
Les entrepreneurs qui ont constitué des réserves d’épargne via leur petite entreprise doivent être vigilants, car deux régimes fiscaux sont sur le point d’être modifiés : la réserve de liquidation et le VVPR bis.
Les deux régimes permettent des distributions à un taux inférieur au taux commun de 30 % et ne s’appliquent qu’aux entreprises qualifiées de « petites » en vertu du Code des sociétés et associations (CSA). Dans le cadre de la réforme fiscale du gouvernement actuel, les deux régimes vont bientôt être harmonisés.
Réserve de liquidation
1. Régime actuel
La réserve de liquidation a été introduite à partir de l’exercice d’imposition 2015 pour compenser l’augmentation de l’impôt sur le boni de liquidation. Seules les petites entreprises peuvent bénéficier de ce régime. Lorsqu’une petite entreprise transfère des bénéfices après impôt à une réserve de liquidation, elle paie un prélèvement distinct de 10 % sur cette réserve. La réserve est inscrite sur un compte passif distinct et ne peut être utilisée pour des rémunérations ou des attributions.
Lorsque cette réserve est distribuée, deux régimes fiscaux différents s’appliquent actuellement :
- Lorsque la réserve de liquidation est distribuée sous forme de dividende ordinaire, un précompte mobilier supplémentaire est dû. Si la distribution a lieu dans les cinq ans suivant l’exercice au cours duquel la réserve a été constituée, le précompte mobilier s’élève à 20 %. Si la distribution n’a lieu qu’après cinq ans, le précompte mobilier n’est que de 5 %. Dans ce dernier cas, la charge fiscale effective est de 13,64 %, y compris la cotisation distincte de 10 % payée précédemment.
- Lorsque la réserve de liquidation est distribuée lors de la liquidation de la société, le prélèvement distinct de 10 % précédemment payé constitue l’impôt final. Aucun précompte mobilier supplémentaire n’est prélevé dans ce scénario, ce qui donne un taux d’imposition effectif de 9,09 %.
2. Modifications proposées
Le projet de loi-programme prévoit des ajustements importants au régime des réserves de liquidation. Par exemple, il y a une modification du délai d’attente à partir du 1er juillet 2025 et un choix supplémentaire pour les réserves de liquidation créées avant le 1er janvier 2026.
- La période d’attente pour bénéficier du taux réduit sera ramenée de cinq à trois ans. Si la distribution a lieu dans les trois ans suivant la création de la réserve, le taux de 20% de l’impôt à la source s’applique. Après la période d’attente de trois ans, le taux réduit de 6,5 % s’applique, au lieu du taux actuel de 5 %. La charge fiscale effective sur la distribution après la période d’acquisition passe ainsi de 13,64 % à 15 %.
- Pour les réserves de liquidation constituées au plus tard le 31 décembre 2025, le système actuel sera partiellement maintenu. Si la distribution n’est effectuée qu’après cinq ans, le taux favorable de 5 % continuera à s’appliquer. Si l’on choisit d’effectuer la distribution après trois ans, un taux réduit de 6,5 % sera appliqué. Si la distribution est effectuée dans les trois ans, le taux de retenue à la source actuel de 20 % continuera à s’appliquer.
- Pour les réserves de liquidation constituées à partir de 2026, le régime devient nettement moins intéressant en cas de distribution anticipée. Si ces réserves sont distribuées au cours de la période d’acquisition de trois ans, la charge fiscale totale s’élèvera à 36,36 %, étant donné qu’un taux réduit spécifique de 20 % n’est plus prévu pour cette distribution anticipée, mais que le taux de 30 % semble s’appliquer. Il s’agit d’une conséquence de l’alignement sur le régime de la VVPRbis.
- En cas de distribution lors de la liquidation, les règles restent inchangées : la cotisation distincte déjà versée de 10 % vaut comme impôt final, sans retenue à la source supplémentaire.
3. Conclusion
L’année 2025 représente un moment charnière important. Pour la réserve de liquidation, l’année 2025 offre une dernière opportunité de constituer des réserves sous le régime favorable actuel. Les contribuables peuvent choisir entre le maintien de la période de détention de cinq ans avec une charge fiscale de 13,64 %, ou opter pour une distribution après trois ans avec une charge fiscale de 15 %.
En l’absence de besoin urgent d’argent, il est fiscalement plus avantageux d’attendre le 1er janvier 2026 pour les réserves de liquidation constituées en 2020. Vous pourrez alors les distribuer avec un précompte mobilier de 5 % au lieu de 6,5 %, ce qui représente une économie de 1,36 %.
Pour les besoins urgents d’argent, cette nouvelle possibilité peut être utilisée pour effectuer des distributions dès la fin de la période d’attente de trois ans. À partir du 1er juillet 2025, il sera alors possible de procéder à une distribution taxée à 6,5 % au lieu de 20 %, ce qui permettra de réaliser d’importantes économies.
Si la société doit être liquidée à brève échéance, il est encore plus avantageux de laisser les réserves de liquidation dans la société jusqu’à la liquidation. Dans ce cas, aucun précompte mobilier n’est dû.
Régime VVPR bis
Des modifications sont également proposées dans le cadre du régime VVPRbis.
1. Régime actuel
Le régime VVPRbis permet de payer les dividendes d’actions avec un précompte mobilier réduit, pour autant que certaines conditions soient remplies. Il concerne les dividendes des nouvelles actions nominatives émises à la suite d’un apport en numéraire effectué à partir du 1er juillet 2013 par une petite société au sens du CSA.
Le taux réduit ne s’applique qu’aux dividendes ordinaires.
Au cours de l’exercice de l’apport en capital et de l’exercice suivant, le taux de retenue à la source est de 30 %. Au cours du deuxième exercice suivant l’année de l’apport, il tombe à 20 %. À partir du troisième exercice suivant l’apport en capital, le précompte mobilier n’est plus perçu qu’à hauteur de 15 % sur les dividendes versés.
2. Modifications proposées
Pour les apports en capital qui auront lieu après le 1er janvier 2026, le taux intermédiaire de 20 % qui s’applique actuellement au deuxième exercice suivant l’apport disparaîtra. Sous le nouveau régime, le taux normal de 30 % s’appliquera à nouveau aux distributions du deuxième exercice. À partir du troisième exercice, le taux réduit de 15 % continuera à s’appliquer.
3. Conclusion
L’année 2025 représente également un moment charnière important. Dans le cadre du régime VVPRbis, il est judicieux pour les sociétés d’effectuer des apports en capital avant la fin de l’année 2025. Cela permet de bénéficier encore du taux de 20 % lors d’une distribution au cours du deuxième exercice suivant l’apport. Pour les apports à partir de 2026, cette possibilité de distribution à 20 % disparaît et le taux de 15 % ne s’applique qu’à partir du troisième exercice.
Sous réserve
Ces amendements doivent encore être approuvés par le Parlement. Au moment de la rédaction de cet article, la première lecture de ce projet de loi-programme en Commission des finances était déjà acquise. Le gouvernement vise une approbation de ce projet de loi dans le courant du mois de juin, pour une publication éventuelle au Moniteur belge avant le 1er juillet 2025. Compte tenu de la date déjà avancée en juin, ces dates cibles ne nous semblent plus réalistes.
Dirk Coveliers est avocat associé du cabinet LLJ (Lallemand, Legros & Joyn) et expert auprès d’Investment Officer. Il est aussi rédacteur en chef de la Revue Fiscalité des Placements.
Ce qui précède constitue simplement une information générale qui NE PEUT servir de conseil pour une situation spécifique.