Les prochaines années devraient voir une augmentation des pertes physiques dues aux évènements climatiques, une hausse des taxes pour lutter contre les inégalités intergénérationnelles et des conditions plus difficiles pour les entreprises fortement endettées.
- Compte tenu du nombre croissant d’événements météorologiques extrêmes dans les années à venir, certains secteurs risquent de subir des dommages matériels et des coûts croissants.
- Les gouvernements se tourneront probablement vers les entreprises pour les aider à corriger le déséquilibre entre les générations.
- Les entreprises trop endettées sont vulnérables à la hausse des taux d’intérêt
Les spécialistes du développement durable évitent habituellement d’écrire sur les perspectives de marché ; tout est une question de long terme après tout… Mais notre thèse chez Schroders est que les changements environnementaux et sociaux s’accélèrent, créant toujours plus de difficultés d’adaptation pour les entreprises.
L’année 2018 en a apporté de nombreuses preuves, le populisme continuant de croître en parallèle des températures mondiales. Les entreprises qui n’opèrent pas de manière durable ne peuvent plus se cacher: les sociétés technologiques, qui par le passé semblaient presque intouchables, ont subi plus de taxes, de réglementation et quelques moments très inconfortables devant le Congrès.
Dans ce contexte, l’analyse et la prospective en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) n’a jamais été aussi importante pour les investisseurs. Il s’agit de l’une des vérités incontournables en matière d’investissement pour la décennie à venir.
Environnement : les risques physiques du changement climatique
Pour la plupart, le changement climatique est certainement la principale problématique de long terme. Une grande partie de l’analyse dans ce domaine porte sur les risques lointains et parle des mesures qui doivent être prises d’ici 2030 ; une vie pour les marchés financiers.
Cependant, un aspect du changement climatique se manifeste déjà : à mesure que les températures grimpent, les pertes physiques dues aux phénomènes météorologiques extrêmes augmentent également. Cela pourrait être particulièrement le cas en 2019, étant donné que les experts s’attendent à ce qu’un régime météorologique El Niño se développe, entraînant des températures plus chaudes et augmentant la possibilité de phénomènes météorologiques violents partout dans le monde.
Hausse des températures, des émissions de GES, des catastrophes naturelles et des dommages économiques
Source : EM-DAT, NASA, Schroders et UNFCC. Données arrêtées à mai 2018 (dernières données disponibles).
Les investisseurs négligent souvent de bien comprendre à quel point les actifs physiques et l’infrastructure d’une entreprise sont vulnérables aux perturbations et aux dommages graves qui résultent directement des conditions climatiques extrêmes. Conscients de ce fait, nous avons créé un cadre de gestion des risques physiques que nous avons appliqué à plus de 10 000 entreprises dans le monde. Il calcule le montant que les entreprises d’assurance devraient payer pour protéger leurs biens matériels contre les risques liés aux intempéries.
Nous avons identifié le pétrole et le gaz, les services publics et les ressources de base comme étant les secteurs les plus exposés à l’impact physique du changement climatique. Le coût potentiel de l’assurance de leurs biens matériels équivaut à plus de 3 % de leur valeur de marché. Les secteurs les moins à risque sont la technologie, les biens de consommation et la santé.
Il est de plus en plus évident que le changement climatique exacerbe les systèmes météorologiques naturels et qu’à l’avenir, il est probable que les phénomènes météorologiques violents se produiront plus fréquemment. Cela ne s’applique pas seulement à 2019 et à son éventuel phénomène El Niño, mais aussi aux années à venir. Cela peut avoir d’importantes répercussions sur les investissements.
Impact des risques climatiques physiques sur la valeur des entreprises (en %)
Source : Schroders, données à juin 2018. Calculs fondés sur les données provenant de Thomson Reuters, Germanwatch, Munich Re et Swiss Re.
Social : les entreprises porteront la majeure partie du défi de la jeunesse
Social : les entreprises porteront la majeure partie du poids du défi de la jeunesse
Beaucoup estiment que le «S» de l’ESG est la partie la plus difficile à analyser. C’est pourtant dans ce domaine que notre bilan est le plus positif : nous avons prévu la croissance des salaires de subsistance en 2014, l’avènement des taxes sur le sucre en 2015 et les répercussions de la montée du protectionnisme sur les chaînes d’approvisionnement mondiales en 2016.
L’inégalité intergénérationnelle est l’un des grands défis qui se profile à l’horizon. Les populations des pays développés vieillissent et cette évolution est de plus en plus coûteuse. Les coûts connexes comme les soins de santé et les pensions augmentent de façon presque exponentielle. L’inflation des prix des actifs et les faibles taux d’intérêt ont créé un «loyer générationnel» (ainsi appelé en raison des difficultés rencontrées par de nombreux jeunes pour devenir propriétaires).
Cependant, étant donné que les jeunes générations se sont historiquement largement abstenues de voter, les décideurs n’ont pas toujours été aux prises avec ces questions. Les récentes élections ont montré un renversement de cette tendance et, par conséquent, nous nous attendons à voir une pression croissante sur les gouvernements pour qu’ils agissent.
Une plus forte participation des jeunes (18-29 ans) aux élections de mi-mandat américaines de 2018
Source : The Conversation, The Center for Information and Research on Civic Learning and Engagement, novembre 2018.
Compte tenu de l’état actuel des finances de nombreux gouvernements, il sera difficile d’offrir des solutions aux jeunes électeurs. On peut s’attendre à ce que les entreprises doivent assumer une plus grande part du fardeau, ce qui se traduira probablement par des cotisations de retraite plus élevées, un soutien accru au logement pour les jeunes travailleurs et des demandes de formation plus importantes.
Nous continuons de penser que les entreprises et les consommateurs seront confrontés à une hausse des taxes sur plusieurs fronts. Par exemple, les taxes sur le carbone continuent d’augmenter, mais pas au rythme que nous jugeons suffisamment efficace pour vraiment lutter contre le changement climatique. Il ne semble pas que le monde soit tout à fait prêt pour des taxes sur la viande en 2019, mais étant donné les avantages pour la santé et l’environnement, nous ne les exclurions pas à moyen terme.
Gouvernance : la dette pourrait revenir nous hanter
Nous avons été quelque peu surpris cette année, lorsque nous avons examiné les données sur la dette, de constater que les cours des actions des sociétés ayant des niveaux d’endettement relativement élevés n’avaient pas été pénalisés. Le cycle actuel du crédit et de l’économie dure depuis un certain temps déjà. Cela signifie que peu de gestionnaires et de conseils d’administration se souviennent à quel point des niveaux élevés de dette peuvent être contraignants lorsque le taux d’intérêt ou le contexte opérationnel change.
Une étude de Bernstein (24 octobre 2018), dresse un tableau optimiste de l’endettement des entreprises. Il montre que de moins en moins d’entreprises éprouvent des difficultés à assurer le service de leur dette parce que leur bénéfice d’exploitation couvre confortablement leurs charges d’intérêt. Toutefois, au cours des trois prochaines années, 25 à 45 % de cette dette sera refinancée. Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, cela pourrait poser un sérieux défi.
Il est vrai qu’il n’y a jamais eu autant de dette à long terme, mais pour certaines entreprises, il n’est pas nécessaire que les taux augmentent beaucoup ou que les activités diminuent fortement, pour que les choses deviennent sensiblement plus difficiles.
Conclusion : un sentiment croissant d’urgence
Bien que bon nombre des questions que nous avons soulevées ici soient de nature à long terme, un certain nombre d’entre elles représentent une menace plus immédiate pour les entreprises que la plupart des investisseurs ne le croient.
Dans ce contexte, nous pensons que l’analyse et la prospective en matière d’ESG vont continuer à gagner en importance pour les investisseurs du monde entier.
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