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Après une décennie dans l’ombre, les fonds spéculatifs macro reviennent sur le devant de la scène. Avec l’augmentation de la volatilité des marchés, les gestionnaires d’actifs professionnels s’intéressent à nouveau à ces fonds.

Historiquement, les stratégies macro globales ont eu du mal à produire des rendements réguliers dans les périodes de faible volatilité et les années 2010 ne leur ont pas été favorables. Avec le retour de la volatilité, les investisseurs estiment que ce type de fonds spéculatifs est à nouveau pertinent.

Contrairement aux stock pickers traditionnels, qui adoptent une approche bottom-up axée sur les entreprises individuelles, les gestionnaires macro se concentrent sur les tendances économiques et politiques plus larges. En négociant plusieurs classes d’actifs, dont les actions, les obligations, les devises et les matières premières, ils peuvent tirer profit des grandes fluctuations du marché.

« Les nouveaux régimes et les changements de politique aux États-Unis et en Europe créent de la volatilité et des opportunités de négociation », déclare Tom Wrobel, directeur du département Prime brokerage de la Société Générale. Des taux d’intérêt plus élevés et une inflation soutenue constituent un terrain fertile pour ces stratégies, a-t-il déclaré dans un entretien accordé à Investment Officer.

Une enquête récemment publiée par la Société Générale auprès de 239 investisseurs (fonds de fonds, consultants en investissement et family offices) montre que les stratégies macro globales sont les plus citées au rang des stratégies à adopter en 2025. 
Les macro-gestionnaires se concentrent sur trois domaines principaux : les perturbations géopolitiques, les taux d’intérêt élevés et l’inflation. Les stratégies macro sont particulièrement adaptées aux conditions actuelles du marché, selon Tom Wrobel. Ils ne spéculent pas seulement sur l’évolution des cours, mais exploitent également les opportunités de valeur relative entre différentes classes d’actifs.

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Réévaluations institutionnelles

Les portefeuilles des investisseurs institutionnels sont actuellement fortement axés sur les actions américaines. Avec un gain annualisé de plus de 10 % pour le S&P500 au cours de la dernière décennie, il est difficile de résister à l’attrait de cet indice éprouvé.

Toutefois, les titres ont tendance à être surévalués. Avec un rapport cours/bénéfice d’environ 22, le S&P500 est cher dans une perspective historique. Le Nasdaq, dominé par les géants de la technologie, affiche des multiples encore plus élevés. Cela soulève des doutes quant à la pérennité des bons résultats des actions américaines. Quant aux autres marchés d’actions, comme ceux de l’Europe, ils ne suscitent guère d’enthousiasme pour l’instant.

« Les investisseurs sont conscients de la nécessité de disposer de portefeuilles plus résilients, capables de s’adapter à l’évolution de la dynamique du marché », estime M. Wrobel. La fiabilité du portefeuille 60/40, jusqu’ici une référence en matière d’investissement institutionnel, est remise en question. Les obligations, traditionnellement considérées comme un contrepoids aux actions, ont enregistré des rendements négatifs ces dernières années et leur corrélation historiquement négative avec les actions s’est affaiblie. « Cette évolution remet en question leur rôle de couverture dans un portefeuille équilibré », remarque Tom Wrobel.

Nouveaux acteurs

L’offre évolue également. Aux Pays-Bas, Palinuro Capital, un nouveau fonds spéculatif macro global avec près de 100 millions de dollars d’encours, a été lancé au début du mois de janvier. Son fondateur, Alfonso Peccatiello, est l’auteur de la lettre d’information The Macro Compass et a précédemment géré un portefeuille de 20 milliards de dollars chez ING.

Lombard Odier a également lancé une nouvelle stratégie Global Macro cette année. La diversification traditionnelle a ses limites sur les marchés volatils, explique Didier Anthamatten, gestionnaire de portefeuille chez Lombard Odier Investment Managers. « Notre stratégie DOM Global Macro vise à offrir des rendements stables en s’appuyant moins sur les actions et les obligations, afin de garantir la stabilité en période d’incertitude », a-t-il écrit dans un e-mail adressé à Investment Officer.

Critiques

Les détracteurs des stratégies macro mettent en avant leur complexité et des rendements trop faibles pour justifier des frais élevés. Selon le Hedge Fund Data Engine d’Aurum, les stratégies global macro tout comme les arbitrages statistiques, font partie des catégories les plus chères du secteur des fonds spéculatifs.

En outre, les facteurs attrayants, tels que la volatilité, l’incertitude et les tensions géopolitiques, les rendent également risqués. Les fonds qui se trouvent du « mauvais côté » des grands mouvements du marché peuvent subir de lourdes pertes.

Lors de l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, par exemple, de nombreux fonds macro étaient fortement exposés aux actifs russes et ukrainiens. Ces positions, basées sur des fondamentaux solides et des perspectives positives pour les matières premières, se sont finalement révélées désastreuses en raison des bouleversements géopolitiques.

L’effondrement de la Silicon Valley Bank en mars 2023 a également surpris plusieurs gestionnaires macro, et notamment Graham Capital Management. Peu de fonds semblaient préparés à l’impact inattendu de tels événements.

Performances

Malgré les difficultés, 2024 a été une année faste pour plusieurs fonds spéculatifs à orientation macro. Ainsi, Discovery Capital, l’un des principaux fonds macro mondiaux, a enregistré une progression de 52 % l’année dernière. Ce succès est dû à des positions stratégiques dans de multiples classes d’actifs, tant sur les marchés émergents que sur les marchés développés, selon un rapport de Reuters.

Bridgewater Associates, le plus grand fonds spéculatif au monde, a également connu un retour en force. Le fonds phare Pure Alpha 18 % Volatility a enregistré un rendement de 11 %, ce qui représente une nette amélioration par rapport aux résultats décevants des années précédentes.

Le fonds composite phare de D.E. Shaw & Co., maison réputée pour ses stratégies quantitatives, a progressé de 18 %. Le fonds Oculus, plus orienté macro, a gagné 36 %, son meilleur résultat annuel à ce jour.

Le rapport de la Société Générale susmentionné montre que les fonds spéculatifs sur matières premières et les fonds spéculatifs neutres vis-à-vis du marché occupent respectivement la deuxième et la troisième place en termes d’intérêt d’investissement. Cela reflète une prise de conscience croissante de la nécessité de constituer ce que M. Wrobel appelle des portefeuilles « à l’épreuve des tempêtes ».

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