Pour pouvoir prédire quelles sont les entreprises qui profiteront le plus de l’émergence de l’IA générative, il faut tout d’abord comprendre quels types d’entreprises opèrent dans quel domaine de l’intelligence artificielle. Pour cela, Ankur Dubey, directeur des investissements, Private Equity chez Schroders, explique qu’il faut mieux comprendre le « technology stack », c’est-à-dire les couches technologiques nécessaires pour construire une application IA générative :
- La base est la couche de calcul. Les systèmes d’IA générative requièrent une puissance de calcul énorme et des capacités de stockage importantes pour entraîner les modèles et les mettre en œuvre. Le matériel (puces semi-conducteur) fournit la puissance de calcul tandis que les plateformes cloud comme Amazon Web Services, Microsoft Azure ou Google Cloud Plate-forme offrent des services tels que des machines virtuelles et des capacités de stockage.
- Ensuite vient la couche de fondement. Les modèles de fondement sont des systèmes à larges possibilités qui sont ensuite adaptables à une série d’objectifs plus spécifiques. C’est peut-être la couche la plus importante. Ces modèles de base sont des grands modèles statistiques construits à l’aide d’algorithmes avancés d’apprentissage automatiques qui génèrent des réactions humaines qui sont dérivées de grandes quantités de données sur lesquelles est basé leur apprentissage. Les modèles de fondement sont divisés en « open source » et « closed source ». Un logiciel « closed source » est un logiciel propriétaire - seule la société qui en est le propriétaire peut le modifier - tandis que l’open source signifie que le code source est disponible publiquement et que les programmeurs peuvent le modifier.
- Couche d’infrastructure. Il s’agit des entreprises de tooling/d’infrastructure pour les applications qui n’utilisent pas leur propre modèle de base. Ces applications ont besoin des entreprises d’infrastructure pour les aider à exploiter pleinement la technologie disponible au niveau de base. Les applications utilisant leurs propres modèles (comme ChatGPT) ne sont pas dépendantes de tiers dans les couches de l’infrastructure ou des modèles fondamentaux.
- Enfin, la partie supérieure stack est formée par la couche applicative, le logiciel qui permet aux utilisateurs de communiquer avec la technologie IA sous-jacente. Il peut s’agir du produit ChatGPT d’OpenAI ou d’une solution développée en interne comme le produit IA interne de Schroders, appelé « Génie ».
Quelles sont les entreprises qui profiteront le plus de l’émergence de l’intelligence artificielle générative ?
Ankur Dubey : « Nous ne savons pas encore laquelle de ces couches générera le plus de valeur. La technologie n’en est pour l’instant qu’à ses balbutiements. Mais nous nous accordons à considérer que la couche de calcul est la grande gagnante et le prix des actions de NVIDIA - qui a progressé d’environ 190 % en total cumulé de l’année (FactSet, au 30 juin) - montre que le marché est d’accord. Cela dit, la question est de savoir si la technologie avancée conçue aujourd’hui par NVIDIA pourra être commodifiée au fil du temps. »
Michael White, spécialiste du secteur mondial, actions publiques , commente : « Les sociétés de la couche de calcul qui appliquent une stratégie ‘pick and shovel’ semblent être les grandes gagnantes grâce à leurs positions dominantes existantes. La croissance du nombre de cas pratiques d’IA générative entraînera aussi une augmentation de la demande de puces et NVIDIA est un expert qui possède une part de marché dominante dans les GPU (unités de traitement graphiques) qui sont essentielles au traitement par l’IA.
« En ce qui concerne le cloud, le marché du cloud computing est un oligopole. Les grands acteurs tels qu’Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud Platform vont sans doute conserver leur avantage après avoir investi massivement ces dernières années dans l’infrastructure et les relations clients .
« Mais il ne faut pas oublier que les nouvelles technologies permettent de faire des choses de manières nouvelles et de créer des entreprises entièrement nouvelles. Netflix, par exemple, a été rendu possible par internet et si cette plate-forme a prospéré, c’est parce qu’elle offre un produit supérieur à la télévision payante traditionnelle d’une manière qui menace les médias existants.
« De la même manière, Uber est une entreprise dont le modèle d’entreprise ne peut exister que grâce aux smartphones et à l’internet mobile. Tout porte à croire que cette nouvelle technologie offrira de nouvelles façons de faire les choses, mais ces entreprise n’ont peut-être pas encore vu le jour - ce sont elles que nous recherchons ».
Mike McLean, directeur principal des investissements, Private Equity : « Si l’on regarde en dehors de l’industrie technologique proprement dite, il est possible que les entreprises riches en données, par exemple celles qui détiennent une grande quantité de contenus générés par les utilisateurs, peuvent devenir une source de valeur, tout simplement en raison de la valeur de ces données pour l’entraînement des modèles IA.
« Du côté du capital-risque, les flux vers les entreprises IA se sont fortement intensifiés ces dernières années, comme le montre le graphique ci-dessous. Et les flux vers les entreprises IA connaissent une croissance nettement supérieure à celle du marché du capital-risque en général. L’an passé, on a enregistré une baisse en dollars des investissements dans l’espace IA, mais c’était le reflet d’un fléchissement sur le marché à risque en général.
« Il est important de savoir que l’IA a un poids de plus en plus élevé au sein des entreprises qui entrent sur le marché aujourd’hui ».
Lire aussi AI revolution: who’s profiting now from Generative AI? par Schroders.