L’annonce selon laquelle la Fed est en passe de durcir sa politique monétaire, notamment en réduisant son bilan, inquiète instinctivement les investisseurs sur les marchés émergents. Les conséquences économiques semblent assez gérables, mais la performance des marchés financiers en souffrira, affirme David Rees, économiste senior Marchés émergents chez Schroders.
Raison pour laquelle l’inquiétude quant au resserrement des politiques a grandi
Les anticipations de durcissement monétaire de la part de la Fed se sont amplifiées ces dernières semaines, alimentées par le ton du procès-verbal de la réunion du mois de décembre de la Fed. On y lit non seulement la possibilité de relever les taux d’intérêt plus rapidement que prévu, mais aussi de réduire le bilan de la Fed,
Que signifie un resserrement agressif des politiques pour les marchés émergents ?
La perspective d’un durcissement de la politique monétaire touche les investisseurs sur les marchés émergents. Ceux-ci sont sensibles aux fluctuations de la liquidité du dollar américain. La dernière fois que la Fed a réduit son bilan en 2018, les marchés émergents n’ont pas non plus trop bien réagi. Un resserrement de la liquidité en dollars pourrait nuire aux marchés émergents par le biais de la balance des paiements. C’est particulièrement vrai pour les pays qui dépendent de l’afflux de capitaux étrangers pour financer des déficits extérieurs. Il peut en résulter une baisse des importations et, in fine, un ralentissement de la croissance économique.
Il faut tenir à l’œil les taux d’intérêt des obligations souveraines américaines
Bien que le bilan de la Fed ne présente qu’une faible corrélation avec les flux de capitaux vers les marchés émergents, il existe un lien manifeste avec les variations des taux des obligations souveraines américaines. En cas de hausse des taux d’intérêt des bons du Trésor, les flux de liquidités vers les marchés émergents et la croissance pourraient en pâtir.
Cela implique-t-il également un risque pour les cours des actifs des marchés émergents ?
Voici un an, Rees expliquait que les économies émergentes étaient moins vulnérables à la hausse des taux obligataires américains que par le passé, car les flux de capitaux vers les économies émergentes étaient plus faibles et que les positions extérieures étaient relativement bonnes. La hausse des coûts de l’énergie entraînera probablement une détérioration de la position extérieure des économies émergentes qui dépendent des importations de ressources naturelles. Cependant, à l’exception d’une poignée de petites économies émergentes, comme la Roumanie, l’Égypte ou la Turquie, des positions extérieures solides continuent de servir d’amortisseur aux durcissements des conditions de financement.
À l’heure actuelle, les conséquences macroéconomiques ne semblent pas particulièrement préoccupantes, mais ce n’est pas le cas pour les cours des investissements sur les marchés émergents. La dernière fois que la Fed a réduit son bilan, une onde de choc a traversé les marchés financiers des économies émergentes. Ici aussi, le lien entre les fluctuations de taille du bilan de la Fed et les marchés financiers des économies émergentes n’est pas très convaincant.
Les investisseurs sur les marchés émergents doivent se concentrer davantage sur la liquidité des banques centrales mondiales
En revanche, un indicateur plus large de la liquidité des banques centrales mondiales présente une relation bien plus claire avec l’évolution des cours des actifs des pays émergents. Rees envisage un tel baromètre mondial comme un composite de la Fed, de la Banque centrale européenne, de la Banque d’Angleterre, de la Banque du Japon, de la Banque populaire de Chine, de la Banque nationale suisse et de la Banque de Suède, libellé en dollars américains.
Les prévisions de Rees suggèrent un début de contraction de la liquidité des banques centrales mondiales en 2023. Bien que ce ne soit pas le seul facteur déterminant la performance des marchés, il freinera probablement les investissements dans les marchés émergents. Les obligations libellées en dollars sont historiquement les plus sensibles à un resserrement, mais les actions et les devises seront également vulnérables.
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