L’invasion de l’Ukraine par la Russie augmente le risque de stagflation, ralentira la croissance économique et fera décoller l’inflation.
Keith Wade, chef économiste de Schroders a déjà revu à la hausse les perspectives d’inflation et réduit les perspectives de croissance. Selon lui, l’Europe sera frappée le plus durement. Au niveau mondial, les conséquences seront probablement moins lourdes puisque l’économie prenait déjà le chemin de la stagflation du fait d’une augmentation plus fortes que prévu des tensions sur les chaînes d’approvisionnement et sur les marchés du travail. Selon Wade, les événements en Ukraine pèseront moins sur les États-Unis. Il en va de même pour la Chine et les marchés émergents.
En ce qui concerne les banques centrales, Wade estime que la Fed va procéder à son resserrement monétaire de manière plus progressive. Il s’attend toujours à une augmentation du taux en mars, mais peut-être limitée à 25 points de base. Au lieu des cinq hausses de taux prévues, il en attend maintenant quatre. Ensuite, en 2023, la Fed ralentira probablement le resserrement.
Les choses sont différentes pour la BCE : l’Europe souffre beaucoup du conflit en Ukraine. Il s’attend à ce que la BCE soit plus accommodante que le consensus qui prévoyait deux augmentations de taux cette année. La crise en Ukraine a convaincu Wade que la BCE n’augmenterait pas ses taux cette année mais poursuivra le QE. Une augmentation de taux interviendra probablement dans la deuxième moitié de 2023.
Quelles sont les conséquences pour l’allocation des actifs ?
Comment les investisseurs doivent-ils se préparer à l’éventuel scénario de stagflation ? Quelles catégories d’investissement enregistreront probablement de meilleures performances si on en arrive là, se demande Sean Markowicz, stratège, recherche et analyse, chez Schroders.
Si l’on se place du point de vue du développement de la production, quatre phases différentes du cycle conjoncturel se présentent : reprise, expansion, ralentissement et récession. Le tableau ci-dessous montre le rendement réel global moyen des principales catégories d’investissement à chaque phase du cycle conjoncturel en cas d’inflation élevée.
D’un point de vue historique, la phase de ralentissement profite aux investissements qui protègent contre la hausse de l’inflation, comme l’or (+19,3 %) et les matières premières (+16,7 %). D’un point de vue économique, c’est également logique. L’or est souvent considéré comme une valeur refuge et sa valeur a tendance à augmenter lorsque l’insécurité économique augmente.
Les matières premières déterminent en grande partie les coûts de production des entreprises et représentent une composante importante de l’inflation. Les performances des matières premières se maintiendront donc en cas d’augmentation de l’inflation – précisément parce qu’elles en sont la cause. À titre de comparaison, la phase de ralentissement a pesé sur les actions (-0,6 %), parce que les entreprises doivent faire face à une baisse de leurs revenus et une augmentation de leurs coûts. La détention de l’épargne en espèces (-0,2 %) ne s’est pas avérée une meilleure stratégie en comparaison des obligations d’État américaines (US T-Bills).
Même si les obligations d’État américaines ont enregistré de bonnes performances par le passé (+6,4 %), il faut désormais les considérer avec la prudence nécessaire. En théorie, elles devraient profiter de la baisse du taux réel découlant du ralentissement de la croissance. La hausse de l’inflation ronge leurs revenus, ce qui pousse les rendements à la hausse et les prix à la baisse. Dans la pratique, la mesure dans laquelle cela affectera le rendement des obligations dépendra de leur durée et de leur rendement initial (des rendements plus élevés offrent un meilleur tampon pour absorber les hausses de taux).
Quelles sont les principales conclusions pour l’allocation des actifs ?
L’année passée, le climat de réflation a profité aux investissements risqués, comme les actions et les matières premières, l’or enregistrant de moins bonnes performances. Si nous sommes réellement à la veille d’une période de stagflation, les performances des catégories d’investissement peuvent glisser. Dans ce scénario, les rendements des actions peuvent reculer alors que les performances de l’or et des matières premières peuvent s’améliorer. C’est justement ce qui, jusqu’ici, s’est passé cette année.
Entretemps, les banques centrales se trouvent dans une impasse. Une augmentation trop rapide des taux risque de plonger l’économie mondiale en récession. Mais le maintien des taux à un niveau trop faible peut faire dérailler l’inflation. Globalement, les perspectives des obligations apparaissent incertaines et beaucoup dépendra du tiraillement entre inflation et sentiment de croissance.
Quelles sont les implications pour les marchés ?
La réaction émotionnelle normale face à des crises comme celle de l’Ukraine est de se débarrasser de tous les investissements. D’un point de vue rationnel, et historique, ce serait une mauvaise décision estime Duncan Lamont, responsable de la recherche chez Schroders.
L’augmentation des tensions entre la Russie et l’Ukraine a entraîné la hausse de « l’indice de la peur » du marché d’actions (l’indice Vix). Jeudi passé, 25 février, le Vix a clôturé au niveau de 30. Largement au-dessus de la moyenne de 19 depuis 1990, et nettement supérieur au niveau de 17 en début d’année. Il est probable que le Vix augmente encore les prochains jours en fonction des événements.
D’un point de vue historique, les périodes de plus grande peur ne représentent pas le bon moment pour vendre mais, au contraire, le moment où il est possible d’obtenir les meilleurs rendements. En moyenne, lorsque le Vix se situait entre 28,7 et 33,5, le S&P 500 a généré un rendement à 12 mois de plus de 15 %. Et de plus de 26 % lorsqu’il est passé au-dessus de 33,5.
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