Pour l’économiste Robert Lind de Capital Group, il est un peu réducteur de qualifier de temporaire la poussée d’inflation actuelle ; il considère en outre une intervention des banques centrales plus rapide que prévue comme le pire risque pour le marché haussier. Enfin, il a un avis très tranché sur la question des relations commerciales sino-américaines et la présence d’obligations au sein d’un portefeuille.
Des incertitudes quant à l’inflation
Robert Lind souligne le fait que les observateurs du marché sont timides lorsqu’il s’agit de faire des prévisions en matière d’inflation. « Le soutien apporté aux familles et aux entreprises est sans précédent, elles ont ainsi pu se reconstituer une épargne en dépit du gigantesque choc économique.
C’est donc très différent d’une récession normale. En outre, les consommateurs disposent aujourd’hui d’une importante force de frappe, la demande sera donc très soutenue au cours des 9 à 12 mois à venir. » Selon Lind, cependant, le choc concerne non seulement la demande, mais aussi l’offre.
À court terme, les pénuries vont encore s’aggraver car de nombreuses entreprises souhaitent reconstituer leur stock, ce qui aura un impact sur la chaîne d’approvisionnement dans son ensemble. En outre, les choses peuvent encore empirer si les entreprises rapprochent d’elles la production (« reshoring »). Par le passé, nous avons toujours pu constater qu’un problème du côté de l’offre provoquait une inflation galopante. »
Lind admet qu’il est très tentant d’affirmer que cette inflation sera passagère, et c’est du reste le consensus actuel sur le marché. Mais il prévoit qu’à moyen terme, l’inflation sera tout de même supérieure à ce qui est prévu de manière générale. « Je pense que beaucoup de gouvernements ne sont pas réticents à l’idée d’une inflation plus forte, qui permettrait à l’économie d’absorber le choc récent plus facilement. »
Le plus gros risque pour les marchés actuellement, selon Lind, est que les banques centrales réagissent à cette inflation plus forte que prévu et durcissent leur politique monétaire plus rapidement qu’elles n’auraient dû le faire. « Et personne, dans les cercles des banquiers centraux, ne croit que l’inflation ne sera que passagère ; c’est juste qu’on ne le montre pas. »
Pour Capital Group, les actions constituent une couverture naturelle contre l’inflation. « Mais il y aura des gagnants et des perdants, car toutes les entreprises ne parviendront pas aussi bien à répercuter les coûts plus élevés sur leurs clients. Nous prévoyons quoi qu’il en soit une augmentation de la volatilité sur le marché boursier. »
Le conflit sino-américain : mauvais pour l’Europe
L’économiste Robert Lind souhaite également évoquer la Chine, la tendance à la croissance de ce pays révélant un schéma très positif. « Le gouvernement estime en effet qu’il y a eu suffisamment de mesures de soutien pour le moment. Il s’agit à présent plutôt de relâcher un peu la pression et de contenir les excès. Nous avons pour l’instant connu le meilleur, et le taux de croissance va ainsi quelque peu augmenter en deuxième semestre. Nous pensons que le fait d’empêcher l’économie chinoise de surchauffer est une bonne chose pour les actifs à risque. »
Il estime en outre qu’il est erroné de considérer la politique commerciale américaine de ces dernières années comme celle de Donald Trump. Selon lui, elle implique davantage que cette seule personne à la Maison Blanche. « La politique actuelle marque un changement fondamental dans la manière dont les décideurs politiques perçoivent la Chine d’un point de vue économique et géopolitique.
L’administration Biden va conserver un certain scepticisme vis‑à‑vis de la Chine et des relations commerciales avec ce pays. La politique en vigueur sous Trump va se poursuivre et continuer de créer des tensions au cours des années à venir, surtout compte tenu de la pression renforcée sur les entreprises américaines pour ramener au pays une partie de leur production. »
Il estime ainsi que les tensions commerciales vont demeurer et, assez ironiquement, avoir un impact plus fort que prévu… sur l’économie européenne. « L’Europe, en particulier l’Allemagne, a beaucoup tiré avantage ces dernières décennies de la mondialisation et de l’essor du commerce avec la Chine. Or, aujourd’hui, le président Biden demande à l’Europe de faire un choix. »
Les obligations, un must
Capital Group note également qu’il est aujourd’hui largement considéré que les investissements à taux fixe sont perçus comme une catégorie d’actifs à part entière, mais ne sont pas jugés attrayants. Il y a également une crainte de rendement négatif.
« Si, cependant, on se penche sur le rendement des obligations lorsque le taux d’intérêt augmente, on constate qu’elles s’en sont plutôt bien sorties sur une période prolongée.
Les produits à revenu fixe auront toujours un rôle à jouer au sein d’un portefeuille varié, surtout comme ‘diversificateurs’ par rapport aux actifs à risque et pour garantir une préservation du capital, générer du rendement et se protéger de l’inflation, entre autres par le biais d’obligations liées à l’inflation. Ces quatre arguments sont toujours d’actualité aujourd’hui ! »