Lorsque le secteur de l’investissement tient compte du changement climatique, il a tendance à s’appuyer sur les autorités publiques et sur d’autres efforts pour en limiter les effets. L’attention s’est beaucoup moins portée sur les dommages physiques réels que le changement climatique causera inéluctablement aux activités des entreprises.
Cela signifie que le secteur s’est concentré surtout sur des mesures conventionnelles, rudimentaires et souvent trompeuses comme l’empreinte carbone, les réserves de combustibles fossiles ou l’exposition aux énergies renouvelables. Nous avons exposé nos préoccupations par rapport à ces approches dans le cadre de recherches antérieures. Nous avons aussi présenté les modèles et analyses que nous avons élaborés7.
Nous nous intéressons ici aux dommages physiques, qui s’intensifient avec l’élévation des températures. Schroders a mis au point un modèle spécifique pour aider ses analystes, ses gestionnaires de fonds et ses clients à mesurer et à gérer les risques physiques liés au changement climatique. L’impact est généralement plus faible que celui découlant de la tarification du carbone ou des variations du taux de croissance de l’industrie. Il est néanmoins significatif pour beaucoup d’entreprises et présente un degré de certitude nettement plus élevé dans la mesure où les températures augmenteront indépendamment de tout durcissement de l’action en matière de lutte contre le changement climatique.
Les dommages causés par les catastrophes liées au climat ont augmenté de plus de 4 % par an en termes réels sur les quatre dernières décennies8. Pour l’avenir, il est probable que ces coûts continueront d’augmenter à un rythme similaire. La température augmente avec un décalage d’environ 40 ans par rapport à l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre, ce qui signifie qu’une augmentation supplémentaire de 0,6 degré de la température est presque assurée sur la base des émissions du passé9. Les investisseurs ne peuvent méconnaître l’impact potentiel pour les entreprises.
Fig 1: Les émissions de gaz à effet de serre, les températures et les catastrophes augmentent toutes en même temps
7 www.schroders.be/sustainability
8 Faust. E., Hoppe, P., “Climate change and its consequences: What do we know? What do we assume?”, octobre 2017
9 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, GIEC Quatrième rapport d’évaluation : Bilan 2007 des changements climatiques
Les entreprises reconnaissent les risques
Quatre entreprises sur cinq ayant répondu à l’enquête annuelle menée par le CDP, une organisation caritative qui promeut la publication des chiffres du carbone, ont identifié les risques découlant des perturbations liées à l’impact du changement climatique physique, les industries à forte intensité de capital étant généralement les plus conscientes du problème. En revanche, Schroders considère que les marchés financiers ont accordé trop peu d’attention aux risques climatiques physiques.
Mesurer les coûts
Schroders a développé un modèle spécifique permettant de quantifier les implications pour l’évaluation des entreprises et des portefeuilles. En réalité, Schroders pose la question du coût pour une entreprise qui souhaiterait s’assurer contre les risques physiques causés par le changement climatique pour la durée de vie restante de ses actifs?
Cette analyse combine des mesures indépendantes du risque climatique dans chaque pays, l’exposition géographique mentionnée par les sociétés et la logique du secteur des assurances pour évaluer ces expositions au risque. Le coût pour la plupart des entreprises mondiales est inférieur à 5 % de leur valeur marchande actuelle, mais il est plus élevé pour les entreprises les plus exposées. Bien qu’il soit inférieur aux risques liés à la tarification du carbone ou aux variations du taux de croissance de la demande, l’impact est de toute évidence significatif et revêt un caractère plus certain.
La figure 2 classe les risques de valorisation auxquels sont confrontées les industries mondiales, sur la base de l’analyse que Schroders a réalisée d’environ 11 000 sociétés cotées à travers le monde. Comme on pouvait s’y attendre, les secteurs à forte intensité de capital opérant dans les régions les plus vulnérables du monde subissent l’impact le plus fort, tandis que ceux qui ont des modèles d’entreprises moins gourmands en actifs sont les moins exposés.
Fig 2: Les expositions sectorielles ont tendance à varier en fonction de l’intensité en capital de l’entreprise