« Au niveau régional, nous sommes surpondérés pour l’Europe, neutres pour les États Unis et sous-pondérés en Chine et dans les marchés émergents. Concernant les obligations, nous nous sommes détournés des obligations variables et liées à l’inflation en faveur de maturités plus longues au rendement plus élevé », explique Laurence De Munter, stratège en investissement chez Securities De Munter.
Cette année, l’effet janvier s’est clairement appliqué, en particulier sur les actions européennes. « Le marché s’est révélé trop négatif, et beaucoup de liquidités se sont ainsi retrouvées sur la touche. La négativité était telle que chaque petite nouvelle positive a eu un impact considérable. Nous présumons que 2023 sera probablement une meilleure année boursière que 2022, entre autres parce que nous constatons une baisse progressive de l’inflation et que les valorisations sont plus attrayantes. »
Puis vinrent février et mars. « Nous avons vu que l’inflation ne diminuait pas aussi rapidement que prévu. L’’inflation persistante’, en particulier, reste élevée, or c’est la plus importante. Nous tenons cependant à appréhender tout ceci de manière rationnelle. Pour le marché énergétique, la chaîne d’approvisionnement a été déplacée et nous avons eu la chance d’avoir un hiver chaud. Pour les matières premières, le niveau des stocks semble plus sain qu’il y a un an et demi environ. »
Les banques centrales ont continué d’augmenter les taux d’intérêt de façon agressive et persisté dans leur rhétorique, et nous en voyons aujourd’hui les conséquences. Elles ont mis du temps à s’accommoder et ont été bien trop agressives l’an dernier : il était à prévoir que cela entraînerait de la casse. La saga autour de Silicon Valley Bank et Signature Bank montre bien les conséquences imprévues d’une politique monétaire de resserrement agressive. Les banques centrales vont donc devoir se concentrer davantage sur la stabilité financière que sur l’inflation élevée », constate De Munter.
Une positivité prudente
La stratège affirme néanmoins rester prudemment positive. « Nous restons fidèles à notre stratégie à long terme, focalisée sur la qualité, la liquidité et les tendances de croissance séculaires. Nous restons en outre attentifs aux opportunités. Certains marchés sont fortement pénalisés, à juste titre ou non, typiquement ceux qui sont un peu plus chers et dont le taux d’endettement est plus élevé. Nous nous concentrons sur les marges de ces entreprises. Nous constatons en effet que l’indexation et/ou le pouvoir de fixation des prix peuvent être sources de stabilité. »
Concernant les actions, le gestionnaire d’actifs reste positif dans l’ensemble. « Entre autres car les valorisations ne sont pas trop fortes et que le marché est davantage en mode ‘Peur’ que ‘Cupidité’. Les augmentations du taux d’intérêt sont derrière nous pour la plupart, ce qui est positif pour les actions. S’il subsiste bien un risque de récession, il ne fait pas partie de notre scénario de base. »
Elle observe également que l’économie ne se porte pas aussi mal que tout le monde l’aurait pensé. « Le chômage reste bas et la confiance des consommateurs est récemment remontée. Si les grandes entreprises technologiques ont fait les gros titres avec leurs importantes vagues de licenciement, celles-ci ont fait suite à des embauches (trop) massives de personnel supplémentaire pendant la pandémie. »
Des accents régionaux
Sur le plan des actions, une surpondération régionale concerne l’Europe, tandis que les États Unis reçoivent une position neutre. « Les valorisations européennes sont attrayantes, et bénéficient en outre d’un rendement supérieur des dividendes. Les taux d’intérêt y sont en outre plus bas qu’aux États Unis. Les actions américaines présentent une valorisation moins intéressante, et le dollar fort n’arrange rien. »
Les actions de Chine et des marchés émergents sont quant à elles sous-pondérées. « Les risques géopolitiques y sont encore bien trop importants ; prenez l’exemple des incertitudes entourant Taïwan ou les tensions croissantes avec les États Unis. Les taux d’intérêts américains plus élevés jouent en outre en défaveur de l’endettement des marchés émergents. »
Concernant les obligations, le gestionnaire a abandonné les obligations variables et liées à l’inflation pour des maturités plus longues au rendement plus élevé. « Nous avons vite supposé que le taux d’intérêt augmenterait et avons donc entamé cette rotation », confie De Munter.
Un outil supplémentaire
La popularité croissante des investissements passifs remet en question la valeur ajoutée de la gestion active. « Pour nous, cependant, passif et actif vont de pair. Les trackers permettent d’investir dans des thèmes spécifiques. Grâce à ces instruments, nous avons pu adopter facilement une position bien diversifiée. »
Mais la gestion active peut toujours offrir un complément bien utile. « La gestion active permet de protéger les portefeuilles contre certains risques. On peut ainsi, par exemple, exclure certaines entreprises et certains secteurs. Ceci permet de constituer des portefeuilles sur mesure pour nos clients, axés sur leurs préférences spécifiques. Nous notons que la plupart des acteurs du Private Banking n’utilisent encore que peu les lignes individuelles, mais nous faisons le choix de miser délibérément sur cela », conclut De Munter.