La différence de valorisation entre les actions chères et les actions bon marché est allée trop loin ces dernières semaines. Les investisseurs peuvent donc s’attendre à une période de surperformance des actions de valeur. Toutefois, celle-ci ne durera pas trop longtemps.
Jamais les investisseurs n’avaient été aussi unanimes dans leur allocation qu’aujourd’hui : ils sont presque tous surpondérés en actions de qualité et de croissance, et évitent les secteurs les plus touchés par la crise du coronavirus.
« Les positions sur le marché sont maintenant vraiment radicales », déclare Geoffroy Goenen, responsable des actions européennes chez Candriam, lors d’un entretien avec Fondsnieuws. Une raison importante du ‘positionnement exagéré’ actuel est la réduction des liquidités, affirme-t-il.
« La réduction des liquidités n’est pas seulement un problème des marchés obligataires. Les marchés actions en Europe ont également perdu les deux tiers de leurs liquidités depuis 2009, parce que les banques ne gardent plus de risque sur leurs bilans. » De ce fait, il est par exemple beaucoup plus difficile de vendre de gros paquets d’actions. « Cela génère une plus grande volatilité dans une situation de crise, ce qui constitue l’une des principales raisons de l’‘overshooting’ (sur-ajustement) dans les cours des actions ces dernières semaines. »
En outre, Georg Elsässer, qui gère un fonds d’actions européennes long/short chez Invesco, souligne que de nombreux investisseurs avaient déjà adopté une position défensive avant le déclenchement de la crise du coronavirus. « La crise du coronavirus a entraîné des différences de valorisation encore plus importantes entre les différents secteurs. Les actions chères sont devenues encore plus chères, et les actions bon marché encore moins chères. »
Il semble que de nombreux investisseurs aient pour ainsi dire renoncé aux actions de valeur. Même Warren Buffett, l’investisseur en valeur par excellence, a jeté l’éponge.

Revirement
« Le marché a vraiment tout vendu, et les liquidités limitées en étaient la principale raison », affirme Goenen. Maintenant que le marché s’est calmé, l’écart de valorisation va donc automatiquement se combler quelque peu, estime-t-il. « Le momentum sur les marchés est actuellement si fort que la probabilité qu’à un moment donné, les investisseurs prennent massivement leurs bénéfices et amorcent un revirement est très élevée. »
Goenen a donc augmenté l’allocation aux actions de valeur ces dernières semaines. Il établit une comparaison avec les conséquences de la crise financière.
« Entre mars et juillet 2009, le secteur bancaire avait également réalisé une surperformance de 60 %. Une situation similaire peut maintenant se produire à nouveau, car de nombreuses banques négocient à un cours/valeur comptable de 0,2 ou 0,3. Je m’attends à une surperformance d’au moins 10 à 15 % de la valeur à court terme, mais cela pourrait aller encore plus loin. Une telle situation peut être préjudiciable si vous n’êtes pas investi dans ce type d’actions. »
Elsässer, d’Invesco, table sur quelque chose de similaire. « L’écart de valorisation, c’est-à-dire la différence de valorisation entre les actions chères et les actions bon marché, atteint aujourd’hui des niveaux records sous l’influence d’un très fort momentum chez les investisseurs. Dans le passé, nous avons toujours assisté à un revirement lorsque l’aversion au risque des investisseurs recommençait à diminuer. Ce pourrait également être le moment où le momentum redevient négatif dans un petit nombre de grandes valeurs (comme Amazon, Microsoft et Facebook, qui ont mené le rallye des actions ces dernières semaines). »
Mais le timing est à cet égard d’une importance cruciale, car la fête de la valeur ne durera pas très longtemps. « Dès que l’écart de valorisation entre valeur et croissance sera revenu à des niveaux normaux, il faudra à nouveau vendre la valeur. Parce que la récession économique qui s’annonce ne sera pas propice aux actions de valeur », déclare Goenen.
« Les pays qui voient aujourd’hui leur dette bondir devront à terme réduire leur déficit. Je suis donc certain qu’à plus long terme, la valeur sera moins performante que les actions de qualité et de croissance. »