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Avec l’accès de faiblesse du dollar au deuxième semestre 2020, les obligations émergentes en devise locale sont de plus en plus prisées. L’indice JP Morgan GBI EM Global Diversified (GBI-EM), le plus suivi pour la dette des marchés émergents en devise locale, a nettement progressé (+5,1 % en euros) au quatrième trimestre. Toutefois, il achève une année 2020 mouvementée en retrait de 5,8 % en euros.

« Les obligations des États émergents en devise locale affichent depuis quelque temps déjà un rendement attrayant par rapport aux emprunts des marchés développés, mais cela n’a pas empêché les investisseurs européens de retirer leurs fonds de la catégorie l’année dernière », affirme Thomas De Fauw, analyste chez Morningstar, à Investment Officer.

À l’échelle mondiale, les flux sortants des marchés de la dette émergente en devise locale ont atteint 8,9 milliards d’euros en mars, puis 5,9 milliards d’euros au cours des mois qui ont suivi. Un tournant ne s’est amorcé qu’en août, avec une collecte de 2,4 milliards d’euros jusqu’à fin novembre. 

Ces sorties de fonds ne s’expliquent pas uniquement par les risques de crédit et de change plus élevés de ces pays, mais aussi par le fait que les investisseurs axés sur la sphère occidentale ont pu profiter des programmes d’achats extensifs des banques centrales.

Le rôle du dollar américain

Le rôle du dollar américain pour les marchés de croissance ne doit pas être sous-estimé : outre les rendements, les cours de change forment une partie importante du rendement total de la dette émergente. La faiblesse du dollar au deuxième semestre 2020 a donné un coup de pouce aux marchés de croissance. Différents facteurs, et notamment les plans de relance budgétaire et monétaire ainsi que les incertitudes planant sur la reprise économique aux États-Unis, pourraient présager une nouvelle baisse dans un futur proche. 

Si le billet vert a une telle importance, c’est parce que de nombreux pays émergents sont contraints d’emprunter en dollars, les taux étant souvent inférieurs à ceux pour les monnaies locales. Mais lorsque le dollar augmente, les coûts (amortissement et intérêts) exprimés en devise locale augmentent, si bien que les pays les moins solides peuvent même rencontrer des difficultés de paiement. 

En outre, le dollar étant une monnaie de réserve, la plupart des matières premières sont négociées en USD, avec une corrélation négative. Or, de nombreux marchés émergents et leurs gouvernements sont très dépendants des exportations de matières premières ; c’est notamment le cas du Brésil et de la Russie. L’Inde et la Chine, en revanche, forment des exceptions.

Des rendements qui divergent

Le rendement de l’indice GBI-EM s’élevait à 4,3 % le 18 janvier. Ce chiffre masque toutefois une réalité géographique très disparate. Les rendements les plus élevés sur les titres à 10 ans sont à chercher en Turquie (+13,0 %), en Afrique du Sud (+8,8 %) et en Russie (+6,5 %). De pays asiatiques peuvent toutefois se financer à des taux bien moindres ; c’est notamment le cas de la Corée du Sud (+1,7 %), de la Thaïlande (+1,3 %) et de Taïwan (+0,3 %).

En Chine, la rémunération de l’emprunt d’État à 10 ans atteint 3,2 % ; de plus en plus d’investisseurs institutionnels jettent leur dévolu sur ces titres – notamment en raison du redressement économique impressionnant lors de la crise sanitaire, mais surtout des réformes menées, qui ont simplifié l’accès au marché obligataire local pour les investisseurs étrangers. 

Mais en contrepartie de ce rendement plus élevé, les investisseurs doivent composer avec les risques de change. Ainsi, les tensions avec les États-Unis ne disparaîtront probablement pas avec le départ de Donald Trump de la Maison-Blanche, et cela peut mettre temporairement le yuan sous pression. À l’inverse, d’autres indicateurs tels que le différentiel des taux, l’excédent commercial et l’évolution vers une économie plus axée sur la consommation, en Chine, pointent plutôt vers une appréciation de la monnaie chinoise face au billet vert. 

À terme, les Chinois, mercantilistes, entendent même faire du yuan une monnaie de réserve. Cet avènement de la monnaie chinoise est notamment symbolisé par la décision de Rio Tinto, deuxième producteur mondial de minerai de fer, d’accepter les paiements en yuan à la place du dollar en 2019. Ces prochaines années, un nombre croissant de contrats sur matières premières devraient être conclus en yuan. 

Le top 5

Le top 5 de la semaine est consacré aux fonds investissant dans les emprunts d’État des marchés émergents libellés en devise locale. Dans la catégorie Morningstar des obligations internationales des marchés émergents en devise locale, c’est le fonds Barings EM Local Debt qui mène le bal, à l’aune du rendement sur l’année 2020 ; fin septembre, il occupait encore la deuxième place. 

Le fonds a reçu une notation Neutral de la part des analystes Morningstar. Le très expérimenté Ricardo Adrogué gère le fonds avec Cem Karacadag depuis avril 2014 ; le duo s’appuie sur une équipe de quatre analystes. Le positionnement en matière de taux est déterminé par le cycle économique. En revanche, les devises dépendent davantage de la compétitivité et font donc l’objet d’une analyse distincte. Il en résulte un portefeuille concentré qui peut largement diverger de l’indice de référence. Fin 2020, le fonds surpondérait par exemple l’Afrique du Sud, le Mexique et la Colombie. Ensemble, ces pays représentaient 35,9 % du portefeuille obligataire total, contre 22,6 % pour l’indice de référence. 

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