Les entreprises technologiques se voient reprocher de nombreux maux. De l’état dépressif des jeunes à l’encouragement de l’extrémisme. Faut-il éviter les entreprises technologiques si l’on veut investir de façon durable, se demande Katherine Davidson, gestionnaire de fonds chez Schroders.
Netflix a consacré un documentaire à ce sujet, « The Social Dilemma ». Les collaborateurs des entreprises technologiques y expriment leur souci de plus en plus grand sur l’impact de leurs réalisations. On y décrit les entreprises technologiques comme des canailles qui mettent en péril la structure de la société.
Un visionnage passionnant, mais la réalité est plus nuancée, explique Davidson. Elle reconnaît les effets néfastes des réseaux sociaux, terreau fertile de l’asservissement et la de polarisation. Mais cela ne signifie pas que les entreprises technologiques, et leurs produits, soient entièrement responsables. Comme bien d’autres choses, les réseaux sociaux peuvent être utiles et amusants. Mais il faut les consommer consciemment et avec modération.
L’opium du peuple : asservissement
Les principaux revenus des entreprises technologiques sont les recettes publicitaires. Leurs plateformes visent à en maximiser l’utilisation afin d’augmenter la valeur pour les annonceurs. Les services proposés exercent un effet de dopamine. On se sent bien, on en veut plus, de sorte que l’utilisateur ne lâche plus son appareil. Nombreux sont les consommateurs qui sont littéralement asservis aux réseaux sociaux.
Une plus grande implication débouche sur la polarisation
L’implication augmente quand un utilisateur se voit proposer un contenu qui l’intéresse, conformément à sa propre vision du monde. Ces algorithmes sont efficaces. Les réseaux sociaux contribuent à la polarisation, qui augmente depuis les années nonante. La démocratie se base sur le fait que chaque vote est égal. Davidson estime que mettre sur les entreprises technologiques la responsabilité du discours de haine et de violence politique est un discours simpliste. Mais il faut reconnaître qu’il s’agit de plateformes sur lesquelles le discours nuisible se répand facilement.
Indispensables en période de coronavirus
Les réseaux sociaux ont également des aspects positifs. Sans les services offerts par les entreprises technologiques, les douze derniers mois auraient encore été pires. Elles apportent donc certainement une contribution positive à la société.
Davidson considère qu’il y a deux manières d’aborder l’impact négatif de la technologie : la régulation et l’éducation. Il y a certainement des choses à améliorer dans le domaine de la régulation et de l’enseignement, mais nous ne pouvons pas nous reposer uniquement sur des solutions venant d’en haut.
La demande de régulation enfle
En matière de régulation, le jeu se durcit. L’Europe tente de brider la puissance des entreprises technologiques américaines. Par exemple, dans le domaine des droits sur les données : le droit de migrer sur une autre plateforme des contacts et messages. Scinder les géants technologiques, augmenter la transparence des algorithmes et la pression sur la censure du contenu représente d’autres options. L’inconvénient est que cela affecte le modèle de revenus et consomme beaucoup de ressources, ce qui fait grimper les coûts.
Formation et information
Comme pour l’asservissement à d’autres drogues, l’information et la formation sont importantes. La branche « hygiène d’Internet » doit se banaliser à l’école, propose Davidson.
Justification
Les investisseurs en développement durable devraient, selon Davidson, réclamer des comptes à ces entreprises et, le cas échéant, les inciter à opérer des changements positifs.
L’investissement socialement responsable réclame l’implication de toutes les parties. Une désintoxication digitale semble une option trop extrême et irréaliste. Mais un contrôle digital régulier fonctionnera beaucoup mieux.
Lire aussi The investor’s dilemma: do sustainable funds need a digital detox?, par Katherine Davidson, gestionnaire de fonds chez Schroders.