Dans un contexte qui reste particulièrement perturbé, Vincent Juvyns (JP Morgan Asset Management) estime qu’il faut privilégier les placements obligataires, plus particulièrement sur la dette souveraine américaine et sur les obligations chinoises
« Le contexte actuel est peu réjouissant, avec une situation politique qui reste compliquée et inquiétante en Ukraine, alors que la Réserve Fédérale va relever de 0,75% son taux de base pour le porter à son plus haut niveau depuis 2008 afin de contrer la hausse de l’inflation. Et dans le même temps, les prix de l’énergie ont remonté brusquement suite aux dernières déclarations de Vladimir Poutine », souligne Vincent Juvyns (Stratégiste chez JP Morgan Asset Management).
Récession modérée
Il souligne toutefois qu’il ne s’attend pas spécialement à un scénario catastrophe d’un point de vue économique, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. « Jusqu’ici, la croissance européenne a bien tenu en dépit de la faiblesse allemande. Il semble toutefois inévitable que nous nous dirigions vers une récession de faible intensité durant les prochains mois ».
La tendance économique sera en effet soutenue par les différents trains de mesures mis en place pour faire face à l’épidémie de coronavirus et pour accélérer les investissements dans les infrastructures énergétiques suite à l’invasion de l’Ukraine, un effort estimé entre 2 et 2,5% du PIB européen qui devrait permettre au Vieux Continent de bien encaisser le choc. « Nous pensons également que le risque d’un blackout devrait être évité à condition que l’hiver prochain ne soit pas trop rude, et je constate que de nombreuses personnes autour de moi ont adapté leur comportement face à cette crise énergétique ».
« La hausse des prix de l’énergie va toutefois avoir un impact significatif sur la rentabilité des entreprises et sur le taux de chômage », prévient Vincent Juvyns. « Nous sommes toutefois actuellement sur un niveau de chômage qui est au plus bas depuis que ces données sont compilées par Eurostat, ce qui permet d’espérer une certaine résilience pour le marché du travail ».
Transitoire ou pas ?
Quant à l’inflation, il souligne qu’elle va rester le sujet principal de discussion durant les prochains mois, mais il continue d’estimer qu’une grande partie devrait s’avérer transitoire durant les prochaines trimestres, avec notamment des goulets d’étranglement au niveau des chaînes d’approvisionnement qui devraient progressivement disparaître. « Elle va toutefois retomber plus rapidement aux Etats-Unis qu’en Europe en raison des prix de l’énergie qui vont rester plus élevés dans nos régions ».
« La déglobalisation des échanges commerciaux n’a pas vraiment eu lieu, et le nouvel iPhone est encore loin de pouvoir être produit en Europe. De même, les ventes en ligne se sont tassées par rapport aux chiffres réalisés pendant la pandémie, mais nous restons toujours sur une trajectoire de croissance très rapide pour le long terme. Et comparer les prix d’achat en ligne reste une habitude qui est intrinsèquement déflationniste pour nos entreprises ».
Allocation prudente
« Face à la hausse des taux et aux menaces qui pèsent sur la rentabilité des entreprises, nous avons adopté depuis plusieurs mois un positionnement défensif sur les marchés boursiers. Et nous trouvons aujourd’hui davantage d’opportunités d’investissement sur les obligations, notamment sur la dette à 10 ans des Etats-Unis. Avec la nouvelle hausse de son taux directeur, la Fed a fait l’essentiel du chemin pour le resserrement de sa politique monétaire. De même, le dollar reste aujourd’hui une classe attractive ».
Il apprécie également la dette investment grade européenne « ou les sociétés qui font appel aux marchés sont celles qui ont les reins les plus solides », et surtout la dette chinoise qui affiche une progression de 7% depuis le début de l’année (grâce notamment à l’appréciation de 4% du renminbi face à l’euro). « Les conditions monétaires vont continuer de se détendre dans ce pays durant les prochains trimestres, ce qui constitue un contexte favorable pour les obligations ».
Opportunités sur les actions
Au niveau des actions, les marges bénéficiaires restent sur des niveaux historiquement élevés, de sorte qu’un ajustement à la baisse semble inévitable durant les prochains mois. Il souligne qu’il sous-pondère plus particulièrement les actions européennes. « La hausse du coût pour l’approvisionnement énergétique va impacter la rentabilité de nombreuses entreprises ». De même, il souligne que la situation chinoise reste difficile. « Nous sommes sortis de notre position sur ce pays durant l’été ».
A l’inverse, il estime que les valorisations commencent à redevenir plus intéressantes sur certaines valeurs de croissance (technologie et santé), qui devraient revenir sur le devant de la scène dans un contexte où l’activité économique va se ralentir durant les prochains mois. « Nous apprécions également les actions de qualité et celles qui affichent des rendements élevés et soutenables ».
« Enfin, à plus long terme, nous estimons que les activités exposées sur la transition climatique vont être la thématique la plus intéressante pour les prochaines années, au vu des efforts qui vont devoir être fournis au niveau mondial pour atténuer les risques liés au changement climatique ». Il pointe également qu’au niveau des investisseurs institutionnels, les produits exposés sur l’infrastructure, le leasing de bateaux ou la gestion de forêts ont rencontré beaucoup de succès durant les derniers mois.