La crise du Covid-19 représente un défi unique pour le système financier mondial. Plusieurs spécialistes Schroders du patrimoine privé analysent l’effet ou l’absence d’effet de cette crise sur les actifs privés.
Les analystes tentent avant tout de tirer les leçons de la crise financière de 2008/09. Mais la crise du Covid-19 diffère à bien des égards de cette dernière grande crise en date. À l’époque, cette crise avait anéanti la confiance dans les banques sous-capitalisées et surendettées. Aujourd’hui, les bilans des banques sont plus solides qu’en 2008. Au cœur de la crise du Covid-19 se trouve un effondrement sans précédent de la demande dans l’économie réelle. Les PME sont durement touchées et le chômage explose. Cette crise n’est pas une crise bancaire, mais une crise humaine. Les marchés privés – qui ne sont pas uniformes eux non plus – sont touchés d’une manière totalement différente par rapport à il y a dix ans.
Capital-investissement - Nils Rode, CIO, Schroders Adveq
Certaines entreprises ne sont pas touchées par la crise du coronavirus ou ne le sont que temporairement, tandis que d’autres ont besoin d’injections de capitaux pour résister à la tempête. Cela dépendra en grande partie de la durée et de la profondeur de la crise actuelle ainsi que de l’ampleur des plans gouvernementaux de relance.
Partant d’un scénario de base (plusieurs mois de confinement dans différents pays), Nils Rode estime que le volume requis d’injection d’actions pour les portefeuilles de rachat se situe à moins de 10 % de la valeur intrinsèque actuelle. Les injections proactives de capitaux offrent la souplesse permettant de tirer parti de la situation actuelle. Les investisseurs doivent être prêts à participer à ces financements supplémentaires, selon Nils Rode. Si les entreprises du portefeuille parviennent à surmonter la crise, le financement supplémentaire peut constituer une source exceptionnelle de rendement accru.
Immobilier commercial européen - Duncan Owen, Global Head of Real Estate
Normalement, la stabilité des revenus locatifs est un facteur qui rend attractif l’immobilier commercial. Les investisseurs professionnels recherchent souvent des flux de revenus diversifiés et il est rare que les revenus locatifs des biens immobiliers diminuent. Mais les circonstances actuelles sont loin d’être normales. La forte baisse du chiffre d’affaires due au confinement a aussi un impact sur le paiement des loyers. Les paiements des loyers s’élèvent actuellement à 60 à 90 %, les détaillants éprouvant d’importantes difficultés pour assumer leurs charges mensuelles. Une fois que les économies européennes auront repris des couleurs, les investisseurs immobiliers tenteront de rattraper le retard accumulé. Il ne sera cependant pas possible de tout récupérer. Comme toujours, les gestionnaires évalueront chaque cas individuellement. Dans certains cas, la dette pourra être annulée en échange d’un contrat plus long, ou une construction en location-vente pourra être mise en place. Le manque à gagner sur les revenus locatifs a un impact sur les propriétaires de biens immobiliers, tant au niveau du paiement des intérêts sur emprunts qu’au niveau du versement d’un dividende.
Dette infrastructure - Jérôme Neyroud, Head of Investments, Infrastructure debt
Contrairement au scénario d’il y a dix ans, Jerome Neyroud ne s’attend à aucun problème dans l’offre de financement. Il règne pour l’instant une certaine inquiétude liée à la sous-performance des sociétés bénéficiaires de prêts, en termes de liquidité à court terme et de solvabilité à moyen terme. Il existe des dispositifs de soutien des liquidités, comme les comptes de réserve. Mais une entreprise ne peut pas en vivre éternellement si son activité tombe à l’arrêt. En cas de prolongation du confinement, des restructurations de dettes ne sont pas à exclure. L’étalement des projets d’infrastructure dans le temps est un avantage en cas de restructuration de la dette. En fin de compte, Jerome Neyroud s’attend à ce que la crise du coronavirus démontre la résilience des infrastructures en tant que catégorie d’investissement, comme ce fut le cas durant la crise financière de 2008.
Microfinance - Philipp Mueller, CEO, BlueOrchard
Un certain nombre de marchés émergents et de marchés d’avant-poste ont pris des mesures proactives dans le cadre de la crise du coronavirus. Plusieurs pays mettent en œuvre des mesures budgétaires et monétaires pour soutenir leur économie locale. Bon nombre d’institutions de microfinance ont réalisé des avancées sur le plan de la numérisation afin de pouvoir continuer à servir leurs clients en période de confinement.
Parmi les sociétés participées, beaucoup disposent de liquidités suffisantes pour faire face à leurs obligations dans les mois à venir. Dans certains cas, elles préfèrent prolonger les délais de remboursement afin d’avoir plus de flexibilité pour poursuivre leurs activités dans le contexte actuel. Chaque demande est évaluée au cas par cas, mais on ne s’attend pas à ce que ces demandes de rééchelonnement entraînent un niveau correspondant de pertes de crédit.
Titres liés à l’assurance (ILS) - Dirk Lohmann, Head of ILS
Le marché des ILS a fait preuve d’une grande résilience dans la crise du coronavirus par comparaison avec les corrections enregistrées sur les marchés des actions, des matières premières et de la dette. Le fait que les ILS ne soient pas corrélés au cycle économique offre aux investisseurs de la stabilité. Le seul segment où l’on constate un certain impact est le segment life related, tandis que la plupart des obligations catastrophes sont immunisées contre le virus. Si de nouvelles corrections et/ou interventions surviennent sur le marché, Dirk Lohmann pense que le marché des ILS fera preuve de résilience. Les rendements des ILS se situent à un des niveaux les plus intéressants depuis plusieurs années et – en l’absence de catastrophe naturelle majeure – cela devrait produire un rendement attractif pour les investisseurs.
D’après les prévisions, les actifs privés resteront résilients en temps de crise, notamment par rapport aux actifs cotés en bourse. De plus, ils ont la capacité de soutenir les entreprises et ainsi l’économie réelle. Les investisseurs peuvent trouver une protection contre les risques de perte à des conditions potentiellement intéressantes dans les injections de capitaux et dans les différents niveaux de restructuration de la dette.
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Why the Covid-19 crisis is different for private assets, avec la participation de plusieurs spécialistes Schroders du patrimoine privé.
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A look at why insurance-linked securities are largely immune to the Covid-19 volatility, de Dirk Lohmann, Head of ILS.
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Navigating the uncharted: How can private equity investors respond to the COVID-19 crisis?, de Nils Rode, Chief Investment Officer chez Schroder Adveq
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2020 versus 2008: What’s changed for European infrastructure debt?
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Infrastructure debt’s resilience is in its DNA, de Charles Dupont, Président de Schroder aida, et Frédéric Brindeau, Head of Asset Management, Infrastructure Equity