Wim Vermeir (photo), chief investment officer chez AG Insurance, nous a révélé dans quelles classes d’actifs son vaste portefeuille investit ainsi que les classes d’actifs qui vont selon lui gagner en importance. Le gérant a souligné que les positions sur les prêts, qui ne peuvent pas être négociées quotidiennement, seront surtout constituées dans les infrastructures et les actions.
Principe du matching
AG Insurance est le plus grand investisseur institutionnel de Belgique et gère 61,8 milliards d’euros. Quel est l’élément le plus important de la stratégie d’un si grand investisseur institutionnel ? « Nous investissons une grande partie de notre portefeuille à très long terme, en appliquant le principe du matching. Nous sommes principalement actifs dans le domaine de l’assurance vie, de l’assurance de groupe, de l’épargne-pension et autres, ce qui implique des promesses et des garanties à long terme. Et nous investissons nos fonds avec les mêmes échéances que ces promesses et garanties, selon le principe du matching », explique Vermeir.
Ce qu’il illustre par des questions qui lui sont régulièrement posées. « On nous demande souvent comment il est possible que nous puissions encore payer 3,75 % ou 4,75 % sur d’anciens contrats. Dans le passé, nous avons pu investir à des conditions nettement plus favorables et avons ensuite pu matcher nos garanties. Et comment se fait-il que vous ne garantissiez aujourd’hui que 0,5 % ou 0,75 % ? L’explication est la même : parce que les conditions actuelles sont beaucoup moins favorables. En fin de compte, nous sommes toujours prudents et ne voulons donner des garanties que si nous pouvons effectivement les soutenir par des investissements. »
Composition du portefeuille
Vermeir souligne qu’AG Insurance a aujourd’hui un portefeuille très défensif : « 87 % de notre portefeuille est constitué de produits à revenu fixe, et 13 % d’actifs plus risqués tels que l’immobilier (10 %) et les actions (3 %) », précise-t-il. « Et au sein de ces 87 %, nous sommes très prudents, car c’est en fin de compte là-dessus que reposent nos promesses. La qualité du crédit est très élevée car plus des trois quarts de cette partie du portefeuille ont au moins une notation A. Il y a aussi 10 % de NR paper ou obligations sans notation, mais si nous leur appliquons des notations internes, nous sommes proches d’une notation A ou supérieure. Cette partie du portefeuille est également de grande qualité. »
« Le portefeuille total se compose de trois grandes composantes obligataires », poursuit Wim Vermeir. « 50 % d’obligations d’État, 17 % d’obligations d’entreprises dans lesquelles nous voyons encore un potentiel, et 20 % de prêts. Cette dernière composante est la partie du portefeuille qui connaît la croissance la plus rapide. Les prêts sont des crédits privés qui ne sont pas négociables sur le marché, alors que les obligations ordinaires le sont. » Le CIO souligne que la grande différence réside dans le fait que la Banque centrale européenne rachète des obligations d’État et d’entreprises, mais ne le fait pas avec des prêts. « Il y a donc beaucoup plus d’opportunités dans ce segment de marché. »
Les prêts directs gagnent en importance
Vermeir souligne que depuis 2016, la proportion de prêts directs dans le portefeuille est passée de 11 % à 20 % et que l’importance des obligations d’État a diminué. Les autres catégories d’actifs sont restées assez stables chez AG Insurance. « Les obligations d’entreprises sont plus cycliques : si le spread est élevé, nous sommes un gros acheteur, et si le spread est bas, nous n’achetons pas. »
Source : AG Insurance
« Dans le cadre des prêts, nous optons principalement pour des obligations défensives, dont 43 % ont un lien avec le gouvernement, par exemple via des crédits pour des logements sociaux ou assortis d’une garantie régionale. 15 % sont des prêts directs à des entreprises ayant une excellente solvabilité, et 30 % sont des prêts hypothécaires. En ce qui concerne ces derniers, nous sommes principalement actifs aux Pays-Bas, car il y a souvent environ 1 % de plus à gagner et les conditions de remboursement y sont plus intéressantes. »
Les prêts pour les infrastructures connaissent le plus important développement et représentent aujourd’hui 12 % ou 2,2 milliards d’euros dans ce segment chez AG Insurance. « Nous avons commencé il y a 5 ans et avons déjà constitué un beau portefeuille de 48 projets. Nous avons appliqué une répartition sectorielle et géographique poussée, les quatre secteurs les plus importants étant les transports (32 %), l’hébergement (33 %, comme les écoles, les prisons, les salles de sport, etc.), les énergies renouvelables (15 %) et l’économie numérique comme les réseaux de fibres optiques (7 %). Ces deux dernières catégories ont le vent en poupe en raison du Green Deal de l’Union européenne. Les marchés domestiques belge (41 %) et français (28 %) sont les pays les plus importants dans lesquels nous sommes actifs en matière de prêts. »
Évolution du portefeuille ?
Comment le CIO Wim Vermeir voit-il l’évolution du portefeuille dans les années à venir dans l’environnement actuel, qu’il ne décrit pas vraiment comme facile ? « Le mouvement le plus important sera la poursuite de la réduction des obligations d’État. Étant donné les rendements peu attrayants, nous n’y investissons que peu d’argent actuellement. Et nos positions en obligations d’État sont plutôt des positions du passé, avec des rendements encore élevés. En outre, notre portefeuille se compose presque exclusivement d’obligations de pays ayant une bonne qualité de crédit. Nous avons peu de positions dans la dette de pays périphériques. Nous les avions réduites lors des crises précédentes et n’y avons plus investi depuis lors. Nous n’avons d’ailleurs plus l’intention de le faire. »
« Nous devons donc chercher des alternatives dans le segment des obligations et les trouvons, comme indiqué précédemment, dans des prêts ayant des qualités défensives tout aussi fortes. Grâce à la prime de liquidité supplémentaire pouvant être perçue, nous pensons donc que ce segment va continuer à se développer au sein du portefeuille. Ce mouvement va se poursuivre pendant plusieurs années encore. L’immobilier restera également. Nous voyons certainement des opportunités dans ce domaine, même si le marché a subi quelques changements, notamment en raison du télétravail. Pour les obligations d’entreprises, nous sommes constamment à la recherche d’opportunités et avons acheté pour environ 1,5 milliard d’euros d’obligations d’entreprises au deuxième trimestre, lorsque les spreads étaient très élevés. Il n’y avait pas que la BCE qui achetait, car nous le faisions aussi ! », s’exclame Vermeir en riant.
Il a également l’intention d’augmenter à terme la partie action. « Le rendement des dividendes des actions devient de plus en plus intéressant, surtout par rapport au rendement des obligations. En outre, l’environnement des actions est devenu un peu plus constructif. Ce qui est important pour nous, c’est que nous sélectionnions des actions de bonne qualité et que nous puissions également investir à long terme afin de pouvoir conserver ces actions pendant une longue période », conclut-il.