Jeroen Blokland
Blokland.png

Les décideurs, les économistes et les hommes politiques européens ont besoin d’un rappel à la réalité. Une révélation qui les ramène sur terre et qui les oblige à prendre à nouveau des décisions efficaces, objectives et intelligentes. Quelque chose qui manque depuis des années.

Jetez un coup d’œil au graphique de Bloomberg et imprégnez-vous des données.

grafiek Blokland 120625

Le graphique montre la contribution attendue de onze pays à la croissance économique mondiale. La contribution la plus importante provient de la Chine, ce qui n’est probablement pas une surprise. L’Inde, les États-Unis, l’Indonésie, la Russie et la Turquie complètent successivement le top 6.

L’Europe n’est représentée que par l’Allemagne qui, malgré son statut de troisième économie mondiale (selon les données Bloomberg), représente moins de 2 % de la croissance dans les années à venir. D’autres pays européens tels que le Royaume-Uni et la France ne figurent pas dans la liste.

Au cœur de l’action

Pourtant, on a l’impression que si l’on vit sur le « Vieux » continent, on est encore au cœur de l’action. Certes, nous avons des problèmes de compétitivité, de défense, d’énergie, d’immigration, d’innovation, de climat, de guerre, de réglementation, de technologie et de vieillissement de la population, mais ceux qui les soulignent sont considérés comme des rabat-joie.

Sur la base de ces chiffres concrets, il n’est pas vraiment logique de penser que nous sommes toujours bien placés dans la compétition. Ce n’est donc certainement pas une coïncidence si l’Europe est de plus en plus marginalisée dans les groupes de réflexion économiques, les sommets internationaux et les pourparlers de paix. Nul besoin de tout le bla-bla politique pour comprendre que si l’on ne se développe pas, on reste sur la touche.

Ce constat semble pessimiste et je reçois toujours beaucoup de commentaires lorsque j’écris cela (certains même se moquent de moi) mais ce sont les faits. Pourquoi la Chine se soucierait-elle de l’Europe ? Surtout si elle peut facilement conquérir ces marchés avec des produits au moins aussi bons, mais beaucoup moins chers ? Pour se faire une idée, il suffit de comparer quelques voitures électriques chinoises à celles de Volkswagen et de BMW.

En veilleuse

Autre détail marquant. Dans le top 6 figurent quatre pays dont la Réserve fédérale a admis, sous le titre risible de « un petit nombre de pays », qu’ils souhaiteraient abandonner le dollar américain. Le cinquième pays, l’Indonésie, a aussi régulièrement laissé entendre qu’un peu moins de dollars ne serait pas une mauvaise chose.

À mon avis, l’Europe ferait bien de se concentrer un peu plus sur son propre continent. J’observe avec mon fonds que la réglementation est un véritable festival de l’exagération. Dans de nombreux pays de l’UE, il n’est plus possible de construire suffisamment de logements pour les populations, et je ne parlerai même pas de la sécurité énergétique.

M. Draghi, dont on se rappelle le « quoi qu’il en coûte », a lui aussi écrit des centaines de pages sur le manque total de compétitivité et d’innovation. J’entends encore M. Draghi regretter : « You can’t say no to everything. Do something! » Et quand je vois les graphiques des émissions de CO₂ de la Chine, je me demande aussi où est passé le sens de la réalité. La politique consistant à « se tirer une balle dans le pied une fois de plus » a-t-elle vraiment du sens ?

Penser de manière réaliste

Même si je peux apprécier, dans un esprit de grande ambition, que Christine Lagarde et la BCE aient pris le temps de réfléchir à la possibilité que l’euro devienne la nouvelle monnaie de réserve mondiale, il est peut-être temps aussi de nous regarder dans un miroir. Nous sommes tous encore bien lotis, mais il est illusoire de penser que nous ne serons pas complètement dépassés dans les décennies à venir, y compris par des pays qui ont une autre idée du fonctionnement de l’économie ou même de la société. Au lieu de nier cet état de fait, il serait beaucoup plus judicieux d’adopter une stratégie pour y faire face. Ce serait surtout plus réaliste.

Jeroen Blokland analyse des graphiques actuels qui reflètent certains aspects frappants macro-économiques et des marchés financiers. Il gère également le fonds Blokland Smart Multi-Asset, qui investit en actions, or et bitcoin.

Author(s)
Categories
Access
Members
Article type
Column
FD Article
No