Les rendements générés par les fonds de crédit privé semblent principalement bénéficier aux gestionnaires de ces fonds plutôt qu’aux investisseurs. Après déduction des frais et des risques, aucun rendement supplémentaire ne subsiste, révèle une étude récemment publiée par trois économistes du National Bureau of Economic Research (NBER) américain.
L’étude Risk-Adjusting The Returns To Private Debt Funds analyse les données de flux de trésorerie de 532 fonds de crédit privé créés entre 1992 et 2015. Les chercheurs ont comparé le capital investi avec les distributions aux investisseurs.
Les taux auxquels les fonds de crédit privé empruntent semblent suffisamment élevés pour couvrir les frais et les risques, mais trop faibles pour générer des rendements supplémentaires pour les investisseurs après prise en compte des risques.
Les chercheurs Isil Erel, Thomas Flanagan et Michael S. Weisbach, tous affiliés à l’université d’État de l’Ohio, estiment que bien qu’il soit possible de générer de l’alpha, celui-ci s’évapore une fois les frais payés aux gestionnaires de fonds.
Rémunération du risque
Le premier problème est bien connu : le coût des fonds. Les frais des fonds de crédit privé se composent généralement d’une commission de gestion de 1,5 % et d’un carried interest (intéressement différé) de 15 %. Ces frais sont inférieurs à ceux des fonds de capital-investissement (private equity), mais nettement supérieurs à ceux d’autres prêteurs accordant des prêts privés. Selon les chercheurs, le risque associé est également beaucoup plus élevé.
« Les autres prêteurs non bancaires facturant des frais beaucoup moins élevés, les fonds de crédit privé doivent prêter à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés que ceux de ces prêteurs, et traitent plus fréquemment avec des emprunteurs de moindre qualité qui ne disposent d’aucune autre source de capital.
De plus, de nombreux fonds de crédit privé complètent les prêts de leurs portefeuilles par des capitaux propres ou des instruments tels que des warrants afin d’augmenter le rendement.
Nos estimations indiquent qu’une fois corrigés des frais et des risques, les fonds de dette privée offrent à leurs investisseurs des rendements adaptés aux risques encourus, mais guère plus », précise le rapport.
En plein essor
Les fonds de dette privée, qui représentaient, selon les données de Preqin, quelque 1500 milliards de dollars d’actifs sous gestion en 2023, constituent néanmoins la catégorie connaissant la croissance la plus rapide sur le marché des prêts, avec un doublement du marché au cours des cinq dernières années.
La popularité croissante du crédit privé s’explique en grande partie par le fait que les investisseurs institutionnels se détournent des titres à revenu fixe traditionnels en faveur d’alternatives privées, une tendance tout à fait justifiée.
Depuis le début de la crise financière mondiale de 2008 jusqu’au troisième trimestre 2023, le rendement annuel moyen s’est établi à environ 8 %, surpassant celui des obligations d’entreprise investment grade (3 %) et des obligations à haut rendement (6 %).