Le nouvel environnement de marché a permis d’enregistrer de beaux rendements et de retrouver un climat d’investissement favorable aux prêteurs pour la première fois depuis plusieurs années. Les entreprises à effet de levier sont contraintes de prendre des mesures favorables aux créanciers, comme l’expliquent Hugo Squire, gestionnaire de portefeuille obligataire, et Josh Panton, Directeur des investissements obligataires chez Schroders.
Changement dans les flux de trésorerie
Le repli des marchés obligataires en 2022 a été brutal, allant bien au-delà de ce que la plupart des investisseurs croyaient possible. Pour les investisseurs obligataires, l’année passée a été une année de transition vers un nouvel environnement de marché dans lequel les flux de trésorerie des entreprises à effet de levier ne sont plus dirigés principalement vers les actionnaires, mais plutôt vers les créanciers.
Impact de la hausse des coûts de financement sur les entreprises
La hausse des coûts de financement entraînera une augmentation du nombre de faillites parce que les entreprises seront incapables de supporter les nouvelles charges d’intérêt. Ces entreprises surendettées ne représentent cependant qu’une petite minorité et les investisseurs qui parviennent à éviter la majorité de ces perdants pourront obtenir des rendements sains.
Ce qui est important, c’est que l’équation change aussi pour les financiers et les investisseurs. Ceux-ci n’ont en effet plus intérêt à rechercher les entreprises qui ont le plus grand effet de levier possible. Lorsque des obligations à faible taux d’intérêt approchent de leur échéance et que les entreprises envisagent de se refinancer aux taux actuels du marché, elles sont clairement incitées à trouver des moyens de réduire leur endettement. Cela signifie que les mesures favorables aux créanciers deviennent de plus en plus courantes. Citons par exemple la vente d’actifs, la réduction des dividendes, les injections de fonds propres et la réduction des dépenses en capital de croissance.
Impact sur le rendement des investissements
Quelle incidence ce nouvel environnement a-t-il pour les rendements ? Au cours des 12 derniers mois, il n’y a pas eu de compression des rendements sur le marché européen des obligations à haut rendement et les rendements globaux ont été élevés malgré tout. Cela s’explique par le fait qu’environ 70 % des rendements proviennent de placements porteurs d’intérêts. Cette catégorie de placements affiche actuellement un rendement minimum de 7,5 %, soit 0,2 % de plus que l’année dernière à la même époque.
La leçon à tirer des 12 mois écoulés est donc que le niveau actuel des taux d’intérêt laisse aux investisseurs high yield une marge d’erreur au niveau macroéconomique. En termes simples, malgré l’absence de rallye des taux, les rendements ont été élevés.
Un environnement macroéconomique incertain, mais des rendements attractifs
Il est difficile de prévoir avec certitude comment l’environnement macroéconomique va évoluer. Aujourd’hui, on se situe entre un « atterrissage en douceur » et un scénario de « non-atterrissage » (avec des taux d’intérêt qui restent élevés plus longtemps et une économie résiliente). Mais il ne faudrait pas grand-chose pour que l’on bascule vers le scénario plus négatif d’un atterrissage brutal. En effet, on n’a pas cessé d’osciller entre ces différents scénarios au cours de pratiquement chaque mois de 2023. Les taux d’intérêt des portefeuilles de crédit à effet de levier sont désormais très protecteurs, tandis que l’exposition intégrée aux taux d’intérêt sur le marché obligataire offre une protection naturelle contre un scénario d’atterrissage brutal.
En résumé, même si les perspectives macroéconomiques restent difficiles à prédire, il est clair que, pour la première fois depuis de nombreuses années, le balancier s’est positionné en faveur des créanciers par rapport aux investisseurs. Les entreprises à effet de levier sont contraintes de réagir en prenant des mesures favorables aux créanciers. Les investisseurs dans les crédits à effet de levier percevront des revenus d’intérêts qui contribueront à atteindre des rendements totaux élevés sur le long terme et qui, s’ils se maintiennent à moyen terme, offriront une bonne protection contre les mouvements baissiers dans les scénarios défavorables. Même si ces conditions ne dureront pas éternellement, il faudra sans doute un certain temps avant que le vent ne tourne à nouveau en faveur des investisseurs. Les gestionnaires actifs qui identifient les entreprises misant sur un bilan sain sont les mieux placés pour en récolter les fruits. Et même si le vent tourne en faveur des actionnaires, une compression significative des taux d’intérêt entraînera des augmentations de prix qui pourront concurrencer les rendements du marché des actions.
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