Dirk Eelbode - Thaler-lowre
Dirk Eelbode - Thaler-lowre

Dirk Eelbode (57 ans) a quitté la Belgique à l’époque pour une mission « temporaire » en Suisse. Plus de 30 ans plus tard, il vit toujours à Genève avec sa famille. L’expatrié de Flandre-Occidentale est CEO de la Banque Thaler, récemment acquise par Indosuez Wealth Management. « En tant qu’entrepreneur à l’étranger, vous devez faire preuve d’un réalisme courageux. »

Dirk Eelbode est né et a grandi à Tielt, en Flandre-Occidentale. Il a étudié l’ingénierie commerciale à l’UCLouvain. En 1990, il a commencé sa carrière chez BBL, où il a également obtenu une mission à New York après un stage universitaire. En 1992, il a été nommé banquier privé à Bâle. « En fait, j’étais censé y rester trois ans », se souvient-il. « Mais lorsque j’ai déménagé au siège de Genève deux ans plus tard et que j’ai obtenu un contrat local, j’ai décidé de rester définitivement en Suisse. »

De son propre aveu, M. Eelbode n’avait pas vocation à être expatrié. « Travailler à l’étranger n’était pas un projet en soi pour moi. C’est la nature du travail qui compte. Si vous êtes passionné par la gestion internationale d’actifs, la Suisse est tout simplement l’endroit idéal. »

De banquier à copropriétaire

Après s’être installé à Genève, M. Eelbode travaille encore quelques années à la BBL, mais en 1997, il reçoit une proposition de la banque CERA, qui vient d’acquérir une petite banque suisse. « J’ai été chargé de développer ce projet, y compris le volet commercial, la politique d’investissement et les structures opérationnelles. Ce fut une expérience d’apprentissage unique. « On apprend à connaître une banque de l’intérieur. »

Lorsque CERA et Kredietbank ont fusionné au sein de KBC en 1999, il y avait soudain deux filiales suisses au sein du même groupe. « Une fusion n’étant pas évidente, la direction dont je faisais partie a proposé une acquisition. Avec le soutien d’investisseurs – deux assureurs et trois familles – nous avons pu acquérir CERA Bank (Suisse) dans un cadre constructif et poursuivre nos activités sous le nom de Banque Thaler. »

Il s’en est ensuivi une période de croissance réussie dans le domaine de la gestion discrétionnaire d’actifs pour des clients européens. « Au fil des ans, les employés et les administrateurs ont pu renforcer leur participation. En 2020, la banque était presque entièrement détenue par les personnes qui la dirigeaient au quotidien. Un véritable partenariat, avec une vision à long terme. »

La Banque Thaler a récemment été acquise par Indosuez Wealth Management (Suisse). « Le groupe est très présent en Asie et au Moyen-Orient. Notre expertise est complémentaire. Je reste actif au sein du groupe, en me concentrant sur les marchés européens dans lesquels nous sommes spécialisés. Cette acquisition nous permet de nous développer à un rythme accéléré. »

Grandir dans l’adversité

Les acteurs présents depuis longtemps dans le secteur ont également connu les chocs qu’il a traversés. « Des taux d’intérêt négatifs au Covid-19, beaucoup de choses que nous n’avions jamais vues venir. Pourtant, si vous travaillez de manière bien structurée, vous pouvez vous adapter. Il y a autant de surprises négatives que positives. L’astuce consiste à neutraliser les premières et à saisir les secondes à deux mains. »

L’esprit d’entreprise exige donc de la résilience. « Si nous avions su à l’avance ce que nous allions tous vivre, nous n’aurions peut-être jamais commencé. Mais en cours de route, vous découvrez que vous pouvez faire face à plus de choses que vous ne le pensiez. Voici mon message : Ne soyez pas un pessimiste, ni un optimiste naïf, mais un réaliste courageux. »

Image et réalité

Pourtant, il reste surpris par l’image que certains se font encore de la Suisse. « Nous vivons dans une transparence fiscale totale depuis 10 ans. Les règles de lutte contre le blanchiment d’argent y sont plus strictes qu’ailleurs. Pourtant, le stéréotype persiste : la Suisse serait synonyme du mystérieux secret bancaire. »

« La réalité est que c’est peut-être l’endroit le plus sûr au monde pour gérer un dossier de patrimoine. Les clients choisissent la sécurité, ce qui explique aussi pourquoi la Suisse est encore aujourd’hui le premier acteur de la gestion de fortune internationale. »

Ce que la Belgique peut apprendre

En ce qui concerne les banquiers privés belges, il est résolument positif : « Il y a d’excellents professionnels. On remarque cependant que les portefeuilles de nombreux acteurs sont très similaires. Cela s’explique en partie par les réglementations européennes. En Suisse, nous avons plus de marge de manœuvre pour adopter une approche véritablement internationale des portefeuilles. »

Le franc suisse reste également un atout. « Les portefeuilles sont souvent découplés de l’euro ou du dollar. Cela permet d’ajouter une couche de diversification supplémentaire. Nous élargissons également notre champ d’action en termes de régions. L’Europe et les États-Unis, mais aussi l’Asie, seront mis à l’honneur. La Suisse a traditionnellement une perspective large. »

Selon lui, la différence réside également dans le positionnement des banques. « En Belgique, il existe un fort dualisme : soit vous êtes une banque, soit vous n’existez pas. En Suisse, il existe une couche intermédiaire de banques plus petites et indépendantes qui sont néanmoins intégrées professionnellement dans le système. Cette superposition crée du dynamisme. »

Une autre vie

M. Eelbode est marié à une belge. Leurs trois enfants sont nés en Suisse. « Toute notre famille a désormais la nationalité suisse. C’est un pays fantastique où il fait bon vivre. Nous vivons à Genève, où le caractère international rappelle un peu la Belgique. J’aime faire du vélo dans les montagnes. En hiver, nous pratiquons des sports d’hiver. Tout est proche : les Alpes, le sud de la France, l’Italie. »

Dans sa vie quotidienne, M. Eelbode apprécie particulièrement le caractère structuré de la Suisse. « Tout est bien organisé. Les règles sont respectées. Cela procure de la tranquillité. En même temps, il faut s’adapter : la spontanéité n’est pas de mise ici. Cela dit, beaucoup de mes amis les plus proches sont suisses. Vous êtes pleinement accepté ici en tant qu’étranger. »

Un retour en Belgique n’est pas envisageable :  « Toute ma vie se déroule ici, avec une carrière professionnelle bien remplie, ma famille et mon réseau. Mais j’aime rendre visite à mes amis et à ma famille. »

Ce qui lui manque par rapport à la Belgique est très concret. « D’abord, l’humour. C’est dans l’ADN belge, bien plus qu’ici. Deuxièmement, la radio publique. J’ai grandi avec les commentateurs sportifs Mark Uytterhoeven et Carl Huybrechts. Aujourd’hui, je reste  fan de « Vive le Vélo » de Karl Vannieuwkerke. Aucune autre chaîne ne présente le Tour de France aussi bien que la VRT. Même Canvas surpasse parfois la BBC, avec un budget bien inférieur. Heureusement, on trouve tout en ligne. »

Cet entretien fait partie de la série estivale qui met en lumière des personnalités belges du secteur financier parties vivre à l’étranger.

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