Gilles Moec, chef économiste du Groupe AXA, était à Bruxelles pour présenter ses perspectives pour l’année 2020. Il s’est montré particulièrement préoccupé par le fait que l’optimisme actuel qui règne sur les marchés ne pourra pas être maintenu en raison du nombre de défis élevé.
Pas de croissance des bénéfices aux États-Unis
Gilles Moec, chef économiste du groupe financier français depuis la mi-2019, n’est pas rassuré car il distingue plusieurs faiblesses. « Les entreprises américaines s’endettent de plus en plus alors que leur rentabilité est en baisse. Et ce dernier point ne devrait pas surprendre, car les coûts du travail augmentent aujourd’hui plus rapidement que la productivité. Du reste, les baisses d’impôts et de taux d’intérêt ne parviennent plus à l’occulter. » Il estime en outre que le fait qu’aujourd’hui, près d’un quart des entreprises du Russell 3000 (composé de petites capitalisations boursières) ne réussissent pas à payer les intérêts des prêts avec le bénéfice d’exploitation constitue un signal clair. « Le nombre de ces entreprises zombies est à son plus haut niveau depuis la crise financière. »
Et selon Moec, les entreprises européennes souffrent des mêmes problèmes et doivent faire face à une moindre croissance des bénéfices. « Elles ont aujourd’hui peu de raisons d’investir davantage et d’embaucher des travailleurs supplémentaires. » Selon le chef économiste, il n’est dès lors pas surprenant que le cœur industriel de l’Europe, avec l’Allemagne en tête, soit aujourd’hui en difficulté.
Marchés : un redressement s’impose
Moec prévoit qu’une fois que l’optimisme commercial actuel se sera dissipé, les marchés boursiers auront du mal car ce problème structurel de bénéfice sera davantage mis en évidence. « Et comme les actions américaines sont généralement chères, la gueule de bois pourrait frapper les marchés au second semestre. » Bien que le chef économiste ne s’attende pas à un krach, il tient simplement à souligner que les attentes actuelles des investisseurs en matière de rendement sont beaucoup trop élevées et devront être tempérées.
En outre, il voit la Réserve fédérale réapparaître au-devant de la scène avec des réductions de taux d’intérêt, surtout si l’économie américaine montre à nouveau des signes de faiblesse. Mais il souligne que l’impact d’une baisse des taux d’intérêt sera très limité. « Deux baisses de taux d’intérêt de 25 points de base apporteront une croissance supplémentaire de 0,35 % seulement. Il ne faut pas en attendre à grand-chose. » En Europe, on table sur les incitations fiscales, mais selon Moec, il ne faut pas trop compter sur elles. « Ceux qui veulent ne peuvent pas, et ceux qui peuvent ne veulent pas. »
Risques
Par ailleurs, Gilles Moec est d’avis que les risques politiques sont aujourd’hui insuffisamment pris en compte. Il souligne en rouge les élections présidentielles américaines, même si les chances du président sortant Trump ne font qu’augmenter. De plus, il est toujours tracassé par le Brexit : « Il y a encore des obstacles importants à franchir cette année et la tension pourrait encore monter. » Moec épingle également la politique italienne en tant que possible foyer de tension, car la coalition actuelle a de nouveau perdu de sa popularité.
Face à ces nombreux défis, dans quoi faut-il investir aujourd’hui ? « L’immobilier emporte ma préférence, tout comme les obligations des pays émergents. À ceux qui souhaitent continuer à investir dans les actions, je conseillerais d’opter principalement pour les valeurs de dividende. »