
Vous vous souvenez de ce jeu télévisé sur la BBC où l’impitoyable Anne Robinson concluait chaque manche en disant : « Vous êtes le maillon faible. Au revoir » ? Dans le jeu télévisé Le maillon faible, le candidat qui était considéré comme le plus faible par les autres candidats devait quitter le jeu. En effet, ce participant pouvait avoir un effet négatif sur la cagnotte. Cela semble suivre la logique économique, mais alors pourquoi la BCE fait-elle exactement le contraire ?
Bien que l’inflation dans la zone euro ne soit pas passée en dessous de la barre des 2 % une seule fois depuis juin 2021, et qu’elle ait été supérieure à chaque fois (à la seule exception de septembre 2024), la BCE a déjà réduit ses taux d’intérêt trois fois cette année. Et si l’on en croit les attentes du marché, deux autres baisses sont prévues avant la fin de l’année, ce qui porterait le taux de dépôt à un niveau dérisoire de 1,75 %.
C’est déjà peu pour une région où l’inflation est de 2,2 %, mais c’est totalement aberrant pour un pays où l’inflation est de 4,1 %. Ce pays « chanceux », ce sont les Pays-Bas, où les taux d’intérêt des trois grandes banques se situent autour de 1,25 %, ce qui leur permet d’engranger un point de pourcentage supplémentaire de marge. Ajoutez-y l’inflation et vous saurez ce qu’il advient de cette « fantastique cagnotte » de 600 milliards d’euros d’épargne.
Une montagne de dettes !
Pourquoi le taux d’intérêt de la BCE est-il si bas et continue-t-il à baisser ? Après tout, la Réserve fédérale a été très claire : le manque total de transparence concernant l’impact de la guerre commerciale signifie qu’une seule action est possible à l’heure actuelle : attendre. D’ailleurs, la Fed le fait avec des taux d’intérêt de 4,5 %, alors que l’inflation est de 2,4 %, à peine plus élevée que dans la zone euro.
La raison en est que dans la zone euro, on applique le principe du maillon faible à l’envers. On ne vous dit pas « au revoir » mais plutôt « bonjour » si vous parvenez à obtenir ce titre douteux en tant que pays. Qui est donc ce maillon faible ? La France, bien sûr. Bien que le taux d’endettement de 135 % de l’Italie soit plus élevé que celui de la France (113 %), le budget français est encore plus désastreux que celui de l’Italie. Ce n’est pas pour rien qu’un énième gouvernement français espère maintenant, car il ne s’agit que de cela, que le déficit budgétaire passera sous la barre des 3 % en 2029. D’ailleurs, n’imaginez pas que cela deviendra une réalité.
L’inflation en France n’est actuellement que de 0,8 %. Bien sûr, c’est une bonne chose si vous devez aligner votre politique monétaire sur celle du pays qui sera le premier à se retrouver en difficulté lorsque les taux d’intérêt augmenteront. C’est aussi le pays où l’accumulation de la dette est la plus rapide. Le fait que l’inflation ne soit toujours pas inférieure aux 2 % souhaités n’est qu’un détail. Tout comme les économies de ces 18 millions de Néerlandais qui peuvent dire adieu à leur pouvoir d’achat.
Pas de surprise
La politique de la BCE ne devrait pas être une surprise. Depuis que Draghi, avec son célèbre « quoi qu’il en coûte », a réussi à repousser les marchés et à empêcher au moins la Grèce et l’Italie de sortir de la zone euro, il est plus qu’évident que la principale préoccupation de la BCE n’est pas de contrôler l’inflation, mais de maintenir une union monétaire imparfaite et défectueuse avec, de surcroît, des différences majeures entre les pays membres.
Il convient également de jeter un œil à l’instrument de protection de la transmission (TPI) de la BCE, qui a été créé, mais n’a pas encore été utilisé. C’est une véritable boîte noire : Mme Lagarde a déjà indiqué qu’elle ne souhaitait en aucun cas être responsable de ce qui se passe au sein du TPI, dans le but d’éviter des écarts de taux d’intérêt excessifs entre les pays de la zone euro. Que devrait payer un pays dont le ratio dette/PIB est de 113 %, dont les perspectives de crédit sont négatives, dont le potentiel de croissance est bien inférieur à 1 % par an et dont le déficit budgétaire avoisine les 6 % du PIB ? 3,30 % me semble assez bas.
Mais bon, dans la zone euro, on ne peut tout simplement pas dire : « Au revoir, vous êtes le maillon faible ».
Dans sa newsletter The Market Routine, Jeroen Blokland analyse des graphiques actuels qui reflètent certains aspects frappants macro-économiques et des marchés financiers. Il gère également le fonds Blokland Smart Multi-Asset, qui investit en actions, or et bitcoin.