Pour le CEO de Schroders, il est aujourd’hui plus que jamais vital d’adopter une vision à long terme. Les entreprises doivent bénéficier d’un soutien, assorti toutefois de conditions.
Les mesures engagées pour freiner la pandémie de Covid-19 mettront la situation financière des individus et des entreprises à très rude épreuve au cours des prochains mois.
Une épreuve se profile également pour le secteur de la gestion d’actifs. Il s’agira non seulement d’un test pratique – comment pouvons-nous soutenir des entreprises en temps normal saines et viables ? – mais aussi d’un test en termes de philosophie de placement – sommes-nous de véritables investisseurs de long terme ?
En tant que dépositaires des fonds des épargnants, il incombe aux gestionnaires d’investissement d’allouer le capital à des entreprises présentant des modèles économiques durables sur le long terme.
Or même les entreprises les plus tournées vers l’avenir subissent aujourd’hui des chocs à court terme sans précédent. La survie de certaines est même compromise.
Agir, oui. Mais comment ?
Une chose est sûre : de nombreuses entreprises créaient une véritable valeur actionnariale avant cette crise. Pour préserver l’avenir financier des épargnants dont nous gérons les économies, nous devons impérativement éviter que ces entreprises ne sombrent, plombées par les événements hors norme que nous subissons actuellement.
Aussi, les gestionnaires de fonds peuvent apporter leur pierre à l’édifice. Notre secteur devrait s’entretenir des difficultés rencontrées par les entreprises avec leurs équipes de direction respectives, et ce, ouvertement et en toute franchise. Nous devrions unir nos efforts dans la recherche de solutions ingénieuses.
Et j’invite les entreprises à ne pas hésiter à nous parler. J’ai également demandé à nos gestionnaires de portefeuilles d’engager ce dialogue crucial avec les entreprises, alors que nous tentons d’identifier les défis les plus pressants. Nous discuterons sans détour, de personne à personne, afin de les surmonter. Certaines de ces solutions seront d’une grande inventivité, j’en suis convaincu, mais elles ne pourront voir le jour sans cette interaction humaine.
Par opposition, les faiblesses du trading automatique deviendront de plus en plus évidentes. De fait, la gestion fondée sur des algorithmes ne sera en l’espèce d’aucune utilité.
Travailler main dans la main, une réelle nécessité
Toutefois, les gestionnaires de fonds ne pourront pas relever seuls ce défi. En effet, nous devons étroitement collaborer avec les gouvernements, les autres actionnaires et les banques. Nous pouvons apporter notre soutien en matière de levée de fonds au bénéfice d’entreprises si, et uniquement si, les autorités et les créanciers sont également impliqués dans le processus. Tout comme nous, ces derniers devront faire preuve d’inventivité.
L’enjeu est de taille. La forme que prendra notre action au cours des prochains mois impactera les moyens de subsistance de millions de personnes.
Je considère qu’il est de notre devoir de rejeter tout opportunisme à court terme visant à exploiter les distorsions de prix. Les entreprises dotées de solides perspectives à long terme doivent être soutenues.
Un soutien assorti de conditions
Premièrement, toutes les mesures de soutien devraient être rigoureusement ciblées. En tant que représentants de propriétaires d’actifs, il nous incombe d’assurer, par exemple, que l’aide bienveillante apportée aux entreprises garantisse plutôt l’avenir des collaborateurs que celui des dirigeants.
Les entreprises bénéficiaires des mesures de soutien doivent démontrer la solidité de leur contrat social avec les parties prenantes. Si les investisseurs font preuve de flexibilité, les dirigeants d’entreprises devraient également agir de la sorte à l’égard de leurs collaborateurs, de leurs fournisseurs et de leurs clients. Nous surveillerons cette situation de près et interviendrons si nécessaire.
Deuxièmement, nous avons la responsabilité de contribuer à générer des rendements à long terme pour les épargnants que nous représentons. Or nous ne pouvons mener à bien cette mission en finançant des entreprises aux modèles lacunaires. Et il s’agit-là d’une règle d’or à laquelle nous ne devons jamais déroger.
Toutes les parties prenantes feront inévitablement face à des difficultés. Les investisseurs accusent déjà des pertes sur leurs placements en actions. De nombreuses entreprises devront inéluctablement suspendre les versements de dividendes, peut-être même ceux qui ont déjà été annoncés.
Malgré l’intensité des événements qui frappent actuellement la planète, l’heure n’est pas au court-termisme, mais bien aux considérations à long terme. Fidèle à cette philosophie, Schroders a surmonté de nombreuses crises financières au cours de ses 216 années d’existence.
Notre responsabilité est aujourd’hui d’assurer le soutien des secteurs d’activité et d’éviter qu’ils ne soient fauchés par des turbulences à court terme. Le « long-termisme » doit triompher.