Durant la récente reprise des marchés, les actions bancaires européennes ont enregistré de belles performances. Cela signifie-t-il qu’elles ont passé l’épreuve de la crise du coronavirus haut la main ? Justin Bisseker, European Banks Analyst chez Schroders, constate que les banques se portent mieux qu’en 2008, mais toutes les banques ne seront pas en mesure de résister à la difficile conjoncture économique actuelle. Le secteur dans son ensemble n’est sans doute pas très attirant, mais on peut trouver des banques susceptibles de rapporter aux investisseurs en cette période maussade.
Sombres perspectives
Depuis le mois d’avril, les actions des banques européennes ont progressé de 30 % en moyenne. Près de 10 % de mieux que le marché. Mais, en termes absolus en glissement annuel, elles cotent 30 % plus bas, soit 20 % sous le marché. Les investisseurs qui avaient espéré un retour à la normale restent sur leur faim.
Les perspectives économiques sont sombres. Il apparaît clairement que la crise du coronavirus exercera un impact énorme sur la production, les revenus et le marché de l’emploi. L’OCDE prévoit une contraction de 9 % de l’économie dans la zone euro, conforme aux prévisions de la BCE (-8,7 %), alors que le chômage augmentera à 9,8 %. Reste à savoir comment les dégâts seront répartis entre les secteurs public et privé.
Les pertes sur crédit augmentent
Malgré tout le soutien que peuvent apporter les pouvoirs publics, l’augmentation des défauts de paiement apparaît inévitable. Les normes comptables actuelles ont été développées pour encourager les banques à enregistrer les pertes plus rapidement qu’auparavant. Mais les mesures des pouvoirs publics, les moratoires sur les remboursements et la réglementation actuelle entrent en contradiction. Schroders ne pense pas que les investisseurs puissent déjà souffler. Les pertes de crédit vont s’étendre sur plusieurs années et freineront la rentabilité des banques.
Les banques ne sortiront pas indemnes de la crise du coronavirus, estime Schroders. Les pertes en capital portent un coup durable à la valorisation et peuvent indiquer qu’il faudra encore patienter avant qu’elles recommencent à distribuer des dividendes. Entre-temps, les taux restent très faibles et maintiennent la pression sur les marges nettes.
Parallèlement, Schroders pense que les produits d’intérêts nets vont chuter puisque la demande de crédit est avancée en raison des garanties généreuses des pouvoirs publics. Sans compter que les taxes pourraient augmenter parce que les pouvoirs publics ont « sauvé » les banques en creusant leur déficit. Toutes ces raisons donnent à penser qu’une grande partie des moins bonnes valorisations des banques va perdurer à cause de la Covid-19.
Il n’est pas improbable, selon Schroders, que certains risques importants augmentent encore la pression sur les cours bancaires, comme une nouvelle vague du virus, la répression financière, un Brexit chaotique et la vulnérabilité fiscale.
Lueur d’espoir dans les scénarios les plus noirs
Mais il n’y a pas lieu de désespérer. Les banques se portent beaucoup mieux que lors de la crise financière en 2008. Les tampons en capital et en liquidités sont plus solides et la réglementation s’assouplit au lieu d’être plus sévère. En outre, la pression inflatoire peut augmenter au fur et à mesure que les énormes quantités d’argent créées par les banques centrales aux quatre coins de la planète commencent à circuler dans l’économie réelle. Cela pourrait entraîner une hausse des taux attendus et des marges nettes des banques.
Le secteur bancaire européen est tout sauf uniforme. Certaines banques sont en meilleure santé financière que d’autres. Dans les deux dernières décennies, les banques du premier quartile ont enregistré, sur base annuelle, des performances supérieures de 53 % à celles du dernier quartile. En outre, les cours du meilleur quartile ont augmenté en moyenne, sur base annuelle, de 35 % depuis janvier 2000.
Le secteur bancaire dans son ensemble manque peut-être d’attrait, mais cela n’empêche qu’on puisse dénicher des actions bancaires intéressantes, même en cette période difficile.
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