Selon un nouveau rapport, les marchés financiers restent insuffisamment préparés à l’ampleur des perturbations induites par le changement climatique. En septembre, les Principes pour l’investissement responsable (PRI) des Nations Unies - un réseau d’investisseurs dont les membres comprennent 500 gestionnaires d’actifs mondiaux - ont publié un rapport concluant que les marchés ne prennent pas en compte de manière adéquate les futures politiques en réponse au changement climatique. Plus important encore, ce rapport conclut que les investisseurs doivent s’attendre d’ici 2025 à des mesures « énergiques, soudaines et désordonnées en raison de leur retard ».
L’équipe Global Climate Change de Schroders estime depuis longtemps que les conséquences du changement climatique ne sont pas prises en compte par les marchés. On considère généralement que les marchés financiers ont une bonne capacité à intégrer rapidement les changements mineurs à court terme des perspectives des entreprises, mais qu’ils peinent à prendre en compte l’incertitude, les points d’inflexion et les ruptures. Le changement climatique entre dans ces trois catégories.
Incertitude
Combien de temps faudra-t-il aux électeurs et aux décideurs politiques pour reconnaître que les conséquences à long terme de l’inaction dépassent de loin les coûts d’une transition rapide vers des sources d’énergie autres que les combustibles fossiles ? Les électeurs soutiendront-ils les politiques gouvernementales visant zéro émission nette de carbone en 2050 ou s’en détourneront-ils en période de tensions économiques ?
Points d’inflexion
Les points d’inflexion sont rarement identifiables sur le moment. Seuls sont perceptibles les indicateurs précurseurs du changement. Il est souvent difficile d’être convaincu de la possibilité d’une situation radicalement différente de la situation actuelle, et il est rassurant d’identifier les raisons pour lesquelles le changement peut être lent. La substitution des énergies renouvelables et des véhicules électriques à l’énergie et la mobilité dépendantes des combustibles fossiles est sans conteste à un point d’inflexion, et il est maintenant possible d’envisager une décarbonation complète de ces industries grâce à la technologie existante. Néanmoins, peu d’investisseurs apprécient l’ampleur des changements en cours.
Ruptures
Les marchés peinent à intégrer la rupture dans les prix. Les équipes de direction des entreprises en place se trouvent souvent face au « dilemme de l’innovation ». C’est-à-dire que, même si elles reconnaissent une menace pour leur entreprise, elles se sentent souvent contraintes de protéger leurs flux de revenus existants. Les investisseurs ont également tendance à se concentrer sur les flux de trésorerie à court terme des entreprises subissant l’impact défavorable du changement, se persuadant que leur titre est « bon marché » par rapport aux bénéfices actuels, pour ensuite être surpris lorsque les résultats commencent à baisser. Les entreprises en déclin ne sont généralement pas de bons investissements, car leur restructuration est un processus coûteux qui sape le moral de la main-d’œuvre, alors que les coûts fixes entraînent généralement des bénéfices décevants.
Jusqu’à récemment, la majeure partie de l’attention du marché sur les actifs menacés par le réchauffement climatique s’est concentrée sur le charbon. En effet, la mise au rebut des actifs de ce secteur va de soi dans un monde développé qui se détourne de la production d’électricité à partir du charbon. Les prix du charbon sont tombés à leurs plus bas niveaux depuis plusieurs années, et chaque semaine une nouvelle fermeture anticipée de centrale électrique au charbon est annoncée.
Au moment où nous écrivons, la société espagnole de services aux collectivités Endesa a annoncé la fermeture de ses deux dernières centrales électriques au charbon en Espagne, qui résultera probablement en une perte de la plus grande partie, voire de la totalité, de la valeur de ces actifs de 1,3 milliard d’euros. Cependant, d’autres parties de l’économie qui seront menacées par le changement climatique n’attirent pas autant l’attention. L’immobilier et l’aéronautique sont deux exemples de secteurs où les prix des actifs pourraient tout juste commencer à intégrer les conséquences du changement climatique.
Aéronautique
L’industrie aéronautique a connu une période exceptionnelle. Une expansion économique record et la croissance du tourisme mondial ont entraîné un essor très stable de cette industrie. Au cours des 10 dernières années, l’indice MSCI World Aerospace and Defence a généré un rendement annuel total de 13,8 %, soit le double du rendement annuel de 6,8 % du MSCI World.
Les actifs de cette industrie (principalement les aéroports et les avions) ayant une durée de vie très longue, les perspectives futures de l’industrie sont donc essentielles à leur valeur. Cependant, contrairement à l’industrie automobile, l’aéronautique commerciale n’a pas de solution technologique commercialement viable pour réduire considérablement ses émissions. La poursuite de sa croissance est donc totalement incompatible avec bon nombre des nouveaux objectifs et ambitions à long terme mis en place par les gouvernements. Après des décennies de baisse du coût du transport aérien qui ont favorisé sa croissance, les prix devront être revus en hausse, soit pour réduire la demande, soit simplement pour y intégrer le coût des émissions de CO2 produites par l’industrie. Les émissions de CO2 par kilomètre-passager du transport aérien sont très élevées.
Émissions de CO2 (par kilomètre-passager)
Source Bernstein Research, septembre 2019
Une note de recherche de Sanford Bernstein suggère que si l’industrie aéronautique avait dû payer les coûts de CO2 de ses émissions, ses bénéfices des dernières années auraient été amputés de 40 %. À l’avenir, au fur et à mesure que le prix du carbone augmentera, la charge s’accroîtra.
Dans le même temps, la technologie de visioconférence a progressé au point qu’elle peut éviter une partie importante des déplacements professionnels. Les voyages professionnels sont le segment le plus rentable pour les compagnies aériennes, et avec de plus en plus d’entreprises visant la neutralité carbone, les voyages en avion sont en ligne de mire. Les 10 prochaines années ne s’annoncent pas aussi bonnes que la dernière décennie pour ce secteur.
Valeur des actifs physiques immobiliers
Jusqu’à récemment, les impacts physiques du changement climatique semblaient largement théoriques pour beaucoup. Cependant, l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes et l’accélération de la hausse du niveau de la mer sensibilisent le public à un point où les prix des actifs immobiliers pourraient être affectés. Par exemple, ce mois-ci, un rapport du groupe d’investissement CLSA (Crédit Lyonnais Securities Asia) et du CWR (China Water Affairs) a examiné la vulnérabilité de Hong Kong aux ondes de tempête dans des conditions d’élévation du niveau de la mer. Les analystes ont étudié en particulier le super typhon Mangkhut de 2018, qui a provoqué une onde de tempête de 3,9 m dans le port de Victoria de Hong Kong, et le super typhon Hato, dont l’onde de tempête a atteint 5,6 m dans le port intérieur de Macau. La recherche conclut que la marée de tempête à Hong Kong aurait pu être dévastatrice.
« Mangkhut aurait pu provoquer une marée de tempête de 5,7 m, ce qui aurait inondé Central, le quartier financier de Hong Kong. Selon notre cartographie, les ondes de tempête auraient pu dépasser Des Voeux Road, ce qui aurait eu des conséquences extrêmement coûteuses et préjudiciables. »
Onde de tempête potentielle du super typhon Mangkhut
Source : CWR, « New Atlantis », sept. 2019. Basé sur le modèle numérique de terrain (5 m) du Lands Department de Hong Kong, Google Maps. Emplacement du marégraphe issu du site Web du HKO. Infographie de China Water Risk, copyright, tous droits réservés.
S’agissant d’une autre région très vulnérable au changement climatique, l’unité Data Insights Unit et l’équipe Global Cities de Schroders ont récemment entrepris une analyse des trajectoires des ouragans dans l’Atlantique. Le travail faisait partie d’un projet en cours visant à intégrer le risque lié au changement climatique dans les modèles d’évaluation des actifs immobiliers urbains. L’image ci-dessous montre une simulation de trajectoires d’ouragans sur 100 ans superposées, mettant en évidence la vulnérabilité de la Floride et de la Caroline du Nord aux ouragans.
1919 – 2019 Intensité accrue des tempêtes tropicales
Source : Schroders Data Insights Unit
Gillian Tett, dans un excellent article récent publié dans le Financial Times1, a également noté la vulnérabilité de la Floride à l’augmentation du risque d’inondation, la montée du niveau de la mer et les ouragans plus nombreux augmentant la fréquence et la gravité des dommages matériels.
L’article décrit les obstacles organisationnels à la prise en compte adéquate de ces informations qui existent dans les établissements bancaires. Ceci a de l’importance lorsque l’on sait que les pertes liées aux inondations devraient tripler dans le sud de la Floride au cours des prochaines décennies.
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