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Par Irene Lauro, économiste environnementale, et Ben Popatlal, stratège multi-actifs, chez Schroders

Les marchés financiers ont tendance à considérer les risques climatiques comme des risques à long terme, mais plusieurs facteurs peuvent avoir un impact sur les portefeuilles au cours des prochaines années, voire des prochains mois.

Nous pensons que les thèmes d'investissement suivants seront d’actualité au cours des 6 à 24 prochains mois.

1. Des températures extrêmes qui perturbent l'activité économique

Des températures et précipitations extrêmes sont observées dans diverses régions du monde. La chaleur intense aux États-Unis et en Amérique latine, dans le sud de l’Europe et dans certaines parties de l'Asie aggrave la sécheresse, affectant la production agricole, la production d'hydroélectricité et le transport maritime. Ces perturbations touchent les marchés en faisant augmenter l'inflation. Une récente étude de la BCE a par exemple révélé que la chaleur extrême enregistrée au cours des trois mois d'été de 2022 a eu un impact annuel cumulé de 0,67 point de pourcentage sur l'inflation alimentaire et de 0,34 point de pourcentage sur l'inflation globale en Europe, avec des effets plus importants dans le sud de l’Europe.

La hausse de l'inflation alimentaire se reflète particulièrement dans les prix record de plusieurs produits de base, notamment le cacao, le café, l'huile d'olive et les oranges. En parallèle, des années de faibles précipitations ont mis à rude épreuve la production hydroélectrique mondiale, ce qui devient un problème important dans des pays comme les États-Unis, la Chine et l'Inde, où la perte de production d'électricité pourrait entraîner une hausse des prix de l'énergie. L'Agence américaine pour l’information sur l'énergie (EIA) a analysé les effets de la sécheresse en Californie. L'analyse prévoit que les prix de gros de l'électricité dans cet État augmenteraient de 5 à 7 % par rapport au niveau médian d'un scénario de sécheresse.

Les pannes de courant ont également freiné l'activité industrielle, comme l'a connu l'économie chinoise à l'été 2022, les usines ayant dû fermer en raison du manque d'électricité. Enfin, les faibles précipitations entraînent également des niveaux d'eau inquiétants, limitant la navigabilité des principales voies navigables commerciales, comme le canal de Panama. Ce phénomène peut faire augmenter les coûts d'expédition et les retards dans le transport des marchandises, avec un impact sur les secteurs qui dépendent de la livraison de matières premières ou de produits finis dans les délais.

L'inflation climatique est susceptible d'être un thème d'investissement important, car les températures extrêmes continuent d'avoir un impact sur l'activité dans divers secteurs. Les investisseurs peuvent faire face à la pression haussière sur les rendements en réduisant leur exposition aux taux d'intérêt aux marchés fortement tributaires de la production hydroélectrique et où l'inflation alimentaire pèse lourdement sur le panier de l'indice des prix à la consommation (IPC). Les investisseurs pourraient également gérer ce risque en réduisant leur exposition aux actions associées à des niveaux élevés de dislocations des chaînes d'approvisionnement.

De plus, cet été, les températures record de l'océan Atlantique devraient entraîner une activité cyclonique supérieure à la normale, selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOOA). L'ouragan Beryl a probablement servi d'indicateur précoce de la prochaine saison des ouragans aux États-Unis, avec un pic d'activité généralement attendu à la mi-septembre. Les données sur l'emploi pourraient donc se dégrader au cours des prochains mois.

2. Le protectionnisme à l’égard des métaux met en péril la transition énergétique

Le passage des combustibles fossiles aux sources d'énergie renouvelables dépend fortement de métaux tels que le lithium, le cobalt et le nickel. En réponse à la demande croissante et à l'offre limitée et géographiquement concentrée, certains producteurs clés pourraient commencer à adopter des politiques protectionnistes, en imposant par exemple des restrictions à l'exportation et des droits de douane, afin de protéger les industries nationales tout en garantissant la disponibilité pour leurs propres besoins en matière de transition énergétique. Cette évolution protectionniste pourrait poser un défi de taille à la transition énergétique mondiale en perturbant les chaînes d'approvisionnement et en augmentant les coûts. La production est actuellement orientée vers les pays suivants : Chine, République démocratique du Congo, Australie et Chili. Les plus grands consommateurs susceptibles d'être les plus touchés sont les États-Unis, l'UE, le Japon et la Corée du Sud. Les investisseurs pourraient jouer sur ce thème en s’exposant davantage aux métaux industriels et aux devises liées aux matières premières comme le dollar australien.

3. Le prix de l'assurance habitation augmente aux États-Unis en raison de l’aggravation des inondations, des tempêtes et des incendies de forêt.

Selon le courtier en assurance Policygenius, les coûts de l'assurance habitation aux États-Unis ont atteint environ 175 milliards de dollars en 2023, soit une hausse de 21 % par rapport à l'année précédente. Cette augmentation significative est principalement attribuée à l'impact du changement climatique, qui a entraîné une plus grande fréquence des feux de forêt, inondations et tempêtes graves dans le pays.

Si l'augmentation des coûts de l'accession à la propriété due à la hausse des coûts d'assurance devient excessive, des écarts variables entre les prix de l'immobilier pourraient apparaître au sein d'un pays, d'un État ou même d'un comté. Si les défauts de paiement devenaient systématiques, cela pourrait exposer à la fois les compagnies d'assurance et le secteur bancaire à des risques.

4. La législation européenne ralentit en matière de durabilité, alors que le soutien de la droite prévaut. Cela suggère-t-il un plus large contrecoup pour l’ESG dans l'UE au fil de l’évolution des programmes politiques ?

La représentation des partis de droite au Parlement européen a considérablement augmenté. Ces partis expriment souvent leur scepticisme à l'égard des politiques climatiques, et leur influence politique pourrait potentiellement ralentir la progression rapide de l'UE vers les énergies vertes. Cette évolution accroît l'incertitude pour les investisseurs dans les énergies propres au sein de l'UE.

De l'autre côté de la Manche, le Royaume-Uni devrait assister à un essor de sa transition vers les énergies vertes, car le nouveau gouvernement travailliste souhaite faire de la Grande-Bretagne une superpuissance des énergies propres, en investissant dans les technologies solaires et éoliennes. Le Parti travailliste souhaite également aligner le marché des crédits carbone (ETS) et le régime fiscal du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) sur celui de l'UE. Si le Royaume-Uni mettait également en place une taxe carbone à sa frontière, des pressions supplémentaires s’exerceraient sur les principaux pays exportateurs pour qu'ils augmentent les systèmes de tarification du carbone au niveau national. Les investisseurs pourraient tirer parti de l’élaboration de ce « club carbone » en privilégiant les actions des marchés émergents (ME) à faible intensité carbone par rapport à celles dont l’intensité carbone est plus élevée.

5. Une nouvelle série de réformes sur la gouvernance d'entreprise au Japon augmente l'appétit des investisseurs pour les actions japonaises

Les entreprises japonaises améliorent progressivement leurs pratiques de gouvernance sous la pression de diverses parties prenantes, ce qui a selon nous joué un rôle dans la récente surperformance des actions japonaises. Si cette amélioration de la gouvernance continue d'accroître l'efficacité du capital et le modus operandi des entreprises japonaises, elle pourrait renforcer durablement le marché boursier japonais. Des recherches menées par Goldman Sachs montrent que les entreprises qui ont répondu à la demande de TSE en faveur d’une meilleure gouvernance ont surperformé celles qui ne l'ont pas fait.

Conclusion

Notre cadre de risques et d'opportunités en matière de développement durable vise à identifier les événements spécifiques qui pourraient se produire dans le monde dans un avenir prévisible. Nous évaluons ensuite l'importance de ces risques et opportunités pour les marchés financiers et pour nos portefeuilles, et nous envisageons les mesures que nous pourrions prendre pour nous positionner par rapport à eux. Tout ce qui peut arriver n'arrivera pas forcément. Mais le fait de pouvoir identifier les risques et les opportunités à l'avance nous place dans une position plus forte pour répondre de manière proactive plutôt que de simplement réagir à l'évolution de la situation.

Pour en savoir plus : Five market-moving sustainability risks with potential to impact now.

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