Une erreur de politique monétaire constitue désormais un risque très important que les marchés ne prennent pas en compte. Un resserrement au mauvais moment pourrait déclencher une récession. Le premier semestre a été très positif, mais il faut aussi oser prendre des bénéfices. L’inflation sera plus persistante que ce que l’on suppose généralement. La prudence est donc de mise. La valeur continuera de surperformer, et il vaut mieux éviter les sociétés technologiques déficitaires.
C’est ce qui ressort d’un podcast avec Vincent Mortier, vice-responsable de l’allocation d’actifs chez Amundi.
« Honnêtement, je ne comprends pas la baisse des taux d’intérêt à long terme aux États-Unis, qui sont passés de 1,7 % au niveau actuel de 1,25 %. L’inflation sous-jacente sera plus persistante que ne l’affirme la Fed, pour de nombreuses raisons. L’inflation sera bien supérieure aux objectifs de la Fed au cours des prochaines années, tandis que la croissance retombera à son potentiel à long terme.
La courbe des taux a été aplatie avec l’idée que l’inflation est temporaire et que la croissance restera forte », explique Vincent Mortier. « Selon nous, le marché est trop optimiste, car l’inflation des salaires, du logement et des produits de base va se poursuivre, sans compter l’inflation importée de Chine. »
Erreur de politique
Vincent Mortier avertit que la Fed pourrait être en train de commettre une erreur majeure en matière de politique monétaire. Il affirme qu’il n’est pas exclu que la Fed procède à un resserrement monétaire à un moment où la croissance ralentit.
Ce scénario devient de plus en plus probable. Elle poussera l’économie mondiale vers la récession, et les marchés boursiers ou obligataires ne sont actuellement pas du tout préparés à cela. La prudence est donc de mise. Selon nous, les taux d’intérêt à long terme américains devraient être supérieurs à 2 % au cours des six prochains mois. Une correction importante des obligations ne peut donc être exclue. »
Neutre
Vincent Mortier est neutre sur les actions dans un portefeuille diversifié, mais très sélectif sur les régions, les segments et les secteurs. La gestion passive n’est pas envisageable pour lui actuellement.
Par conséquent, Mortier se concentrera plutôt sur les obligations à taux flottant, ou les obligations à court terme qui seront détenues jusqu’à l’échéance, et uniquement sur les émetteurs sans risque de défaut.
L’expert pense également que la rotation vers les actions value et cycliques n’est pas encore terminée, au contraire. Les banques européennes, en particulier, sont bon marché. Les actions cycliques restent également intéressantes. J’éviterais la deep value, mais il y a de la qualité à trouver dans la valeur. »
Il est également intéressant d’investir dans des secteurs traditionnels qui bénéficient d’améliorations ESG.
« D’un point de vue relatif, investir en Chine et en Asie est intéressant à long terme, mais l’Amérique latine est à éviter. En Chine, vous pouvez encore trouver des taux d’intérêt positifs réels. Les valorisations sont également beaucoup plus intéressantes. La PboC a été beaucoup plus orthodoxe. Il n’y a pas eu de QE et les dettes sont sous contrôle.
Aujourd’hui, vous achetez via la Chine de la croissance bien moins chère qu’aux États-Unis, et les risques réglementaires se sont déjà dissipés car les valeurs technologiques chinoises étaient déjà réglementées. »
Mortier conclut que ceux qui investissent pour leur pension et ont encore de nombreuses années devant eux obtiendront de bien meilleurs rendements en investissant dans des sociétés de croissance de qualité, en combinaison avec les marchés émergents, qu’en misant uniquement sur des sociétés technologiques américaines.
À éviter
Mortier conclut que les investisseurs ont intérêt à éviter certains segments pour le moment. Le bitcoin a déjà chuté de moitié, et les SPAC sont également corrigés.
« Cependant, il reste des segments très chers, comme les entreprises technologiques non rentables.
De nombreuses entreprises continuent à s’introduire en bourse aux États-Unis, que ce soit sous la forme de SPAC ou non, qui sont très coûteuses. Il y a également beaucoup d’argent bon marché avec l’effet de levier sur le marché, à la recherche de gains rapides qui disparaissent tout aussi vite. De nombreuses entreprises de technologies vertes sont très chères. On y trouve de bonnes entreprises, mais il y aura aussi beaucoup de faillites. Il s’agit de séparer le bon grain de l’ivraie. »