« La crise énergétique a un impact énorme, mais nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un phénomène à court terme », déclare Ophélie Mortier, Chief Sustainable Investment Officer chez DPAM.
En raison de la crise énergétique, certaines entreprises d’énergie peu durables opèrent un comeback, ce qui va à l’encontre de la tendance aux investissements plus durables. « Notre vision de l’investissement durable est entièrement intégrée dans notre processus plus large d’analyse et d’investissement. Nous n’allons pas abandonner à cause d’événements à court terme. » Elle souligne qu’une vision à long terme est essentielle pour l’investissement durable. « La crise énergétique a un impact à court terme, mais nous sommes convaincus qu’il s’agit de phénomènes à court terme. Tout indique que l’investissement durable reste une stratégie gagnante à long terme », déclare Mortier (photo).
« Il y a toujours un débat sur les rendements des investissements durables, mais nous pouvons affirmer que l’investissement durable apporte une valeur ajoutée lors de la prise de décisions d’investissement. » C’est pourquoi durant notre entretien, elle ne cesse de souligner l’importance d’adopter une vision à long terme. « La transition énergétique est un fait, il n’y a tout simplement plus aucun moyen de l’éviter à long terme. La production et la compagnie d’énergie devront d’une manière ou d’une autre devenir plus durables », souligne-t-elle.
Pour interpréter la situation actuelle, elle se réfère à 2019. À l’époque, la Russie et la Turquie affichaient les meilleures performances boursières au niveau des pays. « Mais en raison de notre modèle de gouvernance, nous ne pouvions pas investir en Russie car il s’agit d’un pays non démocratique. Les deux ONG que nous utilisons pour vérifier si les pays respectent les normes démocratiques n’étaient pas d’accord sur la situation en Turquie. C’est pourquoi nous n’y avions pas d’exposition », explique Mortier.
À court terme, ce genre de choix peut donc ressembler à une occasion manquée. Mais à moyen et long terme, nous pouvons être satisfaits de ne pas être investis en Russie et en Turquie. Nous ne modifierons donc pas notre vision sur les entreprises et les pays sur la base de performances financières ou d’événements à court terme », conclut-elle.
Continuer à parler
Lorsqu’on lui demande quelles sont les plus grandes opportunités et les principaux défis pour l’investissement durable, Mortier souligne qu’ils sont liés. « Il existe une forte demande pour les investissements ESG. Cela crée des opportunités, mais aussi des défis spécifiques. En effet, la demande pour les investissements durables augmente, mais l’offre ne suit pas toujours. Cela peut conduire à une augmentation des prix et à une hausse des valorisations. »
Le renforcement de la réglementation est également une arme à double tranchant. « La réglementation est une bonne chose car le terrain est ainsi de mieux en mieux défini. Le Pacte vert pour l’Europe génère aussi beaucoup d’opportunités d’investissement. » Mais cela peut aussi conduire à des déséquilibres, car beaucoup d’argent va à nouveau aux ‘usual suspects’ en termes d’investissements durables. « La réglementation sera encore élargie dans le futur, ce qui augmentera l’univers des investissements. En conséquence, le rapport entre l’offre et la demande deviendra plus équilibré », estime Mortier.
Le dialogue reste également essentiel. « Exclure certains secteurs, pays ou entreprises est souvent trop simpliste et peut parfois être remis en question. Il est important de continuer à miser sur l›‘engagement’ et de garder les canaux de communication ouverts. Cela peut se faire de différentes manières, en engageant le dialogue avec des entreprises et en échangeant des informations. Mais aussi en votant et en faisant entendre son point de vue lors des assemblées des actionnaires. « Il est clair que ma tâche principale est maintenant d’intensifier ce genre d’efforts. Mais cela prend du temps et les investisseurs ne sont pas toujours patients, alors que ce genre de dialogue ne porte ses fruits qu’à long terme. »
Faire parler son argent
En tant qu’entreprise, DPAM fait elle-même des efforts pour devenir plus durable. Mais selon Mortier, c’est grâce à son cœur de métier en tant qu’entreprise d’investissement que le gestionnaire d’actifs peut avoir le plus d’impact. « C’est via nos investissements que nous pouvons avoir le plus grand impact. En investissant de manière durable, nous pouvons faire parler notre argent et utiliser le plus grand levier de développement durable. »
De plus, l’investissement est encore en pleine croissance et en constante évolution. « Ce n’est pas quelque chose de statique, nous devons continuer à le développer en permanence. » De plus, elle estime que la durabilité et l’investissement ESG ne peuvent être réduits à quelques chiffres et statistiques. « Les aspects qualitatifs sont également très importants, sans quoi on obtient une image déformée. De plus, les trois domaines ESG (Environnemental, Social, Gouvernance) sont interconnectés et ne peuvent pas être considérés séparément. »