Pour Sebastiaan Grenné, stratège en allocation d’actifs chez Argenta, le choix des obligations est actuellement une évidence.
Tout comme en 2022, les obligations ont de nouveau chuté cette année. Pour Sebastiaan Grenné, la hausse des taux d’intérêt à long terme, et surtout la rapidité avec laquelle ils se sont envolés, ont également été la surprise de l’année 2023. « Personne n’aurait pu imaginer il y a un an que les bons du Trésor flirteraient avec la barre des 5 % dès cette année », déclare-t-il. « L’aspect positif est bien sûr que les investisseurs trouvent à nouveau des opportunités et des rendements attrayants dans ce segment après une décennie de disette. »
Les obligations offrent à nouveau un rendement réel. « Prenons l’exemple des bons du Trésor. Si les taux d’intérêt restent stables, vous pouvez déjà figer un rendement intéressant aujourd’hui. Et si les taux directeurs commencent à baisser, cela deviendra encore plus intéressant. Ces opportunités sont actuellement à portée de main. »
Chez Argenta, les portefeuilles ont donc été récemment complétés par des obligations et la duration a été augmentée. « Dans notre portefeuille neutre, nous sommes actuellement surpondérés en obligations (43 % d’actions), la part du lion étant constituée d’obligations d’État américaines assorties d’une duration supérieure à la moyenne », précise-t-il.
Cleantech en liquidation
Cette année, les actions de croissance - à l’exception de quelques valeurs vedettes - ont également souffert de la pression de la hausse des taux d’intérêt. Alors que Sebastiaan Grenné fondait de grands espoirs sur la cleantech au début de l’année 2023, ce secteur de croissance s’est avéré tout aussi décevant. « Non seulement la hausse des taux d’intérêt a été préjudiciable au secteur, mais l’augmentation des coûts des matériaux n’a pas non plus joué en sa faveur », explique-t-il.
« Cependant, je pense que les investisseurs ont réagi de manière trop paniquée et ont jeté le bébé avec l’eau du bain : aussi bien des actions solides que des actions plus spéculatives ont été bradées. Notre conviction dans la croissance reste tout aussi forte, c’est pourquoi nous restons investis dans la cleantech. »
Les actions loin d’être hors jeu
Les obligations sont aujourd’hui the place to be, mais cela ne signifie pas que les actions sont reléguées à l’arrière-plan. « Nous sommes surpondérés en obligations, mais les actions conservent bien entendu une place importante dans un portefeuille diversifié. Si vous souhaitez faire fructifier votre capital en termes réels sur le long terme, vous ne pouvez pas les ignorer », poursuit-il.
Le fait que les actions européennes aient surperformé les actions américaines au cours des derniers mois ne constitue pas encore pour lui un signal de rééquilibrage régional. « Je ne m’attends pas à une renaissance soudaine des actions européennes. La situation macroéconomique reste difficile sur notre continent. L’inflation est incertaine, la guerre en Ukraine ne semble pas prendre de direction décisive, … autant d’éléments qui nous poussent à nous tourner vers d’autres régions, comme les États-Unis et l’Inde. »
L’Inde, la nouvelle Chine ?
Alors que l’Inde devient de plus en plus présente dans les portefeuilles, la Chine a été complètement reléguée à l’arrière-plan. « Ces derniers temps, nous avons vendu nos dernières positions dans les fonds d’actions chinoises. Nous avions encore une exposition limitée au début de l’année, car nous pensions que la fin de la politique zéro Covid relancerait le moteur chinois, mais les vents contraires sur le plan géopolitique et sur le marché immobilier se sont avérés trop forts. »
Les tendances démographiques à long terme ont également poussé Argenta vers la sortie. « Nous ne pouvons nier que les actions chinoises sont actuellement très bon marché, mais le risque est trop élevé », souligne Sebastiaan Grenné. « Pour l’Inde, caractérisée par une population active en expansion et une forte vague d’investissements, la situation semble en revanche beaucoup plus saine. »
Récession sans drame
Pour 2024, Sebastiaan Grenné s’attend à une surperformance des obligations d’État américaines ainsi qu’à un rebond des actions de croissance, qui ont été (trop) lourdement sanctionnées. « Sur le plan macroéconomique, nous tablons toujours sur une récession aux États-Unis dans notre scénario de base. La Fed n’a encore jamais réussi à relever les taux d’intérêt aussi fortement et rapidement sans faire déraper l’économie. D’ailleurs, de nombreux chiffres indiquant qu’une récession est déjà en cours ont été publiés. Mais d’un autre côté, il y a aussi beaucoup de chiffres évoquant une croissance économique. »
« C’est encore une conséquence de la pandémie, qui a créé une économie à plusieurs vitesses, avec un secteur qui entre en récession alors qu’un autre continue au contraire de croître fortement », explique-t-il. « Devons-nous avoir peur d’une récession ? Non. En figeant des rendements plus élevés sur les obligations et en effectuant des choix judicieux en matière d’actions, il est encore possible de créer un portefeuille capable de sortir d’une récession sans trop de dommages et de générer de la valeur ajoutée. »