Le régulateur financier luxembourgeois vient d’adopter une infrastructure cloud souveraine combinée à l’intelligence artificielle (IA).
La Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) devient ainsi le premier régulateur national en Europe à s’engager sur cette voie.
Jean-Pierre Faber, administrateur et directeur de la CSSF, a déclaré que l’indépendance vis-à-vis des géants américains de la tech tels que Google, Amazon et Microsoft n’était donc pas forcément une utopie.
Rôle en pleine mutation
Responsable de la stratégie de transformation numérique de la CSSF depuis 2016, il entrevoit une nouvelle mission pour son organisation. « Notre rôle évolue : nous passons de superviseur à facilitateur de la transformation numérique », affirme-t-il.
D’après une étude récente réalisée par KPMG et l’ABBL, l’équivalent luxembourgeois de Febelfin, 66 % des banques privées considèrent la numérisation comme une priorité absolue. Cependant, moins de la moitié d’entre elles estiment disposer en interne des connaissances nécessaires pour mener à bien cette transition. Des ressources limitées et une pénurie de talents spécialisés freinent son avancée.
Crainte d’ingérences étrangères
Le régulateur luxembourgeois utilise une solution cloud souveraine intégrant la technologie Google, ce qui garantit que les données sensibles restent sur le territoire luxembourgeois.
« Cette approche renforce la protection des données tout en modernisant l’infrastructure », explique Jean-Pierre Faber. Le régulateur répond ainsi aux craintes d’ingérences étrangères découlant notamment de lois américaines comme le Cloud Act, qui autorise le gouvernement américain à accéder à toutes les données hébergées sur les serveurs d’entreprises américaines.
Surveillance pilotée par l’IA
Le régulateur souhaite également utiliser l’IA pour analyser de grandes quantités de données financières de manière plus rapide et plus précise, afin d’identifier les risques à un stade précoce, « avant qu’ils ne s’intensifient. »
La CSSF mène actuellement des projets pilotes intégrant l’IA, notamment pour automatiser des tâches telles que le contrôle des prospectus et l’analyse des données ESG. Parallèlement, elle élabore un « recueil réglementaire » piloté par l’IA, conçu pour garantir une interprétation univoque de la réglementation. Ces initiatives visent à améliorer l’efficacité du secteur tout en allégeant la charge administrative.
Cependant, la route est semée d’embûches. L’utilisation de l’IA et de solutions cloud requiert une solide formation complémentaire, tant pour les régulateurs que pour les institutions financières. De plus, l’IA doit rester transparente et éthiquement responsable. Pour ce faire, la CSSF entretient un dialogue étroit avec les banques, les fintechs et d’autres acteurs afin d’intégrer ces nouvelles technologies de manière appropriée.
Pays-Bas
Aux Pays-Bas, la transition vers une surveillance pilotée par les données pour le marché de détail s’est révélée plus complexe que prévu. En 2016, l’Autorité des marchés financiers (AFM) a lancé le programme Spot on, visant à soutenir le passage d’un modèle de surveillance classique à un modèle piloté par les données. Ce programme incluait des études basées sur les données ainsi que le développement d’une plateforme d’analyse et de gestion des données permettant au régulateur de traiter les données de manière conviviale.
Pour cette surveillance des marchés de détail pilotée par les données, l’AFM utilise notamment le text scraping, l’extraction automatisée d’informations à partir de sites Web. Cependant, comme le soulignait Jos Heuvelman, membre du conseil d’administration, l’année dernière : « La difficulté sur les marchés de détail réside dans le fait qu’ils concernent des personnes, et donc, leur vie privée. Il n’est pas possible de collecter des données sans discernement. » À l’époque, l’autorité de régulation travaillait sur un cadre législatif visant à renforcer le fondement juridique de ces pratiques.