Les investisseurs hésitent à revenir sur le marché des obligations à haut rendement, car ils craignent qu’une récession n’entraîne la faillite d’entreprises ayant une plus faible cote de crédit. Mikkel Sckerl, gestionnaire de portefeuille chez Capital Four, nous a fait part de son point de vue sur le marché européen des obligations à haut rendement. Il estime cependant que l’avenir de ce segment de marché est clairement plus prometteur.
Nom peu familier
Bien qu’il s’agisse d’une boutique de crédit active depuis 20 ans, qui emploie plus de 100 personnes et gère 16 milliards d’euros, Capital Four n’est pas vraiment un nom familier dans nos contrées. Jusqu’en 2007, elle faisait partie de Nordea Asset Management, avant d’en être détachée. Aujourd’hui, elle gère néanmoins toujours le fonds Nordea 1 European High Yield Bond et ce, depuis 20 ans déjà. Le groupe spécialisé n’investit que dans des obligations non investment grade, un marché qui représente en Europe environ 500 milliards d’euros en obligations à haut rendement, 400 milliards d’euros en toutes sortes d’autres crédits tels que prêts à effet de levier, ainsi que plusieurs centaines de milliards d’euros en obligations privées.
Mikkel Sckerl souligne que le groupe est actif dans tous ces segments de marché afin de disposer de plus d’options pour diversifier les portefeuilles des investisseurs. « Nous analysons tous ces crédits, obligations et prêts de la même manière, même s’ils présentent des caractéristiques différentes. En résumé, nous cherchons à comprendre quels sont le risque de crédit et la valeur des investissements. » Selon le gestionnaire, cette classe d’actifs est davantage un produit de spread que de taux d’intérêt, car le risque de crédit est plus élevé. « C’est pourquoi la duration moyenne des obligations européennes à haut rendement est beaucoup plus faible que celle des obligations investment grade. Aujourd’hui, notre duration moyenne est de 3,25 ans, ce qui est plutôt faible comparé à de nombreux autres produits et portefeuilles de crédit. »
Le gestionnaire observe plusieurs tendances structurelles, telles que l’importance croissante de l’ESG et de la durabilité d’une part, et l’augmentation de l’utilisation des données et de la technologie, ce qui permet d’encore améliorer le processus d’investissement, d’autre part. « Nous sommes toujours un gestionnaire de crédit appliquant une approche fondamentale et bottom-up, à savoir l’analyse des entreprises sous-jacentes, mais une meilleure analyse de ces données peut nous fournir de nombreux éclairages supplémentaires. Beaucoup clients sont surpris lorsque nous leur montrons notre utilisation des données, ce qui nous fait réaliser que notre secteur n’a pas vraiment été un précurseur dans ce domaine. » Sckerl souligne que Capital Four recrute aujourd’hui principalement des analystes de crédit ayant davantage de compétences en matière de données.
Le risque de crédit est aujourd’hui compensé
Sur le marché du haut rendement, le spread est aujourd’hui de 500 points de base, soit 100 points de base de plus qu’il y a un an. «Il est donc clair que le risque de crédit est davantage intégré », déclare le gestionnaire. Et ce, alors que les marchés actions sont proches de niveaux record et que les perspectives économiques ne semblent pas mauvaises aux États-Unis et en Europe, même si quelques trimestres économiques faibles se profilent à l’horizon. On ne s’attend pas à une récession profonde. De plus, la crainte d’un dérapage de l’inflation s’est de toute façon atténuée, de sorte que la pression à la hausse sur les taux d’intérêt s’estompe malgré tout. « La Fed et la BCE veulent en fait tempérer l’économie, mais en même temps, le marché de l’emploi reste très solide. Tel est le dilemme actuel. Une fois que le marché de l’emploi en surchauffe commencera à refroidir, les banques centrales pourront lever le pied de l’accélérateur. Mais il est clair que la situation actuelle conduira à une croissance économique plus faible ainsi qu’à des taux de défaillance plus élevés, c’est pourquoi nous observons aujourd’hui des spreads de 500 points de base. »
On table aujourd’hui sur un taux de défaillance de 2 à 3 % pour l’Europe cette année et l’année suivante, ce qui indique clairement une trajectoire ascendante. « En effet, il existe un consensus sur le fait que le risque a augmenté. Il est intéressant de noter que le marché en tient déjà compte », souligne Sckerl. Bien qu’il soit difficile de déterminer exactement quand nous assisterons à une normalisation du marché ainsi qu’au retour à une réduction des spreads et à un rendement solide, il est possible de porter un regard rétrospectif sur des périodes aux conditions similaires. « Chaque fois qu’il y a eu un spread de 500 points de base sur le marché du haut rendement, les trois années suivantes ont offert un rendement cumulé de 10 à 30 % », souligne-t-il. Aujourd’hui, la prise de risque de crédit est largement compensée.
Pas de choix sectoriel ou géographique
« Pour nous, il est difficile d’indiquer quel secteur ou quelle région sont les plus intéressants actuellement, car nous attachons beaucoup plus d’importance à l’état de santé de chaque entreprise individuellement. Il faut être conscient des facteurs de risque propres à chaque entreprise et en tenir compte. » Mikkel Sckerl souligne cependant que ses portefeuilles sont généralement moins exposés à l’Europe du Sud, en raison d’une cote de crédit en moyenne légèrement inférieure, mais que les obligations en portefeuille sont mieux positionnées dans la structure du capital. Ainsi, en cas de défaillance, la sécurité est plus grande. Et comment gère-t-il la volatilité accrue qui se manifeste de temps à autre ? « En cas de volatilité accrue, il est important de pouvoir réagir rapidement. Nous examinons alors principalement les changements dans la valeur relative entre les obligations. Il faut toujours être prêt, et c’est aussi pour cela que nous continuons à analyser les émetteurs dont nous ne détenons pas d’obligations en portefeuille », conclut-il.