Il y a pratiquement un an, les États-Unis affichaient un scénario de récession classique, avec deux trimestres consécutifs de PIB réel négatif. Mais la hausse rapide de l’inflation laissait entendre que l’économie était davantage confrontée à une stagflation qu’à une récession. La vigueur du marché du travail américain reflétait en revanche davantage une économie en expansion.
L’inflation s’est repliée depuis lors, mais l’économie américaine s’est quant à elle montrée plus résiliente que prévu. Le marché de l’emploi demeure notamment relativement robuste, avec un taux de chômage proche de son niveau le plus bas depuis des décennies. Ce dernier est cependant reparti à la hausse, alors qu’un ralentissement de la croissance se profile à l’horizon. À l’instar des marchés, Tina Fong, stratège chez Schroders, s’attend désormais à une décélération de l’économie américaine, mais pas à une récession pure et dure.
Que signifie un ralentissement de croissance pour les investisseurs ?
Les ralentissements sont généralement des environnements difficiles pour des actifs tels que les actions et les obligations. Non seulement la rentabilité des entreprises est affectée par la contraction de l’activité économique et de la demande, mais les marges bénéficiaires sont également mises sous pression par l’augmentation des coûts due à la hausse des salaires et des taux d’intérêt. Les phases de ralentissement profitent davantage aux matières premières et aux emprunts d’État qu’aux actions et aux obligations d’entreprise.
Contrairement aux périodes d’expansion, lorsqu’elles profitent du renforcement de l’activité économique, les matières premières bénéficient de la hausse de l’inflation durant les périodes de ralentissement. Les matières premières énergétiques et agricoles sont en effet prises en compte dans l’IPC global et sont parfois à l’origine de la hausse des prix à la consommation. D’un autre côté, les obligations d’État se comportent moins bien lorsque l’inflation augmente. Mais elles surperforment souvent les actions, car en période de ralentissement, les investisseurs apprécient la sécurité de ces actifs défensifs.
Ce ralentissement sera probablement différent
Dans le passé, l’inflation augmentait et atteignait généralement son pic pendant les phases de ralentissement économique, vu que le resserrement de la politique monétaire finissait par faire ses effets, entraînant une hausse du chômage et une contraction de l’écart de production (« output gap »). Mais à l’aube de cette phase-ci de ralentissement, force est de constater que la dynamique inflationniste est différente de celle des cycles économiques précédents, vu que l’inflation est actuellement en baisse (comme mis en évidence par le cercle dans le graphique ci-dessous).
Cette dynamique inflationniste inhabituelle trouve son origine dans les séquelles de la crise du Covid de 2020. La pandémie a notamment entraîné un déséquilibre entre l’offre et la demande de biens, ce qui a fait bondir l’inflation l’année dernière. Et cette situation a encore été exacerbée par la guerre entre l’Ukraine et la Russie et par les répercussions de la politique « zéro Covid » de la Chine sur les chaînes d’approvisionnement.
L’année dernière, le modèle d’écart de production de Schroders se trouvait donc en phase d’expansion. Mais l’inflation anormalement élevée a poussé la Réserve fédérale américaine (Fed) à mener une politique plus agressive, ce qui a débouché sur la plus forte hausse des taux d’intérêt jamais enregistrée au cours des phases d’expansion précédentes. Cela a entraîné une forte dévaluation du marché américain. Les actions ont connu l’une de leurs pires périodes par rapport aux phases d’expansion précédentes, au cours desquelles elles avaient généralement enregistré des rendements positifs.
Cette phase de ralentissement n’est peut-être pas si mauvaise
L’activité économique américaine devrait ralentir au cours des prochains mois, mais cette fois, la baisse de l’inflation pourrait créer un environnement moins hostile pour les actions. La situation inflationniste plus favorable réduit le risque de récession et offre à la Fed une plus grande flexibilité pour réduire ses taux.
Le rendement moyen du S&P 500 est généralement plus positif lorsque les taux d’intérêt ont baissé. En revanche, le resserrement de la politique monétaire, en particulier dans la phase de ralentissement, a créé un environnement défavorable pour les actions. Ceci étant, les taux d’intérêt ont généralement atteint leur pic en période de ralentissement, et la Fed réduit ses taux ou les maintient inchangés la plupart du temps.
Les périodes de ralentissement de croissance suivies par des expansions plutôt que par des récessions sont généralement plus positives pour les actions. Si l’activité économique se montre plus résiliente, tant la croissance que les bénéfices des entreprises peuvent se redresser dans un scénario reflationniste. À l’opposé, les ralentissements qui débouchent sur des récessions sont généralement des situations où la croissance se contracte de manière significative, ce qui pèse lourdement sur les bénéfices des entreprises.
Conclusion
Maintenant que le cycle économique américain est entré dans une phase de ralentissement, une attitude plus prudente à l’égard des actions et des marchés du crédit devrait normalement être de mise. Mais le cycle actuel est différent, vu que l’inflation est en baisse. Cela pourrait être le signe d’une croissance plus résiliente et la Fed pourrait donc disposer d’une plus grande marge de manœuvre pour assouplir sa politique monétaire. Cela réduit également le risque d’une récession ultérieure, qui crée généralement un environnement plus négatif pour les actifs à risque. Sur le plan des investissements, le scénario pourrait donc être différent de celui observé lors des ralentissements précédents.
Lisez également « Why risk assets may perform better in this slowdown than those of the past », par Tina Fong, stratège chez Schroders.