Les comparaisons animalières constituent une source inépuisable d’inspiration, Igor De Maack de DNCA écrit dans un papier.
Depuis dix ans, le marché, comme la politique, s’est littéralement polarisé entre un certain type d’investisseurs (les moutons) et un autre (les chameaux). Ces deux animaux ont la particularité d’être des herbivores vivant dans des milieux naturels différents. Là où le mouton a besoin d’herbe grasse (argent facile et peu cher) et de ses congénères, le chameau, lui, est solitaire voire taiseux (pour ne pas dire désagréable) dans un environnement désertique dépourvu d’eau et d’aliments comestibles.
Depuis 2009 (mise à part l’année 2016, année de l’élection de Donald Trump), la plupart des investisseurs ont en effet adopté un comportement assez moutonnier. La dernière décennie a vu un courant acheteur extrêmement fort sur les valeurs technologiques (les cours respectifs d’Apple et de Tesla ont récemment franchi respectivement la barre des 300 dollars et 500 dollars). Par ailleurs, la domination de la gestion passive et indicielle est sans partage pour l’instant. BlackRock a collecté 1 milliards de dollars par jour en 2019. Le propre du mouton, quand il prend peur, est la fuite collective. Tout comme la masse des fonds investis sur des supports obligataires souverains, ces flux sur les valeurs technologiques, sur les valeurs américaines et plus généralement sur les valeurs de croissance risquent de partir très vite en cas de scénario adverse. C’est généralement l’esprit grégaire qui entraîne d’ailleurs les moutons à sauter ensemble dans le précipice en haute montagne. L’éclatement des bulles technologiques y ressemblerait certainement à l’instar de ce qui s’était passé dans les années 2000.
La gestion active, européenne et value ressemble plutôt à un chameau qui erre depuis (trop ?) longtemps dans les dunes ensablées de performances médianes. Pourtant, le camélidé a une grande capacité de résistance. Les actions décotées présentent l’avantage de pouvoir offrir un potentiel de revalorisation sur la prochaine décennie notamment si cette dernière est marquée par une hausse progressive des taux d’intérêt et par une pression inflationniste. Cela n’empêche pas, en ce début d’année, les émissions obligataires de rencontrer une vive demande de la part des investisseurs et d’atteindre des records journaliers en montant. L’environnement porteur en raison de bonnes nouvelles économiques (signature de l’accord commercial sino-américain, croissance mondiale autour de 3% en 2020) incite les émetteurs à profiter de conditions de taux attractives pour solliciter le marché.
Ensuite, les premiers retours des managements de sociétés rencontrés lors de récents séminaires confirment le scénario d’une stabilisation voire d’une reprise notamment en Europe. Cette opinion positive commence à prendre la forme d’un consensus. Il faut rester vigilant car le consensus s’avère aussi un trait de caractère du mouton. Le chameau peut, certes, vivre une traversée du désert au sens propre comme au sens figuré. Mais à la fin, il finit toujours par trouver une oasis pour se désaltérer et se rassasier.