Après s’être nettement redressés au deuxième trimestre, les marchés obligataires émergents ont corrigé au troisième trimestre. L’indice JPM EMBI Global Diversified (EMBI), principal baromètre de la dette émergente en devise forte, a abandonné 2 % en euros sur le troisième trimestre, et s’inscrit désormais 4,8 % en retrait de son niveau d’il y a neuf mois. Quant au JPM GBI EM Global Diversified (GBI-EM), l’indice le plus suivi pour la dette émergente en devise locale, il a perdu 3,6 % sur trois mois et 10,3 % sur neuf mois.
Pour Investment Officer, Thomas De Fauw, analyste chez Morningstar, se penche cette semaine sur la catégorie de la dette émergente en devise locale.
Les chiffres de l’Institute of International Finance (IIF) montrent que les portefeuilles d’obligations des marchés émergents ont connu une décollecte de quelque 30 milliards de dollars au premier trimestre, soit plus que pendant la crise financière de 2008 et qu’à la fin de l’assouplissement quantitatif en 2013.
Malheureusement, ces sorties de fonds se sont produites alors que ces pays étaient aussi gagnés par le coronavirus et subissaient de plein fouet son impact économique. Initialement, la décollecte a entraîné une nette hausse des taux, mais à l’inverse de ce qui s’était passé en 2008 et en 2013, cette dernière a été de courte durée et les taux sont majoritairement revenus à leur niveau initial, tandis que les cours de change de nombreux marchés émergents se stabilisaient plus ou moins. La situation reste toutefois fragile et le Fonds monétaire international (FMI) voit un risque élevé de crise financière dans 35 pays émergents, contre 15 avant la crise sanitaire.
Une forte variation des taux
Le rendement de l’indice GBI-EM s’élevait à quelque 4,5 % à la fin du troisième trimestre. Mais la rémunération de la dette souveraine locale à 10 ans varie fortement selon les pays : 5,8 % au Mexique, 6 % en Inde, 6,4 % en Russie et 6,9 % en Indonésie, voire 9,4 % en Afrique du Sud. Les plus faibles taux se trouvent actuellement en Thaïlande (1,1 %), en Pologne (1,3 %) et à Taïwan (0,4 %), tandis que le taux de l’obligation d’État chinoise à 5 ans fluctue autour de 3 %.
Malgré les taux faibles chroniques en Europe, en Amérique et au Japon, les investisseurs ne plébiscitent pas massivement les rémunérations plus élevées des marchés émergents. La dette émergente occupe généralement une place assez réduite dans de nombreux fonds internationaux, car ces pays affichent des risques de crédit et de change plus élevés, et les investisseurs axés sur la sphère occidentale ont depuis peu aussi profité de la politique d’achats de la BCE et de la Réserve fédérale. Les pays émergents n’ont pas lancé de programme de rachat d’une telle ampleur, si bien que leurs obligations profitent moins de ce catalyseur important.
La question est maintenant de savoir si l’Occident renouera avec une certaine discipline budgétaire, et si cela pourra inverser la tendance. L’affaiblissement du dollar pourrait profiter à de nombreux marchés émergents s’ils ne suivent pas trop souvent l’exemple de Washington. Un tel cas de figure permettrait aussi à leurs banques centrales, en l’absence d’inflation, d’abaisser encore les taux, ce qui serait bénéfique pour les détenteurs d’obligations. Mais tant que la BCE, la Fed et la BoJ poursuivent leurs achats, cela ne suffira sans doute pas à attirer les investisseurs. Or, cette divergence ne peut se poursuivre éternellement : les banques centrales se heurteront en fin de compte à une limite, ou la différence de prix sera tout simplement trop importante.
Poursuite de la hausse
Mais la dette émergente continue sa croissance rapide et représente désormais près du quart de toute la dette en circulation à l’échelle mondiale. Fin 2019, la dette souveraine des marchés émergents était émise à quelque 80 % en devise locale, alors que la dette émergente en devise forte (dollar, surtout) se taillait encore la part du lion en 2000.
Les marchés émergents ont souvent intérêt à développer encore leur marché obligataire intérieur et à limiter leur dépendance aux capitaux étrangers. À ce niveau, l’Asie est plus avancée que les autres régions. Mais la participation accrue d’investisseurs étrangers peut attiser la volatilité sur les marchés obligataires locaux, comme l’a souvent constaté l’Indonésie. Le marché de la dette privée, même s’il affiche une plus grande hétérogénéité, a enregistré une forte croissance. Les obligations d’entreprises en devise locale connaissent surtout un franc essor en Asie. Près de la moitié des obligations émergentes sont chinoises. Et pourtant, JP Morgan excluait jusqu’à février 2020 les obligations en yuan. Leur poids dans l’indice GBI-EM va au final être relevé à 10 %, comme pour le Brésil, le Mexique et l’Indonésie.
Le top 5
Le top 5 de la semaine est consacré aux fonds investissant dans les emprunts d’État des marchés émergents libellés en devise locale. Et dans la catégorie Morningstar des obligations internationales des marchés émergents en devise locale, c’est Barings qui mène le bal, à l’aune du rendement sur les trois premiers trimestres de l’année 2020.
Le fonds Barings EM Local Debt a reçu une notation Neutral de la part des analystes Morningstar. Il est piloté par Ricardo Adrogué, qui peut se targuer de 28 années d’expérience professionnelle, ayant occupé, outre le poste de gérant de fonds, des fonctions d’économiste chez Citigroup et au FMI.
Il gère le fonds avec Cem Karacadag depuis avril 2014 ; le duo s’appuie sur une équipe de quatre analystes. Sur les neuf premiers mois de l’année, la sous-exposition à la Turquie et la surreprésentation, notamment, du Brésil, du Mexique et de la Russie, depuis avril, ont été porteuses. Le processus d’investissement associe analyse macroéconomique fondamentale et modèles quantitatifs, avec un positionnement basé sur le cycle économique et la compétitivité de chacun des pays.
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