Gertjan Verdickt
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Il y a un an, notre chroniqueur Gertjan Verdickt (35 ans) a troqué l’UCLouvain pour une aventure universitaire à l’autre bout du monde, à Auckland. « La splendeur de la Nouvelle-Zélande ne cesse de m’émerveiller, mais je finirai par retourner en Belgique. »

C’est à l’occasion de sa participation à plusieurs séminaires en Océanie, en 2019, que Gertjan Verdickt est tombé amoureux de cette région. « Je suis allé à Melbourne et à Auckland, entre autres. C’est ainsi que j’ai appris à connaître mes futurs collègues. Comme mes parents et moi sommes encore relativement jeunes, cela semblait être le moment idéal pour une aventure à l’étranger. » Dans un premier temps, il est allé en Australie pendant un an. En juin 2024, il a déménagé à Auckland. 

Gertjan Verdickt vit dans un appartement dans le nord de la ville, dans un quartier calme à quelques pas de l’océan. Il travaille à l’université d’Auckland, où il enseigne l’économie financière. « Je donne notamment les cours relatifs à la prise de décision financière et aux investissements alternatifs. Bientôt, je présenterai ma candidature pour une promotion et un poste permanent. Je deviendrai alors maître de conférences. »

Liberté

Le changement m’a semblé familier, je n’ai pas eu l’impression de faire un grand saut dans l’inconnu. « Je savais où j’allais finir : je connaissais mes collègues, les sujets et le type de recherche. Les promesses ont été tenues. Ici, j’ai la liberté de faire mon travail comme je l’entends, en tenant compte de l’impact social. »

Ses domaines de recherche sont vastes, mais assez pointus aussi. « Par exemple, j’étudie la manière dont la législation néerlandaise sur les jeux de hasard a influencé le comportement des investisseurs depuis 1905. Ou comment les expériences climatiques influencent le prix des vins de Bordeaux. J’étudie aussi les processus décisionnels des entreprises à l’époque de l’hyperinflation en Allemagne. La particularité de mon travail est qu’il est plus ou moins le même partout. Une action reste une action où que vous soyez. »

Des attentes élevées

Ce qu’il apprécie dans l’université d’Auckland, c’est son caractère international. « J’enseigne dans un programme de master qui coûte cher – plus de 35 000 euros par étudiant étranger et par an. Cela crée des attentes élevées, mais aussi des opportunités. Le budget permet de prendre des initiatives. Mon chef de département aime investir dans l’innovation. Cela m’offre de nombreuses opportunités – j’étais récemment à Stanford et à Boulder pour des échanges. »

Cette marge de manœuvre financière contraste avec son expérience en Belgique. « J’ai également bénéficié d’un soutien considérable à l’UCLouvain, notamment de la part de Hans Degryse, mon chef de département à l’époque. En revanche, les ressources sont plus importantes ici, si bien que l’on peut évoluer plus rapidement. »

La diversité en classe

Gertjan Verdickt constate également de nettes différences avec la Belgique en ce qui concerne la pratique de l’enseignement. « Les groupes sont plus petits, l’interaction plus grande. À Anvers, 95 % de mes étudiants étaient Anversois. Ici, nous avons des étudiants de toute l’Asie du Sud-Est : Sri Lanka, Vietnam, Chine, Australie et Nouvelle-Zélande. La formation est très coûteuse. Les étudiants sont donc beaucoup plus engagés et apportent leur propre expérience. Enseigner ici est complètement différent. »

Sa philosophie éducative reste cependant la même. « Seuls les exemples diffèrent. En Belgique, je parlais des obligations d’État et de leur effet sur la stabilité des banques. Ici, il est plus probable que l’accent soit mis sur les risques climatiques ou les tremblements de terre, parce que ces réalités sont plus présentes ici. »

Gertjan Verdickt
Gertjan Verdickt

Pas un pôle financier

Mais M. Verdickt voit aussi les limites de son nouveau pays d’accueil. « Dans le domaine de la gestion d’actifs, la Nouvelle-Zélande est loin derrière la Belgique. Le marché est petit, la demande est limitée et la culture financière est extrêmement faible. Un rapport récent a estimé le niveau à celui d’un enfant de neuf ans. »

Cela présente un frein majeur à l’innovation. « La Bourse néo-zélandaise (NZX) cote principalement des banques et des entreprises de services publics comme l’aéroport. Quiconque épargne pour sa retraite ici investira presque automatiquement dans ces actions – avec la même pondération qu’Apple ou Nvidia, par exemple. La liquidité est limitée, la diversité encore plus. »

Ceux qui ont de l’ambition partent généralement ailleurs. « De nombreux collègues du secteur financier s’installent à Singapour, aux États-Unis ou en Australie. J’ai vu trois personnes de mon propre département partir en seulement un an. Je n’exclus pas cette possibilité non plus. Je ne suis pas marié à la Nouvelle-Zélande. »

Une île qui prend son temps

Ce sentiment est également lié à la mentalité. « La Nouvelle-Zélande est un pays magnifique. La nature ne cesse de m’émerveiller. Je n’ai qu’à marcher 200 mètres et j’ai les pieds dans l’océan. Je marche beaucoup, je vais à la montagne, je vis davantage à l’extérieur. Mais en même temps, je n’ai pas l’ambition de changer les choses en profondeur. Le gouvernement ne fait pas grand-chose pour résoudre les problèmes structurels tels que le marché du logement, et l’innovation est à la traîne. Le tourisme et l’agriculture dominent l’économie. »

Selon lui, ce manque de dynamisme contraste avec la Belgique. « Bien sûr, il y a aussi de grandes frustrations, telles que l’incertitude politique ou les querelles autour de l’impôt sur les plus-values. Mais au moins c’est vivant. Ici, c’est souvent la résignation. Ceux qui ont de l’ambition doivent constamment s’adapter. »

Le poids de la distance

Un autre problème est celui de la distance, au sens propre du terme. « Depuis Louvain, c’était facile de se rendre brièvement à Amsterdam, Paris ou Berlin pour une conférence. Ici, tout est loin. L’Australie est le pays le plus proche, mais il faut compter au moins trois heures de vol. L’isolement est un problème de riche dont on ne ressent vraiment l’impact que lorsqu’on vit ici. Même les fruits et légumes sont beaucoup plus chers ici en hiver. »

Sur le plan social, les choses sont également différentes. « Je n’ai pas de famille ici. Mais c’est précisément pour cette raison que l’on s’entend plus facilement avec les personnes qui se trouvent dans la même situation. Cela crée un lien. Il n’en reste pas moins qu’on est loin de tout. Je continue à lire quotidiennement les journaux belges, pas les journaux néo-zélandais. Je reste belge. »

Comment envisage-t-il l’avenir ? « Je n’exclus pas un retour au bercail. Bien au contraire. Si l’UCLouvain m’appelle demain pour me faire une proposition, je ne dirai peut-être pas non. Je ne travaille pas pour l’argent, mais pour la qualité de vie. »

Mais il sait bien ce qui lui manquerait le plus : l’association de la ville, de la nature et de la tranquillité que lui offre Auckland. « L’océan, les montagnes, le rythme de vie – c’est vraiment spécial. Mais en même temps, je sais que je ne vais pas passer ma vie ici. La Nouvelle-Zélande est un pays magnifique. Mais pour ceux qui veulent aller de l’avant, ce n’est pas toujours la terre promise. »

Cet entretien fait partie de la série estivale qui met en lumière des personnalités belges du secteur financier parties vivre à l’étranger.

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