L’avertissement selon lequel les dommages liés au climat seront plus difficiles à assurer se fait plus pressant. Des temps difficiles s’annoncent pour les investisseurs immobiliers, car leur horizon d’investissement devient de plus en plus risqué.
Une affirmation qui a été douloureusement évidente cet été avec les inondations meurtrières en Belgique, en Allemagne et dans le Limbourg. Le changement climatique provoque des conditions météorologiques extrêmes et occasionne d’énormes dégâts. En raison de l’imprévisibilité de l’impact du changement climatique, il devient de plus en plus compliqué de s’assurer contre les dommages, a récemment averti l’AFM. Selon le régulateur néerlandais, les investissements immobiliers vont progressivement devenir plus risqués.
Au niveau mondial, les dommages causés par les catastrophes naturelles en 2020 se sont élevés à 190 milliards de dollars, dont 81 milliards étaient assurés. Et les dommages causés par les inondations dans l’UE ont atteint en moyenne 4 milliards d’euros par an au cours de la première décennie de ce siècle. Ce chiffre atteindra pas moins de 23 milliards d’ici à 2050, selon les estimations de Het Verbond van Verzekeraars, l’association néerlandaise des assureurs.
Il devient de plus en plus difficile de prédire l’impact du changement climatique, y compris pour les assureurs. Par conséquent, les dommages liés au climat, tels que les inondations et les effondrements de maisons causés par la sécheresse, deviendront progressivement plus difficiles à assurer. Pour autant que les dommages soient couverts, les consommateurs pourront être confrontés à de grandes différences entre assureurs, à des conditions de police d’assurance complexes assorties de limitations, d’exclusions, d’exigences en matière de prévention, ainsi qu’à des changements de conditions des polices d’assurance. La charge des sinistres va augmenter de manière significative dans les années à venir, prévient le régulateur AFM.
Décalage dans l’horizon d’investissement
Selon Lucas Vuurmans, Senior Portfolio Manager chez Van Lanschot Kempen, le danger réside dans l’horizon d’investissement court de nombreux investisseurs immobiliers. Celui-ci n’est souvent que de dix ans, alors que les valorisations de l’immobilier et du changement climatique ont souvent un horizon de plus de quarante ans. Ce décalage constitue un risque, estime l’investisseur. Selon lui, de nombreux investisseurs immobiliers n’incluent pas l’impact du changement climatique sur leurs investissements dans leurs analyses.
Vuurmans souligne qu’il existe déjà des biens immobiliers qui ne sont plus assurables. « Depuis les années 80, les biens immobiliers japonais ne sont dans certains cas plus assurés contre les tremblements de terre. Les dommages causés par les tremblements de terre aux biens immobiliers sont à la charge du propriétaire et donc, au bout du compte, de l’investisseur. »
Vuurmans cite également la Floride, où l’on observe la même évolution. « Il y a trois ans, les assurances contre les ouragans des hôtels dans lesquels nous avons investi représentaient moins d›1 % des revenus locatifs annuels. Aujourd’hui, les montants augmentent rapidement, ce qui oblige certaines chaînes à vendre leurs hôtels. Ce sont des changements inévitables, dont l’investisseur doit être conscient. »
Selon Vuurmans, le changement climatique et les dommages qui y sont liés montrent clairement à quel point l’analyse prospective est nécessaire. En collaboration avec le plus grand réassureur du monde, Munich Re, Van Lanschot Kempen cartographie les risques de catastrophes naturelles. « Sur la base d’analyses de données au niveau du bâtiment, nous évaluons les qualités et les risques. Où est situé le bâtiment, quel est le degré de développement de l’environnement et quel est l’état du bâtiment ? À ces estimations, nous ajoutons l’analyse des risques climatiques de Munich Re, qui cartographie les conséquences de la hausse des températures, de l’augmentation des précipitations et de la fréquence des tempêtes sur l’immobilier. »
Le fonds d’investissement en immobilier coté en bourse dont Vuurmans est gestionnaire de portefeuille gère plus d’un milliard d’euros et investit dans des noms tels que Warehouse de Pauw, Vonovia et Merlin Properties. Lorsque l’équipe d’investissement souhaite estimer la valeur intrinsèque des entreprises, elle examine la somme de tous les biens immobiliers détenus par ces entreprises. « Notre analyse du risque climatique détermine ensuite si nous sommes prêts à payer une prime si le risque est faible, ou à demander une réduction si le risque est élevé. »
PGGM reste calme
Maarten Jennen, Senior Director Private Real Estate chez PGGM, ne voit pas encore de raison de paniquer. « Nous essayons d’évaluer au mieux les risques physiques et de transition, mais il n’y a pas lieu de céder au stress. » PGGM, qui développe sa plateforme de marchés privés depuis 2009, gère 16 milliards d’euros d’investissements immobiliers, répartis sur 4500 propriétés à travers le monde.
Selon Jennen, cette évolution n’est pas problématique pour l’investisseur immobilier mondial ayant un horizon long. « Nous constatons ici et là que les primes d’assurance peuvent augmenter, mais un assureur peut les adapter chaque année. Cependant, les risques à long terme sont entourés de beaucoup d’incertitudes. Cela pourrait signifier que dans le futur, les conditions météorologiques extrêmes seront davantage intégrées dans les tarifs. En outre, certaines régions deviendront à terme plus difficiles à assurer, mais nous n’y sommes absolument pas confrontés dans notre portefeuille actuellement. »
Tous les investissements immobiliers de PGGM sont assurés, explique Jennen. « Nous constatons que les primes d’assurance augmentent ici et là, mais pour l’instant, une hausse des primes n’aura pas d’incidence suffisamment négative sur nos investissements pour justifier une action. Cet effet n’est tout simplement pas visible dans notre rendement. »
Si les primes d’assurance ont un impact significatif sur les résultats d’investissement, cela s’accompagnera également de changements indésirables dans le profil de risque, poursuit l’investisseur. « Nous sommes alors censés avoir déjà renoncé à ces lieux grâce à notre analyse des risques physiques. »
La modification de l’assurabilité des biens immobiliers en raison du changement climatique est un sujet de préoccupation pour PGGM, mais ne constitue actuellement pas un élément décisif dans le profil de risque d’un investissement immobilier.