenir avec un acteur majeur de l’industrie pétrolière et gazière. Il m’a déclaré sans équivoque que des réductions de prix sont exigées des fournisseurs. Ces grandes entreprises savent que leurs fournisseurs n’ont souvent pas d’autre choix et acceptent donc généralement de renégocier les prix. Et ces nouveaux prix, plus bas, sont alors souvent d’application directement pour plusieurs années. »

Tesla

Bien entendu, ce type de problème est particulièrement fréquent dans les secteurs cycliques sensibles au ralentissement économique. Ce sont donc principalement les entreprises de croissance qui sont populaires auprès des investisseurs cette année. Mais pas chez Gerhard, qui pense qu’une entreprise comme Tesla ferait mieux de financer sa croissance avec du capital social que par l’emprunt. « Si le flux de trésorerie, moins les investissements d’une entreprise, est négatif, c’est pour nous un signal d’alarme », déclare Gerhard. 

Rien qu’en raison de leurs investissements élevés, les sociétés de croissance ne sont pour cette raison bien souvent pas admissibles à l’inclusion. « Je n’aime pas prêter de l’argent à des entreprises en croissance. Il y suffisamment d’exemples d’entreprises qui ont financé leur croissance par l’emprunt et pour lesquelles les choses ont très mal tourné. »

Dans ce contexte, Gerhard mentionne le constructeur automobile britannique Jaguar Land Rover. « Ils avaient une stratégie de croissance et ont investi massivement ces dernières années dans la construction de nouvelles usines et dans l’expansion de leurs capacités. Tout semblait bien se passer, jusqu’à ce que les ventes en Chine s’effondrent soudainement. Il y a eu ensuite la crise du coronavirus et maintenant, c’est la menace d’un Brexit dur qui se profile. »

Les investisseurs obligataires dans le concurrent Tesla doivent également avoir les nerfs solides. « Il y a quelque temps, les obligations Tesla se négociaient bien en dessous de leur valeur intrinsèque. Un coupon de 5,3 % est-il suffisant quand le cours d’une obligation peut chuter aussi fortement que celui de Tesla ? »

C’est pourquoi Gerhard exige un coupon nettement plus élevé pour compenser ce risque supérieur lié aux entreprises en croissance, mais celui-ci n’est généralement pas payé. « Un investisseur en actions est compensé par l’upside de l’action, mais cela n’est pas d’application pour un investisseur en obligations. »

Flux de trésorerie positif

Quel genre d’entreprises Gerhard trouve-t-il donc attrayantes ? « En principe, mon fonds n’investit que dans des obligations devant être refinancées dans un délai de 12 à 24 mois. Pour moi, les perspectives à long terme d’une entreprise ne sont pas très pertinentes ; ce qui m’importe, c’est avant tout qu’une entreprise ait un flux de trésorerie positif afin de ne pas devoir s’endetter toujours davantage. »
Netflix est un exemple d’entreprise qui est passée du statut de cash burner à celui de société bénéficiaire. Jusque récemment, elle brûlait du cash, mais grâce à la crise du coronavirus, notamment, elle a reçu un nombre gigantesque d’abonnés supplémentaires, alors que les dépenses sont restées les mêmes. En conséquence, elle fait soudainement des bénéfices. Il est possible que Tesla soit en mesure de financer ses investissements par la vente de voitures à un moment donné. Si cela se produit, je pourrai commencer à investir dans ce domaine également. »

Repeat investor

Malgré l’horizon d’investissement court de son fonds, Gerhard se qualifie d’investisseur à long terme. « Nous discutons tous les 10 ou 12 jours avec les entreprises dans lesquelles nous investissons. Nous les interrogeons non seulement sur leur situation de trésorerie, mais aussi sur l’environnement de marché, le comportement des clients, les économies de coûts et la question de savoir si elles profitent des réductions du temps de travail accordées par le gouvernement, etc. »

Les entreprises sont prêtes à partager toutes ces informations, parce que son fonds est volontiers un investisseur récurrent, explique Gerhard. « Nous investissons régulièrement dans environ un tiers des entreprises de notre portefeuille. Nous réinvestissons souvent les revenus d’une obligation dans une autre obligation de la même entreprise après la date d’échéance. »

Le BNY Mellon Global Short-Dated High Yield Bond Fund, libellé en dollars, affichait le 11 septembre un rendement de -1,46 % depuis le début de l’année. Sur les trois dernières années, le rendement total est légèrement inférieur à 9 %. Malgré la récente baisse du cours de l’euro, le rendement sur trois ans en euros est encore légèrement supérieur, de 10,2 %.
 

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