Les actions A cotées en Chine ont perdu des dizaines de pour cent de leur valeur cette année. Ce sentiment négatif est entièrement lié à la guerre commerciale qui fait rage entre les États-Unis et la Chine, estime Anthony Wong, gestionnaire du fonds AllianzGI China A-shares. Et ce, bien que les sociétés d’actions A n’exportent pratiquement pas vers les États-Unis.
Étant donné que plus de 90 % du chiffre d’affaires des sociétés chinoises on-shore est réalisé en Chine, le conflit commercial n’a pas de gros impact direct sur la rentabilité de la plupart des sociétés, mais rend les investisseurs privés chinois hésitants, estime Wong. Les investisseurs institutionnels ne représentent qu’une petite minorité sur le marché des actions A, qui est donc fortement influencé par le sentiment.
Et les sociétés d’actions A ont beau avoir relativement peu de clients aux États-Unis, certaines dépendent néanmoins des importations américaines. Plusieurs entreprises technologiques ont ainsi déjà rencontré des problèmes parce qu’elles ne pouvaient (temporairement) pas importer de puces américaines.
« À cet égard, la guerre commerciale a un impact direct sur notre sélection de titres. Nous essayons d’éviter les entreprises qui dépendent des importations américaines. C’est précisément pour cette raison que nous avons réduit nos positions dans une entreprise IT et une entreprise du secteur industriel. Malgré le cessez-le-feu actuel, on ne sait toujours pas quelles seront les relations commerciales futures entre les États-Unis et la Chine », estime Wong.
Mieux encore, Wong table sur le fait que les entreprises chinoises « qui dépendent des importations étrangères et n’ont pas leur propre branche R&D » peuvent faire faillite dans quelques années. « Le gouvernement chinois stimule le développement de la technologie en Chine, tout en recherchant l’indépendance de l’étranger. »
Wong est d’avis que les entreprises chinoises peuvent devenir des leaders mondiaux dans ce domaine. « Et les valorisations de ces nouveaux leaders potentiels du marché ont également fortement baissé cette année. Une amélioration du sentiment du marché conduira à une revalorisation dont nous pouvons bénéficier. »
Investisseurs privés
Le marché chinois des actions A est dominé par les investisseurs privés, qui se laissent principalement guider par le sentiment du marché, ce qui génère une importance fluctuation des cours des actions, contre laquelle même les investisseurs professionnels ont du mal à se couvrir. Mais le comportement impulsif des investisseurs de détail chinois offre également des opportunités, explique Wong.
« Les investisseurs privés chinois sont très focalisés sur la dynamique des prix et guidés par les actualités et les rumeurs. La question de savoir comment une entreprise est gérée ne joue pratiquement aucun rôle. Ce sont les valorisations, et non la croissance des bénéfices, qui déterminent l’orientation du cours des actions, ce qui entraîne énormément de volatilité et d’imprévisibilité », explique Wong.
C’est pourquoi les actions chinoises A ont pu chuter de plusieurs dizaines de pour cent cette année, alors que les bénéfices affichent une croissance à deux chiffres. Wong : « En raison du sentiment négatif des investisseurs chinois, le ratio cours/bénéfice moyen est tombé de 13 à 11 fois le bénéfice attendu. »
Taux de rotation élevé
Wong : « Les investisseurs ont vendu beaucoup d’actions et ont maintenant des liquidités. Les Chinois ne sont pas des investisseurs ‘buy-and-hold’. Dès que le sentiment change, ils remettent cet argent au travail. Cela peut conduire à une revalorisation du marché, dont nous pouvons à notre tour bénéficier. »
Par rapport aux gestionnaires de fonds sur des marchés d’actions plus matures, Wong négocie aussi beaucoup lui-même. « Le taux de rotation de notre portefeuille est de 60 % par an. Ceci est dû au fait que les prix des actions peuvent augmenter ou baisser très rapidement, ce qui nous incite à vendre relativement rapidement », explique Wong. « Mais notre taux de rotation est encore relativement faible. Certains fonds d’investissement changent complètement de portefeuille plusieurs fois par an. » En moyenne, Wong garde une action pendant un an et demi dans son portefeuille.
Attentif à l’indice de référence
En raison de la volatilité du marché, Wong estime qu’il n’est pas responsable de trop s’écarter de l’indice de référence. « Notre style est attentif à l’indice de référence. Nous ne sommes jamais sous ou surpondérés plus de 5 % dans un secteur donné, car sur le marché des actions A, il y a souvent des rotations de secteur rapides et inattendues qui sont uniquement motivées par le sentiment. Nous investissons plutôt dans les entreprises qui, selon nous, feront mieux que leurs concurrents dans le même secteur. »
Wong est donc aussi présent dans le secteur financier, avec une pondération de près de 30 % de loin le secteur le plus important sur le marché des actions A. Le gestionnaire du fonds reconnaît que les perspectives pour ce secteur, et en particulier pour les banques, ne sont pas excellentes. « Dans le secteur financier, nous sommes surpondérés dans les assureurs. Les banques sont sous pression parce qu’elles doivent réduire leur bilan et peuvent prêter moins d’argent. Au sein des banques, nous avons une préférence pour les petits acteurs forts dans les prêts à la consommation et le private banking. »
Pourtant, plus de cinq pour cent des actifs du fonds sont détenus par les deux grandes banques d’État, China Construction Bank et Bank of China. « Ce ne sont peut-être pas les meilleures entreprises en termes absolus, mais nous sommes convaincus qu’il s’agit de banques qui surperformeront leurs pairs », explique Wong.