Patrick Scheurle, directeur de BlueOrchard, explique pourquoi promouvoir l’entrepreneuriat féminin est important, non seulement pour lutter contre les inégalités, mais aussi pour construire des économies plus fortes et une meilleure qualité de vie pour la société dans son ensemble.
Malgré les efforts considérables déployés ces dernières années, les inégalités de genre restent une caractéristique constante de la société moderne. Du manque d’accès à des postes décents aux écarts de salaires entre les hommes et les femmes en passant par la sous-représentation politique, des défis majeurs restent à relever pour atteindre la parité et l’objectif de développement durable des Nations Unies en matière d’égalité entre les sexes. C’est encore plus vrai dans le monde en développement, où les femmes sont souvent exclues du monde du travail et où 56 % des 1,7 milliard d’adultes non bancarisés sont des femmes.
En tant qu’ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan a déclaré : « Aucun instrument de développement n’est plus efficace que l’émancipation des femmes. » Il ne s’agit pas ici d’œuvrer pour l’égalité entre les genres parce que c’est la meilleure chose à faire, bien que cela ne fasse aucun doute. Il a été démontré que l’émancipation économique et sociale des femmes débouche sur des économies plus fortes et sur une meilleure qualité de vie, non seulement pour les femmes, mais aussi pour leurs familles, leurs communautés et pour la société dans son ensemble.
Des preuves tangibles montrent également que les femmes peuvent offrir des avantages différents des hommes en termes d’investissement. Par exemple, l’investissement dans les femmes entrepreneures a généralement un impact social plus important. Cela s’explique en partie par le fait que les femmes dépensent plus volontiers leur argent pour répondre aux besoins de leurs enfants et communautés, notamment en matière d’éducation, d’alimentation et de santé, que pour acheter des biens de consommation. Investir dans des entreprises détenues par des femmes peut aussi réduire le risque financier associé à l’investissement. Les femmes sont généralement moins enclines à prendre des risques et plus prudentes avec leurs décisions financières que les hommes, ce qui les met davantage à l’abri d’un risque de défaut de crédit.
Il ne s’agit là que de quelques-unes des nombreuses raisons pour lesquelles, à BlueOrchard, nous encourageons l’émancipation des femmes entrepreneures par des investissements en microfinance. Près de 75 % des bénéficiaires finaux de notre fonds de microfinance phare sont des femmes et, en 2016, nous avons lancé un fonds dédié à l’émancipation des femmes (« Women Empowerment Fund »), dont l’objectif est de lutter contre la pauvreté et de soutenir les entreprises détenues par des femmes en Asie du Sud-Est. Au sein de ce fonds, plus de 90 % des bénéficiaires finaux sont des femmes, et la clientèle des établissements de microfinance avec lesquels nous collaborons est représentée en majorité par des femmes.
L’Asie est une région particulièrement intéressante : la part des femmes micro-entrepreneures y est croissante, notamment dans des pays comme le Myanmar, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et le Vietnam. Combler l’écart de crédit dans seulement 15 pays de la région ASEAN d’ici 2020 pourrait entraîner une hausse de 12 % du revenu par habitant d’ici 2030. Plus largement, l’économie en Asie-Pacifique pourrait augmenter de 89 milliards de dollars US par an si les femmes étaient à même d’exploiter leur plein potentiel économique.
Daw Mya Mya Win est l’une des femmes à avoir bénéficié de notre investissement en Asie-Pacifique est, au Myanmar. Daw Mya Mya est propriétaire d’une ferme située dans le village de Pa Tauk Tan. En plus de gérer son entreprise, elle est mère de trois enfants, qui sont tous scolarisés à temps plein dans l’enseignement primaire. Afin d’investir dans son entreprise, elle mettait en gage de l’or, ce qui l’assujettissait à des taux d’intérêt élevés et à des périodes de remboursement de courte durée. En 2017, Daw Mya Mya a déposé sa première demande de prêt agricole auprès d’un établissement de microfinance local. En plus d’un prêt initial de 500 000 kyats (400 USD), le bureau des prêts lui a proposé une formation en finance, qui lui a fourni les clés pour prendre des décisions budgétaires plus éclairées. Depuis, Daw Mya Mya n’a cessé de développer son entreprise avec l’aide de petits prêts supplémentaires. Elle a diversifié son exploitation pour inclure davantage de cultures saisonnières, ce qui lui a permis d’améliorer le niveau de vie de sa famille à tel point qu’elle n’a plus à se soucier de sa capacité financière à scolariser ou soigner ses enfants.