La principale autorité européenne des marchés financiers semble surprise par la « remarquable résilience » des marchés financiers de l’UE dans un contexte de taux d’intérêt élevés pendant une longue période. Pour l’avenir, l’AEMF met les investisseurs en garde contre un risque élevé de corrections, en particulier sur les marchés privés difficiles à valoriser, tels que l’immobilier.
L’AEMF, l’Autorité européenne des marchés financiers, déclare que les marchés restent « très sensibles » compte tenu de l’impact potentiel des taux d’intérêt élevés, des perspectives macroéconomiques et des risques géopolitiques. L’AEMF identifie un « risque élevé »de corrections dans un contexte de « liquidité de marché fragile » sur les marchés des actions, des obligations et des crypto-monnaies, avec une « attention particulière » pour les positions immobilières.
Dans ce contexte, Verena Ross, présidente de l’AEMF, a déclaré que l’autorité se concentrait sur la confiance : « Le maintien de la confiance sur les marchés financiers est particulièrement important pour l’AEMF, et essentiel pour la réalisation de notre mission de protection des investisseurs », a déclaré Verena Ross lors de la présentation du dernier rapport trimestriel de l’AEMF sur les tendances, les risques et les vulnérabilités.
Catégories de risque
Source : rapport TRV de l’AEMF, janvier 2024.
La stabilité financière sera affectée par la hausse des taux d’intérêt, qui resteront élevés pendant longtemps. Les déclarations de la Réserve fédérale concernant l’inflation, la semaine dernière, laissent présager que les taux ne seront pas réduits aussi rapidement que ce que les marchés avaient sans doute anticipé. Selon l’AEMF, cette conjoncture a un impact négatif sur la qualité du crédit et les valorisations immobilières.
Dans le contexte actuel des taux, l’effet de levier dans les fonds d’investissement est scruté par les régulateurs, car il peut amplifier les risques, comme cela s’est produit en 2022 avec les fonds britanniques financés par des emprunts. L’AEMF a calculé que l’effet de levier pour les fonds d’investissement alternatifs est passé de 127 % de leur valeur intrinsèque en 2022 à 123 % en 2023.
L’AEMF observe une grande variété d’effets de levier parmi les différents types de fonds. Les hedge funds affichaient un taux d’effet de levier de 265 % l’année dernière, contre moins de 140 % pour la moyenne des autres fonds d’investissement alternatifs. L’AEMF a également repéré des preuves anecdotiques d’une augmentation de l’effet de levier, en particulier sur le marché américain des bons du Trésor, qui doit être « étroitement surveillé ».
Important effet de levier pour les hedge funds
Source : rapport TRV de l’AEMF, janvier 2024.
L’AEMF reste préoccupée par la valorisation des fonds immobiliers. Les valorisations ont fait l’objet d’une attention croissante ces dernières années, en particulier au sein de la communauté des marchés privés luxembourgeois, où sont établis de nombreux fonds d’investissement alternatifs européens investissant dans des actifs réels tels que l’immobilier.
La production de valorisations fiables de fonds privés non cotés constitue une tâche complexe. Tous les acteurs du marché n’ont pas accès aux données détaillées nécessaires pour effectuer les valorisations. « Produire une valorisation objectivement parfaite est extrêmement difficile », déclare Brian Slattery, vice-président senior et responsable de l’Europe du Nord chez Clearwater Analytics. « Pour les entreprises, le plus important est de renforcer leurs équipes responsables de l’étude des valorisations, en veillant à ce qu’elles aient accès au plus grand nombre de données possible. »
Le crédit privé manque de transparence
En ce qui concerne les marchés du crédit privé, l’AEMF a souligné un « manque de visibilité sur la cristallisation des risques ». Le manque de transparence sur ce marché peut entraîner « une détérioration soudaine du risque de crédit », avec « des conséquences plus larges difficiles à anticiper », déclare l’AEMF.
Du côté des développements positifs, l’AEMF note que la disponibilité des données ESG commence à s’améliorer. L’année dernière, les 1500 plus grandes entreprises non financières ont commencé à rendre compte de leur alignement sur la taxonomie de l’UE, ce qui signifie qu’elles fournissent plus d’informations sur la durabilité de leurs opérations et leurs efforts d’investissement en faveur de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Yann Bloch, responsable du développement de produits chez NeoXam, spécialiste des logiciels d’investissement, estime que cette évolution est prometteuse pour les investisseurs, mais souligne qu’elle pourrait devenir problématique pour les gestionnaires d’actifs qui doivent traiter ce déluge d’informations supplémentaires. « Ils seront confrontés à de grandes difficultés s’ils s’appuient sur des systèmes obsolètes ou des tableurs Excel éparpillés dans l’entreprise », déclare-t-il.
Diminution du stress systémique
Source : rapport TRV de l’AEMF, janvier 2024.