Quelles erreurs lui ont appris l’importance de la transparence ? Pourquoi n’aime-t-il pas les titres à rallonge ? Et quelles obligations a-t-il achetées à l’adolescence ? Benoît van den Hove, CEO d’Euronext Bruxelles, nous l’explique dans Le Miroir, le podcast d’Investment Officer.
C’est depuis le bâtiment Le Marquis, au cœur de Bruxelles, que Benoît van den Hove dirige Euronext Bruxelles depuis un an et demi. Il connaît le quartier comme sa poche. « Tracez un cercle d’un kilomètre et demi autour de l’ancienne Bourse, il inclura mon lieu de naissance, l’école secondaire où je suis allé et trois endroits où j’ai travaillé », affirme le CEO, désormais âgé de 49 ans.
Titre à rallonge
Avant de devenir CEO, il a été, cinq ans durant, Head of Listings chez Euronext Bruxelles. Avant cela, le juriste a travaillé dix-sept ans chez ING. « Pendant mes études de droit, je me suis découvert une passion pour le droit des sociétés. J’ai donc commencé à travailler comme avocat dans cette spécialité. Au bout de deux ans, cependant, j’ai remarqué que, si l’aspect juridique des transactions me plaisait, il m’arrivait parfois de le trouver un peu limitatif. Je voulais aussi voir les parties opérationnelle et financière. Seule une banque pouvait m’offrir cette expérience totale, j’ai donc décidé de franchir le pas. »
En tant qu’avocat, il avait déjà eu de nombreux contacts avec le monde bancaire. « Lorsque j’étais avocat, je recevais parfois des courriers de banquiers concernant des transactions que nous accompagnions. Je regardais leur signature et voyais leur nom, suivi d’un titre interminable. J’ai toujours trouvé cela très drôle. Je me disais : « Non, un titre aussi long, ça n’est vraiment pas pour moi ». Il n’a finalement pas fallu longtemps avant que j’aie moi-même un titre à rallonge du même genre à la banque. »
Chez ING, il accompagnait des entreprises lorsqu’elles émettaient des actions et obligations pour lever des capitaux. « C’est finalement devenu ma véritable passion. Je peux réellement dire que j’ai fait de ma passion mon métier. »
Le virus de la Bourse
Benoît van den Hove est fasciné par la Bourse depuis son plus jeune âge. « Adolescent, j’ai acheté ma première action, de Proximus – ou Belgacom, son nom à l’époque. C’était à la fin des années 1980, une période que l’on peut difficilement se représenter aujourd’hui, avec des coupons de 12 à 14 %. Des intérêts gigantesques ! À l’époque, on recevait encore des titres papier, et il fallait découper les coupons chaque année pour les apporter à la banque. »
Ses parents et grands-parents l’ont encouragé dans cette voie. « On ne parlait pas beaucoup d’argent à la maison, mais mes parents m’ont néanmoins appris que les investissements à long terme étaient importants pour se constituer un patrimoine. Les fonds d’actions peuvent offrir une belle opportunité pour atteindre cet objectif. »
Culture de l’investissement
En tant que CEO d’Euronext Bruxelles, il déplore l’absence d’une véritable culture de l’investissement en Belgique. « Prenez l’exemple du bon d’État : 22 milliards ont été investis à court terme. Mais que s’est-il passé début septembre, lorsque tout cet argent a été débloqué ? Les banques se sont battues pour récupérer ces capitaux sur leur bilan. Elles se sont remises à proposer des produits d’épargne à court terme au lieu de réfléchir aux options à long terme. »
« Selon moi, il aurait été plus logique que ces nouveaux investisseurs continuent d’opter pour des fonds de placement ou des actions. Ceci montre que la Belgique a besoin d’une nouvelle culture de l’investissement, où les gens envisagent des risques à long terme. Les études démontrent en effet qu’un portefeuille d’actions diversifié est ce qui, à long terme, génère le meilleur rendement. »
Du sang frais
Le nombre d’actions cotées à Bruxelles diminue. L’une des tâches du dirigeant d’Euronext Bruxelles consiste à revitaliser la Bourse. « On parle souvent de cette diminution, mais il s’agit d’une idée fausse », corrige Benoît van den Hove. « Regardez les capitaux que les entreprises belges ont levés ces dernières années pour renforcer leur patrimoine. Ce montant est assez similaire aux capitaux des entreprises qui ont quitté la Bourse. Et si l’on tient également compte des nouvelles cotations, les flux entrants dépassent même les flux sortants. »
« Il est vrai que le nombre d’entreprises cotées diminue, mais il s’agit d’une tendance pérenne. Il y a cinquante ans de cela, 350 entreprises étaient cotées, pour une capitalisation boursière totale de 7 milliards d’euros. Aujourd’hui, il n’en reste que 120, mais elles pèsent 330 milliards d’euros. Les entreprises grandissent et utilisent activement leur présence en Bourse pour générer des capitaux et se développer. Il est essentiel que les entreprises puissent véritablement profiter de leur cotation pour financer leurs plans de croissance. »
Prendre les rênes
Au sein d’Euronext Bruxelles, Benoît van den Hove dirige une équipe comptant une vingtaine de collaborateurs. « Il est important de voir ces personnes au travail jour après jour, de les soutenir et de les aider à se développer », affirme-t-il. « J’essaie toujours de les accompagner pour progresser dans leur carrière. Cela me donne beaucoup d’énergie et m’apporte des ondes positives, surtout lorsque je les vois évoluer. À Bruxelles, plusieurs de nos collègues ont déjà été promus au sein du groupe, et j’en suis très fier. J’apprécie vraiment la façon dont les choses se passent ici. »
Chez ING, il coachait déjà une grande équipe et a d’ailleurs appris une leçon cruciale. « À un moment donné, j’ai rencontré des problèmes avec quelques équipes qui travaillent avec la mienne. Dans notre équipe, nous avions tendance à faire les choses à notre manière, de façon parfois un peu énigmatique et pas toujours transparente. Un collègue senior m’a alors suggéré de faire davantage preuve de transparence et de créer un lien de confiance avec les autres équipes. Il a proposé d’organiser une réunion avec elles tous les quinze jours. Au début, j’étais sceptique, j’ai pensé que cela engendrerait de nouveaux problèmes. Mais la situation ne me laissait guère le choix, et j’ai donc essayé. »
« Cette ouverture et cette transparence ont finalement créé la confiance dont nous avions besoin. Notre équipe a même eu davantage d’opportunités que je ne l’avais escompté. Cela m’a vraiment appris quelque chose : faire preuve de transparence permet d’instaurer un climat de confiance. C’est aussi ce que font les entreprises cotées : elles se montrent très ouvertes pour susciter la confiance. C’est une idée que j’applique, encore aujourd’hui, chaque jour dans mon travail. »
Roland-Garros
Benoît van den Hove est l’aîné de quatre enfants et a grandi au sein d’une famille de médecins et de scientifiques. Ses grands-parents ont eu une grande influence sur lui.
« Mon grand-père paternel était médecin de village dans le Limbourg et, comme c’était souvent le cas à l’époque, également bourgmestre. Il est décédé peu après la Seconde Guerre mondiale, après quoi ma grand-mère a repris le flambeau et a même été élue. Elle est restée très impliquée dans la communauté, surtout dans une période où beaucoup de gens étaient encore confrontés à des problèmes d’après-guerre. Ils m’ont appris à quel point il est important d’apporter sa contribution à la société. »
Son grand-père maternel était quant à lui un éminent spécialiste du diabète. « Jusqu’à ses 90 ans, il a continué à publier des articles dans des journaux scientifiques. Il disait toujours que le succès, c’était 10 % de talent et 90 % de travail. Son message était clair : si l’on souhaite atteindre un but, il faut travailler. Je n’ai jamais oublié cette leçon. »
Sa grand-mère maternelle a elle aussi mené une vie impressionnante. « Elle était championne de tennis dans sa jeunesse et a même disputé la demi-finale de Roland-Garros, bien avant l’époque de Justine Henin et de Kim Clijsters. Cela fait la fierté de toute la famille. »
Sacrifices
Le dirigeant d’Euronext a quatre enfants, âgés de 13 à 20 ans, ce qui n’est pas toujours facile à coordonner avec son travail. « Ma fonction actuelle exige de moi une grande disponibilité, y compris pour les voyages. Je suis le visage public de la Bourse et dois, à ce titre, être régulièrement présent lors d’événements, parfois en tant qu’intervenant et parfois comme invité. Je le suis toujours avec plaisir, mais cela ne serait pas possible sans une équipe forte à la maison. »
« Ma famille, en particulier mon épouse, me soutient pleinement. Ils me permettent d’être disponible pour mon travail, et je leur en suis extrêmement reconnaissant. Je fixe cependant des limites claires. Pour chaque événement, j’examine de manière rationnelle son utilité pour ma fonction et je fais le choix d’en manquer d’autres pour pouvoir être présent à la maison. Nos ados ont besoin d’être accompagnés, et je tiens aussi à être là pour eux. »
Sa propre entrée en Bourse
Lorsqu’on lui demande quel est son grand rêve, la Bourse joue, là encore, un rôle de premier plan. « J’ai commencé en tant qu’avocat et j’aidais les entreprises à lever des capitaux. J’ai tenu ce même rôle chez ING, où j’accompagnais diverses entreprises dans leur introduction en Bourse. Aujourd’hui, je fais toujours le même travail chez Euronext, et je dirige moi-même une entreprise cotée. Mais mon grand rêve est d’entrer en Bourse en tant que CEO de ma propre entreprise. Pour pouvoir, le jour de l’introduction, sonner moi-même la cloche et partager cette énergie avec toute l’équipe. Voilà ce que je souhaite encore réaliser dans ma carrière. »