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Baillie Gifford braque les projecteurs sur son fonds Positive Change afin de mieux faire connaître l’investissement d’impact. Nous avons voulu savoir ce qui rend cette forme d’investissement si spéciale et avons posé la question à Rosie Rankin, directrice du fonds Positive Change chez le gestionnaire d’actifs écossais.

Quelle est la philosophie d’investissement sous-jacente du fonds ?

Rosie Rankin : Nous recherchons des entreprises qui apportent une contribution positive aux défis mondiaux dans quatre de nos thèmes : la sécurité alimentaire, l’accès aux soins de santé, l’éducation et la pénurie d’eau. Concrètement, elles doivent apporter cette contribution par le biais des produits ou services qu’elles proposent ou fournissent. Il ne s’agit donc pas de la manière dont l’entreprise fonctionne ou de la nature de ses pratiques commerciales. Ces dernières années, nous recherchons davantage des entreprises capables de susciter un réel changement et pas seulement d’avoir un impact positif. Nous nous demandons toujours si l’entreprise constitue un réel moteur de changement. La plupart des entreprises actives dans le secteur des soins de santé, par exemple, ont un impact positif, mais ce n’est pas suffisant pour nous. Quelles entreprises brisent le statu quo, constituent un moteur de changement et sont disruptives ? C’est ce qui nous importe. 

Comment trouvez-vous ces entreprises ? 

Rosie Rankin : Nous partons souvent d’un défi à relever et collaborons généralement avec des universitaires pour y parvenir. Il s’agit d’un processus très organique. Par exemple, après avoir identifié différents problèmes dans le secteur agricole, nous nous sommes retrouvés à investir dans le groupe agricole américain John Deere. Celui-ci met en œuvre des méthodes intelligentes permettant d’augmenter les rendements des cultures et de réduire les intrants, et c’est le titre qui a le plus contribué à la performance du fonds en 2022. Aujourd’hui, nous nous intéressons également à l’agriculture verticale, aux technologies de semences innovantes, aux sources alternatives de protéines, etc. La climatisation, le chauffage et la ventilation figurent également sur notre agenda. Avec la hausse des températures sur la planète, ces systèmes seront d’une grande importance pour garder certains endroits habitables. Nous étudions les moyens d’y parvenir de manière efficace sur le plan énergétique. Une fois que nous avons identifié les entreprises actives dans ce domaine, nous nous basons principalement sur la recherche bottom-up.

Quelles entreprises peuvent vous inspirer aujourd’hui ?

Rosie Rankin : Nous avons récemment procédé à deux acquisitions, d’ailleurs très éloignées l’une de l’autre. Remitly Global est un groupe qui facilite les transferts des migrants et constitue également un moteur de changement, puisque 25 % de ces transferts sont alloués à l’éducation. Au moment de son introduction en bourse, il était surévalué, mais il est depuis lors retombé de 75 % et a retrouvé une valorisation intéressante. Le deuxième nouveau venu est la société d’édition de logiciels Autodesk, qui a récemment lancé une nouvelle plateforme. Elle autorise tous les acteurs impliqués dans la construction d’un bâtiment à utiliser la même plateforme, ce qui permet de réduire considérablement les déchets de construction. Compte tenu de l’augmentation des coûts de construction, chacun cherche à utiliser les matériaux de manière plus efficace.

Comment trouvez-vous le juste équilibre entre rendement et impact ?

Rosie Rankin : Depuis la création du fonds en 2016, notre philosophie a toujours été de sélectionner des entreprises qui résolvent un problème tout en réalisant une croissance et en offrant un beau rendement. Pour nous, trouver des entreprises pouvant combiner rendement et impact constitue la clé. Nous sommes toujours à la recherche d’entreprises qui offrent cette synergie. S’il y a un décalage, ces entreprises n’ont en fait pas leur place dans notre portefeuille. En effet, les produits de base qui ont un impact favorisent également la croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices à long terme et, en fin de compte, font grimper le cours de l’action. L’application linguistique Duolingo en est un bel exemple. Celle-ci touche de plus en plus de personnes et compte déjà 60 millions d’utilisateurs, ce qui augmente le chiffre d’affaires généré par les utilisateurs payants et la publicité. 

Savoir quand vous allez vendre des actions n’est donc pas sans importance ?

Rosie Rankin : Nous vendons une action lorsque nous perdons confiance dans l’histoire d’l’investissement ou dans l’impact potentiel, lorsque nous comprenons qu’une entreprise ne répondra pas à nos attentes en matière de croissance et/ou d’impact. Nous avions investi dans une société brésilienne d’éducation, Kroton, parce qu’elle voulait rendre l’éducation accessible à tous. Mais au bout d’un certain temps, elle s’est orientée vers une éducation plus élitiste, ce qui ne correspondait plus à nos objectifs d’impact, et nous avons donc mis l’action en vente.

Le fonds a connu une année difficile en 2022. Comment l’avez-vous expliqué à vos investisseurs ?

Rosie Rankin : Les six premiers mois de l’année 2022, surtout, ont été très difficiles et décevants. La plupart de nos investisseurs ont été compréhensifs et nous ne pouvons que nous en réjouir. Bien sûr, le fait que nous ayons été en mesure de souligner la solidité opérationnelle sous-jacente des entreprises de notre portefeuille nous a aidés. Une grande partie de la faiblesse du cours des actions était due au sentiment, comme pour Moderna, qui était selon nous trop perçue comme une valeur liée au Covid. Malgré cette faiblesse, nous avons enregistré un flux d’entrées nettes dans le fonds. En effet, c’est dans les périodes difficiles que l’on constate qu’il est essentiel d’investir dans des entreprises résilientes.

N’avez-vous cependant jamais douté ?

Rosie Rankin : Nous sommes restés fidèles à la stratégie, mais avons tout de même renforcé nos interrogations. Nous nous sommes demandé si toutes nos entreprises seraient suffisamment solides face à la hausse des taux d’intérêt, à l’environnement inflationniste et aux problèmes d’approvisionnement. Et lorsqu’il est apparu que toutes ces difficultés allaient avoir un effet sur leur potentiel de croissance à long terme, nous avons dû intervenir. Après cet exercice, nous avons vendu deux titres de notre portefeuille : Beyond Meat et le groupe biotechnologique Berkely Lights. 

Qui sont les investisseurs de votre fonds ?

Rosie Rankin : Nos investisseurs, qui viennent de 30 pays différents, sont très diversifiés et leurs motivations pour investir dans notre fonds sont variables. Nous avons quelques family offices qui souhaitent aligner leurs activités philanthropiques avec leurs portefeuilles d’investissement. Plusieurs fonds de pension sont également nos clients. Un nombre croissant d’investisseurs estiment que l’investissement d’impact constitue une autre manière de générer du rendement tout en gardant le très long terme à l’esprit.
 

 

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