Ces dernières semaines, les banques belges se sont livrées à une bataille acharnée pour récupérer les 22 milliards d’euros libérés le 4 septembre, après l’émission de bons d’État la plus réussie de l’histoire. Elles semblent avoir réussi à récupérer la majeure partie de ces milliards. Mais que va-t-il se passer ensuite ?
Une chose est sûre : le grand gagnant de l’an dernier, l’État belge, est cette fois-ci le grand perdant. Dans l’espoir de récupérer quelques milliards d’euros, l’Agence de la dette a émis deux nouveaux bons d’État dès l’expiration de son bon à un an couronné de succès. Mais, comme on le sait, avec des taux d’intérêt nets inférieurs à 2 %, les conditions étaient bien moins avantageuses, ce qui fait que seule une petite partie des épargnants ont de nouveau choisi de se tourner vers l’État belge.
Le nouveau bon d’État à un an (taux d’intérêt de 1,925 % net) n’a recueilli que 382,7 millions d’euros de souscriptions à peine, contre près de 22 milliards d’euros un an plus tôt. En incluant un bon d’État à 10 ans, l’Agence de la dette a récolté cette fois-ci un total de 402,5 millions d’euros. Pas des milliards donc, mais « seulement » quelques centaines de millions.
Cela laisse supposer que la majeure partie des fonds investis dans les bons d’État est retournée vers les banques. Johan Thijs, CEO de KBC, a déjà confirmé lors d’un entretien avec De Tijd le week-end dernier que sa banque a déjà accueilli plus de dépôts que les 5,7 milliards d’euros qui avaient quitté KBC l’année dernière au profit des bons d’État.
Les capitaux investis dans les bons d’État sont en grande partie revenus vers les banques, mais certaines ont dû consentir davantage d’efforts qu’elles ne l’auraient souhaité pour les récupérer.
Kenneth De Beckker, professeur d’économie financière
« La principale conclusion est que la majorité des fonds investis dans les bons d’État est retournée aux bilans des banques. C’était d’ailleurs leur principal objectif en ce mois de septembre », analyse Kenneth De Beckker, professeur d’économie financière à l’Open Universiteit/ KU Leuven. « Certaines banques ont probablement dû aller plus loin qu’elles ne l’auraient souhaité en raison des taux d’intérêt attractifs proposés par ING, qui ont contraint la concurrence à s’aligner. »
Fin août, la banque orange a jeté un pavé dans la mare en offrant un rendement net de 2,66 % sur un compte à terme d’un an. Cette offre est valable jusqu’au 29 septembre, c’est-à-dire jusqu’à la fin de cette semaine. Les autres banques ont réagi en proposant des promotions temporaires sur les comptes à terme et les bons de caisse. Chez Belfius, une offre pratiquement identique à celle d’ING est également disponible jusqu’à dimanche.
Concurrence acharnée jusqu’au bout
« À ma grande surprise, les promotions d’ING et de Belfius se poursuivent encore », déclare Kenneth De Beckker. « Je m’attendais à ce qu’elles prennent fin une fois les souscriptions aux nouveaux bons d’État clôturées. Cela a des répercussions sur l’ensemble du secteur, contraignant certains acteurs plus modestes – comme Argenta – à prolonger également leurs offres. »
Les stratégies commerciales varient considérablement d’une banque à l’autre. Certaines, comme la banque en ligne MeDirect et Crelan, acteur de taille moyenne, ont mis fin prématurément à leur offre de comptes à terme à taux élevé, semble-t-il en raison de leur succès retentissant.
KBC a quant à lui clôturé son offre de comptes à terme à taux élevé le 15 septembre, comme prévu. Cependant, la banque a relancé une action sur les bons de caisse (avec un taux d’intérêt net de 2,17 %) jusqu’au 29 septembre, date de clôture de la promotion d’ING.
Chez BNP Paribas Fortis, les offres sur les bons de caisse se sont terminées hier, mais ont immédiatement été prolongées. En outre, la banque continue de proposer une action promotionnelle sur les obligations structurées. En résumé, les quatre grandes banques (ING Belgique, Belfius, KBC, BNP Paribas Fortis) prolongent encore brièvement leurs efforts.
« Les banques offrent des taux supérieurs au taux du marché, ce qui rend la récupération des fonds investis dans les bons d’État coûteuse pour elles. Cependant, rien ne les oblige à aller aussi loin », explique Hans Degryse, professeur de finance à la KU Leuven.
« Je pense que les choses se calmeront à partir du mois prochain », anticipe Kenneth De Beckker. « Non seulement les offres temporaires disparaîtront, mais les comptes d’épargne spéciaux lancés il y a un an deviendront également moins attrayants. Nous nous dirigeons en effet vers un environnement global de baisse des taux d’intérêt. »
Hans Degryse s’attend également à une normalisation générale du marché de l’épargne. « Surtout si la BCE réduit encore ses taux, peut-être dès novembre, et presque certainement en décembre. »
Objectif atteint ?
Il y a un an, le ministre des finances sortant, Vincent Van Peteghem (CD&V), espérait que le bon d’État fiscalement avantageux inciterait les banques à ajuster plus rapidement leurs taux d’intérêt sur les livrets d’épargne en fonction des hausses des taux directeurs de la BCE.
Cet objectif a-t-il été atteint? «Le bilan est mitigé », répond Hans Degryse. « Le bon d’État a tout de même eu un certain effet. Les citoyens ont davantage envisagé la possibilité de changer de banque, ce qui est positif pour la culture financière en général et a également stimulé la concurrence. Cependant, cet effet ne s’est pas manifesté sur le marché escompté, celui des comptes d’épargne, mais sur celui des bons de caisse et des comptes à terme. »
« J’espère simplement que les épargnants belges réfléchiront désormais de manière plus systématique à la somme qu’ils ont réellement besoin de conserver sur leur compte d’épargne et envisageront davantage d’alternatives », ajoute Kenneth De Beckker.
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